L'information élevage par l'Alliance Pastorale

  • Salon

Egérie au SIA. Quelles en sont les retombées pour la race et son éleveur ?

Chaque année le Salon International de l’Agriculture met à l’honneur une race bovine. Un coup de projecteur qui constitue pour les races de véritables arguments aussi bien en termes d’image que d’impact commercial. Des retombées économiques et sociétales qui profitent également pleinement au terroir qui les accompagne et les soutient. 


Retours d’expérience du Nord, de l’Aubrac et de la Bretagne d’où sont originaires les 3 dernières vaches égéries du Salon.


La vache et le diplômé


Ils sont éleveurs et en rêvent : voir l’une de leurs vaches choisie pour être l’égérie du Salon International de l’Agriculture. Car voir son animal devenir l’image d’un si grand rassemblement agricole, c’est voir aussi les projecteurs se braquer sur une race, son terroir, sa région… et son élevage !


Pour ceux qui voient de loin le Salon International de L’Agriculture, la scène relève plus de l’anecdote : être propriétaire d’une bête sélectionnée pour être couronnée « vache égérie ». Pourtant, voir la reine de son cheptel devenir l’égérie officielle du Salon, attirer des milliers de fans venus approcher et photographier la star dans son enclos personnel, n’a rien d’un simple écho passager pour les éleveurs concernés.


C’est avant tout une fierté qui rejaillit sur tout un territoire, une région, et qui valorise le travail acharné d’une filière entière. “Avoir une vache égérie”, raconte Cédric Briand - heureux élu en 2017 avec Fine, sa Bretonne Pie Noir de 500 kg - “c’est être enfin en mesure de raconter une histoire. Celle d’un animal et de son éleveur, certes, mais plus encore celle d’une race encore peu connue. Cela a permis en quelque sorte d’ouvrir les vannes, de montrer un métier que nous défendons avec passion et dont nous vivons”. L’impact est tout autant médiatique qu’économique : “Nous respectons des critères extrêmement précis et coûteux d’élevage pour assurer ensuite la qualité de nos produits sur des circuits courts, explique l’éleveur. Avec de telles retombées, nous avons pu passer notre litre de lait de 1,20 € à 1,80 €. Pour autant, le prix d’une bête varie entre 900 et 1 200 €. En ce qui nous concerne, nous sommes restés dans cet ordre de prix sans chercher à spéculer sur notre vache égérie”.

Clémence Morinière coordinatrice de la Fédération des Races de Bretagne, renchérit : “Quelle aubaine ce fut pour nos vaches et notre terroir ! dit-elle, plus que jamais heureuse des retombées de l’événement, même trois ans plus tard. Nous avions une race en déclin, et nous nous sommes retrouvés sous les projecteurs du Salon. Nous étions repartis quelques années plus tôt avec une feuille presque blanche : il ne restait que 300 Pies Noirs. Nous en comptons aujourd’hui 3 000 !”.

À n’en point douter, les conséquences d’un tel sacre sont multiples pour la région ainsi mise en lumière. Labélisation des produits locaux et augmentation d’un agro-tourisme en vogue valorisent un peu plus le terroir dont l’animal fut un temps la vedette Porte de Versailles. Les accueils à la ferme se développent. Les visiteurs se pressent volontiers pour découvrir une région qui, jusqu’à présent, n’était pas forcément sur leur itinéraire de villégiature. Les coulisses recèlent bien des plaisirs inédits : on goûte directement des produits frais et sains tout en discutant avec ceux qui les fabriquent. Les agriculteurs prennent de fait la mesure de la médiatisation de leur territoire. « La valorisation de nos produits a connu un beau coup de booster grâce au Salon International de l’Agriculture 2019, analyse Laetitia Billes, directrice de l’Union Bleue du Nord, race à l’honneur en 2019. Lait, beurre et viande en ont réellement bénéficié, nous permettant de distinguer nos produits, leur authenticité et leur qualité. Et - qui sait ? - de pouvoir à terme prétendre à une labélisation qui nous offrirait une plus grande visibilité et de nouvelles retombées économiques”. Le tourisme local en a tout autant profité, avec des demandes en nette augmentation. «Nous avons, par exemple, initié des cafés-randos à pied ou à vélo : les randonneurs découvrent ainsi sur leur parcours des élevages ouverts au public, où s’instaure bien vite un dialogue avec l’éleveur. Avoir une vache égérie tombait rudement bien ! », conclut-elle spontanément. Ils sont à peine vingt-cinq éleveurs, confinés dans un étroit périmètre de 60 kilomètres environ délimitant le territoire des Bleues du Nord, à continuer d’élever à peine un millier de vaches de cette race mixte. “Beaucoup de gens de la région nous ont remerciés d’avoir su mettre en avant notre race et l’ensemble de notre terroir, raconte Gilles Druet, heureux propriétaire d’Imminence, égérie Bleue du Nord de l’édition 2019. Cela nous a aussi permis de contribuer à mieux identifier et à mieux protéger la race. Rester sur un petit territoire est la garantie d’une authenticité à laquelle nous, éleveurs, tenons plus que tout ! “.

