- Par Laurent Saboureau
Stress Thermique : Attention au coup de chaleur
Les ruminants sont de forts producteurs de chaleur en raison de la cuve de fermentation que représente la panse, anatomiquement appelée « rumen ». Ce réservoir gastrique principal des adultes constitue un véritable chauffage central, puisque sa température de fonctionnement est autour de 40°C, le pic de production de chaleur étant observé 4 à 5 heures après un repas. C’est cette chaleur importante produite que doit évacuer le ruminant afin de réguler une température corporelle autour de 38,5°C. Il s’y emploie grâce aux pertes par radiation et aux deux moyens principaux d’évaporation, la transpiration et la ventilation respiratoire.
Cependant, lorsque les températures extérieures augmentent de façon importante, comme nous le constatons de façon de plus en plus fréquente ces derniers étés, l’évacuation de la chaleur produite devient plus difficile par ces moyens physiologiques. Cette régulation est d’ailleurs d’autant plus délicate que le taux d’humidité est élevé.
C’est ce que l’on appelle le stress thermique ou coup de chaleur.
Quelles conditions d’apparition ?
Pour rendre compte des conditions d’apparition du coup de chaleur, les chercheurs canadiens ont défini pour la vache laitière un Indice de Température et d’Humidité :
THI = (1,8 x Température Extérieure + 32) – (0,55 – 0,0055 x Humidité Relative) x (1,8 x Température Extérieure - 26)
Lorsque le THI passe au-dessus de 70 (voir figure page ci-dessous), le seuil de stress thermique est atteint et les premiers signes cliniques et conséquences physiologiques apparaissent. Retenons que pour une humidité relative de 50 %, ce stress apparaît dès 25°C. Et que plus l’humidité est importante, plus le seuil de stress est atteint rapidement dès que la température extérieure augmente légèrement.
Quelles conséquences physiologiques ?
Le stress thermique occasionne :
- une chute des productions (lait et viande), via la perturbation de l’alimentation,
- une baisse des résultats de reproduction,
- une altération de l’état de santé due à une perturbation des défenses immunitaires.
Alimentation et production
Par fortes chaleurs, l’ingestion d’aliments et leur rumination vont être altérées, entraînant en particulier un déficit énergétique pour l’animal et une chute de ses productions. Une baisse du pH ruminal apparaît également, liée à la baisse de la rumination, mais également conséquence indirecte de l’hyperventilation mise en place pour tenter d’abaisser la température corporelle. En effet, l’augmentation de la fréquence des mouvements respiratoires entraîne une émission importante de CO2 respiratoire et donc une baisse du CO2 sanguin. Pour éviter que cette baisse n’entraine une chute du pH sanguin, la régulation acido-basique entraîne une augmentation de l’élimination du bicarbonate par le rein, et par conséquent une chute de l’efficacité tampon au niveau du rumen.
Au bilan : moins d’ingestion, une rumination et une digestion des fourrages moins efficaces, un déficit énergétique et une répercussion sur les productions.
L’hyperventilation et la transpiration entraînent également des pertes en eau et en éléments minéraux (sodium, potassium) préjudiciables aux productions.
Reproduction
Le déficit énergétique, occasionné par l’altération de la digestion, et les perturbations hormonales générées par l’effet de la chaleur sur le métabolisme, entraînent :
- une baisse de la libido et de l’expression des chaleurs, avec au final une baisse de la fertilité,
- une augmentation des résorptions embryonnaires ; à noter que la chaleur a moins d’effet sur le fœtus au fur et à mesure que la gestation avance, mais qu’elle augmente après naissance la mortalité des nouveau-nés les plus faibles, d’autant qu’elle augmente le nombre de mise-bas prématurées,
- une augmentation des rétentions placentaires et des infections utérines.
Immunité et santé
Le stress thermique fragilise le système immunitaire et augmente les phénomènes oxydatifs et de production de radicaux libres responsables d’altérations cellulaires, tissulaires et organiques. C’est l’état de santé des animaux qui est tout entier fragilisé, avec une sensibilité aux maladies plus importante.
Quels signes cliniques ?
