Le lierre, grimpant et expectorant

Facile d’accès, très fourni en feuilles quelle que soit la saison, le lierre grimpant (Hedera helix) est une plante hyper accessible pour les ruminants et très régulièrement consommée, que l’herbe soit abondante ou non. Le déterminant de cette consommation est mal connu. En effet, si les brebis et les chèvres en mangent d’avantage au printemps et à l’automne, on a surtout l’impression que l’accessibilité détermine l’ingestion, l’autoconsommation médicinale reste à explorer.

Le lierre, grimpant et expectorant

Un peu d’histoire…

Les utilisations historiques du lierre ne manquent pas. Dès l’Égypte ancienne, on retrouve des illustrations et des descriptions d’utilisations pharmacologiques du lierre, plante alors reliée à Osiris, Dieu de la fertilité et de l’éternité. Associée positivement à l’ébriété chez les auteurs romains et grecs, le lierre était réputé protéger des actions néfastes de l’alcool. Bacchus et Dyonisos sont d’ailleurs souvent représentés avec une couronne de lierre. Le vin de Lierre (décoction de feuilles dans du vin sucré) était utilisé comme un protecteur des empoisonnements divers et une aide précieuse pour les soirées arrosées. Durant le haut moyen âge le lierre terrestre (glechoma hederacea), une plante de la famille de la menthe et de l’ortie, lui sera préférée, probablement du fait de moindres réactions digestives. Son utilisation sera alors orientée vers le traitement de la « mauvaise humeur » et de la dépression ainsi que des troubles cutanés par usage externe. Seul sera gardé de la période antique l’utilisation de vin de lierre en traitement des maux de tête quelle qu’en soit l’origine. Son usage moderne, se précisera petit à petit en s’orientant plus exclusivement vers la sphère ORL.


…et de chimie

Seul représentant autochtone d’une famille botanique tropicale, il est cousin du ginseng, très utilisé en médecine chinoise pour ses propriétés anti-âge et stimulantes.

Parmi les nombreuses molécules que le lierre contient, les plus actives sont des saponosides triterpeniques : les hédérasaponines. Bien que peu efficaces à l’état brut, une grande partie de ces molécules sont transformées lors du passage dans l’estomac ou le rumen en principes actifs (dont l’α hédérine) qui sont responsables des effets constatés.  L’α hédérine seule présente in vitro et in vivo a une efficacité ß2 adrénergique marquée qui explique une grande partie des effets (positifs et négatifs) de la plante (action sur le système nerveux autonome responsable de la régulation des fonctions internes).


Le lierre contient également quelques anti-inflammatoires bien connus, comme des flavonoides (rutosides) et des huiles essentielles (dont limonène et ßcaryophylène). On y retrouve également des antiinfectieux divers via des huiles essentielles (germacrène D, sabinène et ßcaryophylène), des flavonoïdes (kaempférol) et les saponosides qui sont fongicides, antibactériens. L’effet sur les secrétions bronchiques est lié à la présence de limonene et aux saponosides qui augmentent et fluidifient toutes les secrétions.


Toxicité ? 

Le lierre est réputé toxique pour les animaux, c’est souvent la seule connaissance qui m’est opposée. Les déclarations d’intoxications existent, elles sont en faibles nombres et concernent essentiellement la période hivernale (où les baies sont jeunes et nombreuses), alors que les consommations régulières (et intenses) de feuilles ont plutôt lieu au printemps et en automne, on peut donc suspecter que les baies en soient majoritairement à l’origine. 

Les signes sont surtout digestifs : les saponosides sont en effet des tensio-actifs, ils augmentent les sécrétions ruminales et peuvent faire mousser le contenu ruminal si la ration est suffisamment riche en graisse. Cet effet moussant est à l’origine de quelques dysfonctionnements de la flore digestive. Il est alors décrit des météorisations et des diarrhées avec parfois des salivations excessives. Quelques mortalités sont décrites. Lorsque l’on confronte le nombre de cas déclarés -tous cas confondus- et les consommations constatées, il y a un fossé important : toutes les brebis et les chèvres ainsi que la plupart des vaches mangent spontanément du lierre, avec des consommations parfois importantes et seulement 38 cas ont été déclarés depuis la création du centre de toxicologie vétérinaire français. Les feuilles de lierres sont d’ailleurs commercialisées comme médicament antitussif en médecine humaine (en sirop) avec des limitations faibles (utilisable dès 2 ans, restriction de durée uniquement), les réserves étant surtout liées à des réactions allergiques cutanées bien documentées mais uniquement connues chez l’être humain.


Utilisation

Du fait de ses propriétés antimicrobiennes, antifongiques, vasoconstrictives et expectorantes, les feuilles de lierre sont recommandées dans le traitement des toux grasses mais également des toux d’irritation, en association avec le thym (effet de potentialisation). Il est également une aide au traitement des pneumonies avec forte congestion pulmonaire (RSV, PI3, streptococcus equii…) pour son aide au désencombrement bronchique.


L’accès à des massifs de lierres, l’usage de décoctions en libre service ou le drogage avec une tisane de feuilles est envisageable selon la disponibilité de la plante et le nombre d’animaux à traiter. 

Par précaution on limitera les traitements à base de lierre à 1 semaine consécutive, et l’arrêt est impératif en cas de désordre digestif concomitant.


Les saponosides responsables de l’activité de la plante sont la principale arme de défense de la plante contre les attaques microbiennes et fongiques. En cas de cueillette personnelle en vue d’utilisation médicinale, il est donc conseillé de choisir les feuilles les plus foncées, coriaces voire abîmées. La dose recommandée par l’EMA et les pharmacopées françaises et allemandes est de 0,8 g de matière sèche par tasse pour 60 kg de poids vif. Une feuille fraîche contenant entre 30 et 50 % de matière sèche, on utilise environ 3 g de feuille fraîche pour 25 mL d’eau 2 fois par jour. Pour un lot de 100 brebis, 200 agneaux ou une vache avec une vilaine toux ou un nez très sale. Il faut donc faire infuser 600 g de feuilles dans 5 L d’eau chaque jour, maximum 1 semaine. La dureté des feuilles impose une durée d’infusion d’une dizaine de minutes à couvert. Si vous avez une tendance allergique, utiliser des gants pour la récolte.


Vous souhaitez utiliser les propriétés moussantes des hédérasaponines, faites infuser 70 à 80 feuilles dans 1 L d’eau pendant 15 min, filtrer et vous obtenez un savon liquide ou une lessive végétale assez liquide (à ne pas boire bien entendu)