L’Aubrac a beau être un nom plus connu que les deux autres précédemment cités, ne comptez pas sur Marion Vernoux, responsable communication de l’Organisme de Sélection de la race Aubrac, pour bouder son plaisir. Depuis que l’une des fameuses vaches de ces terres aux magnifiques plateaux rocailleux a été choisie pour incarner l’édition 2018, les choses ont encore évolué en Aubrac. D’autant plus que cette excellente nouvelle a été le fruit d’un long chemin et d’une mobilisation hors norme : “Nous n’avions jamais réuni autant d’acteurs régionaux pour contribuer au sérieux de notre dossier. Cela n’a pas été simple au départ. Mais le résultat est là, confie-t-elle, non sans fierté. Avec une vertu essentielle : nous avons pu mesurer notre capacité à avancer unis et à faire front sur d’autres projets économiquement importants pour le développement de notre terroir”. 

Thibaut Dijols propriétaire de Haute, la vache égérie de l’Aubrac au Salon International de l’Agriculture 2018, se souvient encore de l’émotion qui l’a étreint lorsqu’il a appris la bonne nouvelle : “On ressent immédiatement une profonde fierté. Pas seulement pour soi. Mais pour tous les éleveurs de la race qui se battent ensemble pour en maintenir l’authenticité”. L’éleveur savait qu’il devait être à la hauteur de la mission qui lui était confiée. Mais avec une vache baptisée « Haute » à l’âge de trois ans parce qu’elle était déjà la plus grande du troupeau- il partait évidemment avec une longueur d’avance.


IDÉALE une charolaise égérie de l’édition 2020 du Salon International de l’Agriculture

Pour sa 57e édition, le Salon International de l’Agriculture a choisi de mettre à l’honneur une vache Charolaise, Idéale. Pour cette vache aux mensurations idéales et à l‘allure majestueuse qui s’affiche dans toute la France avec calme, c’est le début d’une nouvelle carrière sous les projecteurs du Salon. Pour les Français et plus particulièrement les visiteurs du Salon International de l’Agriculture, c’est l’occasion de (re)découvrir la première race allaitante de France et d’Europe.


Au plus pré(s) de la Charolaise idéale


Elle ne pouvait mieux porter son nom : Idéale, massive et superbe Charolaise de 6 ans, a été sélectionnée pour représenter la race et figurer « en haut de l’affiche » de l’édition 2020 du Salon.

« Née avec un patrimoine génétique irréprochable légué par ses parents eux-mêmes issus de l’exploitation, Idéale a tout pour plaire » explique son propriétaire Jean-Marie Goujat qui dépeint précisément cette charolaise parfaite : une tête courte, un museau large avec une bonne barre de coupe, de belles cornes arrondies revenant parfaitement vers ses yeux en forme de croissant autrement appelées cornes cabettes (pour les initiés), un dos large et musclé, des cuisses épaisses… Le portrait au garrot d’une séductrice qui n’a pas laissé indifférent l’Organisme de Sélection de la race qui l’a choisie pour être l’ambassadrice des Charolaises !

