Chiens de travail en estives, alpages : prévenir et gérer les dangers de la montagne

L’été est là et les troupeaux montent chercher l’herbe dans les montagnes. Les chiens de conduite et de protection seront sollicités plusieurs mois durant. Les terrains accidentés, les conditions climatiques, la faune locale peuvent représenter des dangers non négligeables.

Chiens de travail  en estives, alpages :  prévenir et gérer  les dangers  de la montagne

Règle N°1  : 

Anticiper, ne pas se trouver démuni

L’isolement des bergers, la distance qui les sépare des vétérinaires, nécessitent une prévention maximale afin de protéger nos partenaires de travail. De plus en cas de besoin, intervenir efficacement sans aucun équipement paraît utopique.

Avant le départ, prévoyez une visite chez le vétérinaire avec votre (vos) chien(s), car lui seul pourra vous fournir une pharmacie d’urgence adaptée à l’animal, et pourra vous expliquer quel médicament peut être utilisé suivant les situations. N’oubliez jamais que l’automédication peut provoquer des dommages, qui plus est lorsque le chien est déjà en détresse.


Préparation et maintien physique

Les chiens en montagne vont être soumis à des efforts intenses pendant plusieurs mois. Privilégiez une alimentation de haute qualité et riche en protéines, vitamines, lipides et minéraux, afin d’éviter l’épuisement physique.

Pensez aussi à préparer leurs coussinets : les pierres abrasives et certaines plantes piquantes peuvent créer des lésions. Appliquez une solution tannante, ou mettez-leur des chaussons s’ils les tolèrent.

Habituez-les aux portages quand cela est possible (sac à dos, épaules) : multiples situations le nécessitent.


Les envenimations


Les vipères

On pourrait croire qu’on ne trouve les vipères que dans les endroits secs et rocailleux… Pourtant elles se plaisent aussi en milieu humide (au bord des étangs et des torrents), et on note leur présence jusqu’à 2900 mètres d’altitude dans les Pyrénées et jusqu’à 3000 mètres dans les Alpes. 

Nous pouvons les différencier de leurs cousines couleuvres par leurs pupilles verticales, leur nez retroussé, des petites écailles sur la tête, et une queue courte.

De nature peureuse, elles s’éloignent généralement quand elles sentent une présence et leurs morsures sont des morsures de défense.  Il faut noter que seulement 10 % des morsures sont suivies d’envenimations (90 % de morsures « sèches »), et 10 % de celles-ci sont graves.


Comment reconnaître une morsure de vipère ?

    

• Présence d’une trace de morsure sous forme de deux points, 

• Douleur vive, 

• Gonflement et rougeur au niveau du point d’impact de la morsure, avec un œdème qui peut se généraliser sur le membre,

• Boiterie si morsure sur un membre

• Détresse respiratoire si morsure à la babine.

Dans les cas les plus graves, à partir de quelques heures après morsure, le chien peut présenter un abattement marqué, de la fièvre, des troubles digestifs (diarrhées et vomissements), des hémorragies, des convulsions… Le décès de l’animal est possible.


Comment réagir en cas de morsure ?

Le premier réflexe à avoir est d’éviter le stress et les efforts du chien, car l’augmentation du débit sanguin que ces derniers provoquent favorise la diffusion du venin dans l’organisme. Si cela est possible, il faut porter l’animal.

Poser une poche de froid sur la zone mordue (il en existe en petit format, à usage unique ou réutilisable, à moindre coût, en pharmacie ou sur internet) va provoquer une vasoconstriction des vaisseaux sanguins : la diffusion du venin se fera moins vite, et la douleur ressentie par le chien sera limitée. 

Dans le cas d’une morsure à la patte, vous pouvez immobiliser le membre touché avec une attelle et une bande non serrée.

Certains gestes sont à proscrire : ne pas aseptiser la plaie avec un produit contenant de l’alcool (cela augmente la diffusion du venin), ne pas poser de garrot, ne pas inciser le site de morsure (risque d’infection de la plaie). Le venin n’est pas sensible à la chaleur et l’Aspivenin® s’avère inefficace.

Une visite vétérinaire sera ensuite indispensable.



Les crapauds et salamandres

Le crapaud et la salamandre possèdent sur leur peau des glandes à venin qui ne sont pas toxiques au contact de la peau, mais qui le sont au contact des muqueuses (certains têtards produisent également du venin). 

Les chiens de caractère curieux et joueur ont tendance à les lécher ou les prendre en gueule. Cela provoque une hypersalivation immédiate, il convient alors de rincer abondamment la gueule du chien à l’eau claire.

Dans les cas plus sévères (cela reste rare, et dépend de la taille du crapaud et de celle du chien) des troubles digestifs (vomissements), un abattement, des tremblements, des lésions oculaires (en cas de contact avec les yeux) 

peuvent apparaître. Il faut alors appeler le vétérinaire.


Les guêpes

Les piqûres de guêpes peuvent provoquer des œdèmes de Quincke (enflement rapide de la peau et des muqueuses au niveau de la tête et du cou, pouvant aller jusqu’à l’étouffement).  Si cela arrive, retirez tous les colliers de votre chien (attention aux colliers antipuces qui peuvent se cacher dans les poils), appliquez une poche de froid sous la mâchoire, et suivez les instructions données par votre vétérinaire quant à l’administration éventuelle de médicaments.


Attention aux tiques

Les tiques peuvent se retrouver en montagne dans les zones boisées et humides, les herbes hautes des prairies et les parcs forestiers.

