La prévention en élevage : de multiples leviers pour limiter l’utilisation des médicaments en curatif

Depuis 2011, les plans ECO-ANTIBIO se succèdent : le troisième est paru l’an dernier. Il s’agit de plans nationaux de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire. Le premier visait en premier lieu à réduire la consommation d’antibiotiques en médecine vétérinaire, en particulier pour des antibiotiques dits critiques (utilisés en médecine humaine), le deuxième à maintenir le cap de réduction …, le troisième élargit la réflexion aux antimicrobiens et antiparasitaires.

Au fur et à mesure des années, outre les bonnes pratiques à mettre en place quant à la prescription et la délivrance des ces différents molécules, l’accent est mis sur les mesures de prévention à mettre en place pour éviter d’avoir recours aux antimicrobiens, bref de faire du curatif.

De plus, il a été largement démontré que la prévention est économiquement plus efficace que l’intervention d’urgence : moins de pertes d’animaux, moins de pertes de production, réduction des coûts de traitements, pas de désorganisation du travail par les soins.

Nous allons donc passer en revue un certain nombre de mesures de prévention ou prophylaxies pour « prévenir plutôt que guérir » avec trois grands axes : 

- éviter l’introduction des maladies dans l’élevage, 

- favoriser les résistances des animaux aux maladies, 

- prévenir activement la survenue de pathologies.


La prévention  en élevage :  de multiples leviers pour limiter l’utilisation des  médicaments en curatif

Éviter l’introduction et la circulation des maladies dans l’élevage

Il s’agit d’appliquer les règles de biosécurité en élevage (art. Bulletin de l’Alliance Pastorale N°910 - Mai 2020).

La biosécurité en élevage est une série de pratiques et de gestion quotidiennes permettant de limiter, prévenir et contrôler l’introduction, la propagation et la dispersion de l’agent pathogène dans la ferme, de protéger la santé animale et humaine et de garantir la sécurité sanitaire des aliments.

Ces règles reposent sur 5 grands axes : bio-exclusion, bio-compartimentation, bio-confinement, bio-préservation, bio-prévention.


Bioexclusion

  • Contrôles des personnes entrant dans l’exploitation : les visiteurs peuvent transporter des agents pathogènes par leurs mains, leurs chaussures et vêtements, leur matériel.
  • Contrôles sur l’alimentation achetée et sur l’eau de boisson : la qualité bactériologique de l’eau de boisson et de nettoyage des machines à traire est à tester régulièrement.
  • Contrôles de « nuisibles » : les rongeurs et les insectes sont vecteurs de certaines maladies
  • Contrôles à l’introduction d’animaux : beaucoup de maladies s’achètent !


Biocompartimentation

  •  Hygiène en élevage : éleveur (tenue, mains, pour les interventions sur les animaux), bâtiments (curage, nettoyage, désinfection si besoin) et leurs abords
  •  Circulation de l’éleveur et des animaux : principe de la marche en avant. On commence toujours par s’occuper des animaux sains et en bonne santé et on termine par les malades. On évite de mélanger les classes d’âge.


Favoriser la “résistance” des animaux face aux maladies

Bien-être animal

Le bien-être des animaux est défini comme « l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal » (Avis Anses, février 2018).

5 libertés doivent être respectées : absence de faim, de soif et de malnutrition/ absence de peur et de détresse/ absence de stress physique et/ou thermique / absence de douleur, de lésions et de maladie / liberté d’expression d’un comportement normal de son espèce

Il s’agit donc de fournir aux animaux d’élevage un environnement conforme à leurs besoins en réfléchissant aux conditions d’hivernage au champ (haies, aire paillée…), en respectant les normes de logement (densité/surface disponible) en bâtiment et en maîtrisant l’ambiance (température, circulation de l’air, humidité).


Zootechnie 

- Choix des races (attention race rustique / son environnement originel = sa région d’origine), 

- Travailler sur la résistance génétique au parasitisme, la sélection d’animaux peu sensibles (ex boiteries chez les ovins) ou résilients.


Alimentation / Nutrition

L’alimentation doit permettre de maintenir les animaux dans un bon état d’entretien, de produire tout en restant en bonne santé. Elle doit donc être adaptée à la fois aux besoins physiologiques et au niveau de production demandé. Il faut nourrir les animaux en quantité et en qualité pour couvrir les besoins éviter l’installation de carences. 

Les apports en énergie doivent toujours être équilibrés avec les apports en matière azotée (fonctionnement et croissance musculaire, croissance fœtale, production lactée, défenses immunitaires).

Les vitamines AD3E pour les ruminants adultes, B1 pour les jeunes non ruminants sont indispensables.

Les macro-éléments : Ca, P, Mg participent à la construction du squelette, au fonctionnement neuromusculaire. Leurs apports sont à équilibrer en fonction du stade physiologique, de la production, de la conduite d’élevage (bâtiment/pré).

Les oligo-éléments interviennent dans la plupart des processus métaboliques. Les apports sont à réfléchir en fonction de la nature du sol (zones de carences connues). 

Prévention active contre les risques pathologiques présents dans l’élevage

Utilisation de différents outils de diagnostic 

Il s’agit de ce qu’on appelle les « examens complémentaires ». Ils permettent d’affiner les conclusions du vétérinaire après le recueil des commémoratifs et l’examens clinique des animaux.

Les autopsies, les coproscopies, les prises de sang (pour sérologies, virologie, PCR), les prélèvements pour bactériologie donnent des informations sur les causes afin certes de mettre en place un traitement mais surtout de mettre en œuvre des mesures de prévention pour éviter la survenue d’un nouvel épisode pathologique. 


« 4 bonnes raisons de vacciner vos animaux :

  • - Investissement rentable (revient moins cher que les traitements et les pertes d’animaux ou de production liées à la maladie, évite la désorganisation du travail),
    - efficacité reconnue,
    - protection dans la durée,
    - moins d’antibiotiques utilisés. »


Utilisation de solutions alternatives aux médicaments

Aliments complémentaires, phytothérapie, aromathérapie aident les animaux à gérer un déséquilibre et / ou améliorent leur confort.


Vaccination (« vaccin’acteur »)

La vaccination doit toujours être associée aux autres mesures de prévention de la pathologie visée (hygiène et ambiance bâtiment, transitions alimentaires…).

Il convient de respecter certaines bonnes pratiques : diagnostic étiologique préalable, prescription du vétérinaire, planification, respect des protocoles vaccinaux, vaccination répétée dans le temps avant chaque période à risque ou pour chaque groupe d’animaux, en fonction de l’objectif (protection des animaux, élimination de la maladie dans l’élevage).


Connaissance du risque parasitaire  

Le risque parasitaire est à évaluer en fonction de la conduite d’élevage, de la composition du parcellaire, de la nature du sol, de la gestion du pâturage. (Cf Bulletin AP septembre 2019 : outil d’évaluation du risque parasitaire. Delphine Daniel).

Les examens coproscopiques et les autopsies permettent de connaître les parasites présents sur vos pâtures ou en bergerie. 

Une fois le risque parasitaire connu, il doit être ré-évalué périodiquement (saisonnalité, stade physiologique des animaux) de manière à agir avant la survenue de la maladie parasitaire. 

Si toutefois la maladie survient, il conviendra d’utiliser les antibiotiques, antimicrobiens ou antiparasitaires de manière responsable, prudente et raisonnée.

Dans tous les cas, votre vétérinaire n’est pas qu’un urgentiste : son expertise en zootechnie, alimentation et médecine en fait un interlocuteur privilégié pour vous aider vers la bonne conduite de votre troupeau.