Pour l’éleveur ou le vétérinaire, les signes suivants doivent mettre en alerte et faire suspecter un coup de chaleur :
- Hyperventilation : au-delà de 70 mouvements respiratoires par minute, on peut considérer qu’une vache est en hyperventilation modérée (importante au-delà de 85 et sévère à partir de 120),
- Diminution de la prise alimentaire,
- Baisse ou arrêt de la rumination, pouvant entraîner une météorisation,
- Augmentation de la consommation d’eau ; la quantité d’eau (par vache et par jour) nécessaire à la seule thermorégulation passe de 20 à 60 litres quand la température extérieure passe de 25 à 35°C,
- Augmentation de la température corporelle au-delà de 39°C,
- Animaux plus souvent debout que couchés,
- Baisse de libido chez les mâles et les femelles ou chaleurs silencieuses chez les femelles,
- Baisse de la production laitière ou du GMQ ; à titre d’exemple, une vache laitière avec une hyperventilation importante à plus de 80 mouvements par minute et une température rectale entre 39 et 40°C peut présenter une baisse de production laitière d’environ 3 kg par jour.
Quels moyens de lutte ?
Lorsque les bâtiments sont utilisés durant l’été, il est nécessaire de réfléchir à leur isolation, encore plus qu’en hiver. La ventilation doit également être étudiée afin que la chaleur ne s’accumule pas. Sur les zones de stationnement ou de couchage des animaux, des brasseurs d’air de type MIX AIR peuvent être installés. Sur les zones de passage ou d’attente, la brumisation permet également de faire baisser la température ressentie par les animaux. Elle peut se mettre en place par l’intermédiaire de rampes de brumisation ou de façon ponctuelle à l’aide de nébulisateurs (HURRICANE 0800680 ). Enfin, il est toujours possible dans les cas extrêmes d’arroser les toits des bâtiments pour en rafraîchir l’intérieur.
Au pâturage, il faudra toujours essayer de délimiter les parcelles afin qu’elles incorporent des zones d’ombrage naturel. A défaut, l’aménagement ou l’installation de systèmes artificiels type OVI-FRESH pourront être envisagés. 0402784
Côté abreuvement, il faut prévoir d’augmenter le nombre de points d’eau en période très chaude, afin que chaque animal puisse boire à chaque fois qu’il en a besoin, sans phénomène de compétition. La propreté des bacs et des abreuvoirs est également à surveiller, afin qu’elle ne soit pas un frein à la consommation.
L’alimentation doit également être adaptée à ces périodes, tant sur le contenu que sur le rythme de distribution.
Sur les apports, on renforcera la ration avec :
- Des apports énergétiques, afin de compenser la diminution de l’ingestion et de la valorisation des fourrages : augmentation de la part des concentrés, y compris sources de protéines pour favoriser la néoglucogenèse (RUMEVITE), apports de précurseurs de glucose (propylène, glycérine et dérivés, propionate) et de matière grasse protégée,
- Des éléments de stimulation du fonctionnement du rumen et de son système tampon : levures et culture de levures (DIAMOND-V 0202190 , FLORISTAR 0110133 ), bicarbonate de soude et autres facteurs tampons (LITHA PH+ 0106150 ),
- Des minéraux permettant un rééquilibrage de la balance anion-cations (BACA) : sel (NUTRIRUMEN 0200343 , bloc de sel enrichi en facteurs tampons), potassium, magnésium,
- Des vitamines C et E, des oligo-éléments (sélénium, iode, zinc), des parois de levures et des anti-oxydants afin de stimuler l’immunité des animaux et de limiter l’effet néfaste des radicaux libres.
Afin de concilier ces différentes recommandations d’apport, le Pôle Santé Animale lance ALIMAL REGUL-HEAT 0200736 , un complément alimentaire et minéral sous forme de seau à lécher qui se dispose en libre-service, et qui apporte :
- 9,4% de protéines,
- du potassium et du sodium,
- de la levure de bière,
- de la vitamine C rumino-protégée,
- des épices (extraits de Capsaïcine stimulant les cellules épithéliales de la bouche), pour une meilleure régulation de la température corporelle, par l’augmentation du fractionnement des repas et une augmentation de la salivation.