Outre le fait qu’elles soient désagréables pour l’animal, elles sont surtout susceptibles d’être porteuses de maladies graves qui peuvent fatiguer et provoquer le décès des chiens à court terme (piroplasmose) ou moyen, et long terme (anaplasmose, Lyme, ehrlichiose…). 

Il faut savoir que des vaccins contre certaines de ces maladies existent, mais la meilleure prévention reste l’application régulière d’antiparasitaires : colliers, spot-on, comprimés (sous prescription vétérinaire). Attention, sur un chien souvent mouillé les spot-on sont moins efficaces, pensez à adapter le mode d’administration.

Sachez qu’une tique porteuse d’une maladie peut transmettre celle-ci si elle est restée plantée au minimum 48h sur le chien. Pensez à inspecter leur pelage tous les matins et/ou tous les soirs et retirez les tiques à l’aide d’un crochet adapté. Cela évite de laisser le rostre planté dans la peau (ce qui provoque des infections locales) et d’appuyer sur le corps de la tique (qui favorise l’inoculation des maladies).


Les intoxications

Bien que cela reste rare, il convient de connaître les plantes toxiques de montagne ainsi que les effets qu’elles ont sur les chiens an cas d’ingestion :

Ricin commun : diarrhée, hyperthermie, cyanose, décès

Morelle noire : symptômes neurologiques, décès possible

 If à baie : convulsions, cardio-toxique, difficultés respiratoires

 Digitale pourpre : troubles cardiaques graves

 Houx, gui : troubles digestifs

Glands de chêne : hépato et néphrotoxique (atteinte hépatique et rénale)

 Aconit : paralysie respiratoire


Si vous remarquez une ingestion, ou ces signes chez votre chien, appelez votre vétérinaire, ou un centre antipoison vétérinaire (Lyon : 04.72.11.69.11, ou Nantes : 02.40.68.77.40 ; appel gratuit, ouvert 7j/7 de 8h30 à minuit).


Le coup de chaleur

On parle de coup de chaleur lorsque la température corporelle de l’animal augmente de façon rapide, en général au-dessus de 40-41°C (norme de température chez le chien : 38-38,7°C). Au-delà de 41,5°, des dégâts irréversibles peuvent s’installer et le pronostic vital peut être engagé.

Il surviendra surtout sur les chiens de conduite, qui, passionnés par leur travail, auront tendance à négliger leur état de fatigue et ne pas se tempérer dans l’énergie qu’ils mettent à la tâche. Il peut survenir très vite, lors d’un exercice intense, sous un temps chaud ou moins chaud, lourd et/ou humide. 

Les signes évocateurs du coup de chaleur sont les suivants : halètement excessif, agitation, pertes d’équilibre, hyper salivation, muqueuses rouge brique, diarrhée, vomissements, mydriase. Sans intervention rapide, il est possible que les muqueuses du chien se cyanosent (devenir bleu mauve), que l’animal perde conscience et qu’il décède. Le pronostic est réservé même si le chien se remet rapidement, car des lésions (rénales notamment) peuvent apparaître plus tardivement.

Si vous remarquez que votre chien fait un coup de chaleur, retirez tous ses colliers, mettez-le immédiatement au repos, placez le dans un endroit frais, ombragé et ventilé. Hydratez-le doucement (attention aux fausses routes quand ils sont en hyperventilation). Vous pouvez le faire plonger dans une eau tempérée, entre 20-22°C (attention aux eaux très froides des étangs et ruisseaux en montagne, le risque d’hydrocution existe chez le chien). Si vous en avez une, appliquez une poche de froid à l’intérieur de la cuisse ou sur le ventre. 

Le coup de chaleur est une urgence vraie qui peut être évitée !! Laissez toujours de l’eau fraîche à disposition, contrôlez le chien lors des séances de travail, ne le laissez pas monter en excitation, forcez-le à prendre des pauses en le stoppant. Il existe également des tapis et manteaux rafraîchissants qui s’avèrent très efficaces.


Les traumatismes

Les chiens en montagnes sont exposés à divers traumatismes : bagarres, rencontres avec des sangliers, chutes…

Toutes ces situations sont à traiter au cas par cas suivant l’ampleur des blessures et l’état général de l’animal.

Pour cela il convient de connaître et se former sur les gestes d’urgence (savoir reconnaître une détresse vitale, gérer une hémorragie, savoir poser un pansement compressif, savoir quand et comment utiliser un garrot, poser une attelle…) et posséder un minimum de matériel de premiers secours (des trousses de petit format dédiées avec tout le nécessaire existent).



En résumé…

Se préparer aux éventualités des situations d’urgence, et préparer physiquement leurs chiens en amont de la saison d’estive ou d’alpage va permettre aux bergers et éleveurs de gérer les possibles situations difficiles avec moins de stress.

De plus, se former aux gestes techniques d’urgence permettra non seulement de prendre en charge les cas graves (et moins graves) sur les chiens, mais également de protéger le primo sauveteur et d’éviter les « sur accidents ». Connaître les codes du chien, savoir approcher un animal en détresse sans prendre soi-même de risque, apprendre quand et comment contentionner le museau du chien pourra éviter les morsures sur le berger.

     


 Pour en savoir plus, n’hésitez pas à contacter l’auteure.

Marie ARMBRUSTER

Auxiliaire vétérinaire en poste depuis 2006 - Formatrice en Premiers Secours Canin Félin - Formatrice en Manipulations Coopératives Canines

06.83.41.40.85

marie.premierssecours@gmail.com

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