Quand on sait qu’Idéale est en plus très maternelle -elle vêle avec régularité une fois par an- on se dit qu’une grande lignée est en devenir et qu’Idéale a un bel avenir après l’extraordinaire histoire qui l’a distinguée et les qualités qui lui ont été reconnues : “Elle va vivre longtemps précise Jean-Marie Goujat et aura beaucoup de veaux pleins de promesses pour l’agriculture française“.


Jean-Marie, Bruno, Laurent et les autres membres de la famille Goujat savent qu’elle est docile, car elle se laisse approcher sans hésiter et ne boude pas son plaisir quand il s’agit de se faire caresser par eux. C’est donc certainement sans perdre son flegme qu’elle s’apprête à répondre à toutes les sollicitations : celles des médias ; mais aussi celles des politiques, des institutionnels et surtout du public, trop heureux de faire sa connaissance en rapportant un selfie souvenir à ses côtés. Tant qu’on ne la coupe pas dans sa mastication sereine, elle prend la pose, laisse parler.


Quand Jean-Marie Goujat, son éleveur, a appris la nouvelle, il n’en revenait pas. À 33 ans, il porte toute son attention sur la préparation d’Idéale, mais n’en n’oublie pas pour autant les 125 autres vaches élevées sur une exploitation extensive de 187 hectares en agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement.

La ferme a été créée par son grand-père sur les Monts du Beaujolais à environ 45 kilomètres de Charolles, berceau de la race. Depuis 2014, Jean-Marie a rejoint le GAEC familial composé de son père Bruno, et de son frère Laurent. « Nos parents ont tout de suite compris notre passion dès l’enfance pour les Charolaises. Ils n’ont rien fait pour nous empêcher d’aller au bout de nos envies, bien au contraire». La preuve “Dès nos 6-7 ans, nous présentions nos premiers veaux en concours. Et, lorsque mon frère aîné a eu 18 ans, notre père nous a tous les deux expédiés en Alsace pour choisir et acheter seuls un taureau reproducteur. À nous de nous débrouiller ! Il savait que c’était la vie que nous voulions mener. Alors, il s’est très vite employé à nous y aider !”.

Jean-Marie Goujat reconnaît ainsi une jeunesse plus riche d’enseignements et de découvertes que pour beaucoup de gamins de son âge. Quant à ses enfants, il ne veut surtout rien projeter : “J’ai un fils de neuf ans et une fille de cinq ans. J’ai évidemment envie de leur transmettre les atouts de cette vie, de mon enfance. Mais je ne les obligerai à rien. C’est un métier difficile qu’on ne peut faire que par conviction et par passion”. Une passion qui l’anime depuis toujours et qui n’est pas prêt de s’éteindre. Et lorsqu’il précise que son frère a lui-même trois enfants, on devine en filigrane qu’au moins un représentant de la prochaine génération tombera à son tour dans la marmite charolaise. Un goût du métier et un savoir-faire qui se transmettent de génération en génération donc, et que Jean-Marie communiquera à tous les visiteurs du prochain Salon International de l’Agriculture.



La Charolaise, une emblème de l’élevage français


Comment ne pas connaître la mythique Charolaise ? Avec un effectif de 1,6 million de têtes dans toute la France, elle est l’une des principales races du pays. 

Initialement originaire du Charolais-Brionnais, dans le département de la Saône-et-Loire en Bourgogne Franche-Comté, la Charolaise a su étendre sa présence aux départements voisins, puis au reste de la France. Elle devient ainsi la première race allaitante du pays, présente dans la quasi-totalité des départements. Rentable, elle offre une viande de grande qualité. Respectueuse du cycle de la nature, elle nourrit ses veaux avec son lait pendant les neuf premiers mois, jusqu’au sevrage. Elevée à l’herbe, elle préserve, façonne, entretient le paysage et constitue un élément économique clé du territoire français. Animal de trait à l’origine, la Charolaise constitue une race rustique, capable de s’adapter à tous les environnements et tous les climats, ce qui lui permet d’être présente dans plus de 70 pays dans le monde.


Article paru dans le Bulletin de l'Alliance Pastorale N°907 de février 2020

 -