- Par IFCE
Dermite estivale récidivante des équidés
Associant obligatoirement une prédisposition génétique d’hypersensibilité à la l’attaque saisonnière d’insectes piqueurs (notamment du genre Culicoïdes), la dermite estivale récidivante des équidés est une affection non contagieuse mais impossible à éradiquer lorsqu’elle s’est installée. Une seule solution : ne pas la laisser s’implanter.
Etiologie et agent causal
Étiologie
La dermite estivale récidivante des équidés (DERE) (chevaux, poneys, ânes) est provoquée par les piqûres d’insectes sur des sujets sensibles. Les démangeaisons engendrées incitent le cheval à se gratter. Les écorchures s’infectent alors.
Les sujets sensibles ayant déjà des antécédents allergiques (alimentaires, cutanés…) sont plus prédisposés. La sensibilité aux allergènes est une composante génétique héréditaire et certaines races semblent plus touchées (Pur-Sang, Arabe, Frison, Islandais, trait Breton, Shire, Connemara, Shetland, Welsh). Certains sujets sont plus sensibles que d’autres et peuvent présenter des symptômes toute l’année.
De plus, certains facteurs favoriseraient la prédisposition aux affections dermatologiques, tels que des régimes hauts en protéines, le manque d’exercice, la finesse de la peau…
Le nom «dermatite» est aussi employé pour définir cette affection. C’est un synonyme de «dermite» signifiant inflammation du derme qui est la couche profonde de la peau, recouverte par l’épiderme.
En fonction des régions, plusieurs noms sont donnés à cette affection. Ainsi, lorsque vous entendrez «mon cheval a des ardeurs», «il céronne», «il a la gratte», «il a la gale d’été». Il s’agit en langage commun de la dermite estivale récidivante. Mais ces termes sont mal appropriés car, par exemple, la DERE n’est absolument pas une gale.
Agent causal
Des piqûres d’insectes hématophages, de moustiques, moucherons du genre Culicoïdes principalement (espèces nebulosis, brevitarsis…) ou mouches, taons, simulies (Simulium equidium) sont à l’origine de cette affection. Il s’agit d’une allergie à la salive des vecteurs incriminés.
Les Culicoïdes vivent peu de temps (environ 3 semaines). On constate donc un pic d’apparition entre avril et octobre, lié aux conditions climatiques (températures supérieures à 12° C).
Symptômes
Ils peuvent apparaître sur les jeunes sujets (dès l’âge de 2 ans) et ils s’intensifient en période chaude et humide. Ils peuvent apparaître aussi lors d’un déménagement, un changement de région.
La DERE touche principalement la tête, les oreilles, l’encolure et la crinière, l’abdomen et la base de la queue.
- La crinière et la queue sont ébouriffées par le grattage suite aux démangeaisons provoquées par les piqûres. Les crins sont ainsi souvent cassés.
- Puis, le prurit s’intensifie (au niveau de la ligne du dessus mais aussi de la ligne du dessous) jusqu’à devenir démentiel. La tête et les oreilles peuvent être touchées. La queue peut présenter des zones glabres.
- Les frottements répétés induisent l’apparition de nodules prurigineux suintants, puis sanguinolents.
- Infection des lésions par des bactéries jusqu’à l’ulcération, apparition de squames
Une période de rémission (en hiver) fait suite, puis,
- Au fil du temps, d’années en années, la peau lésée s’épaissit et les poils ne repoussent plus. Des plis importants se forment, il y a kératinisation de la peau.
Un cheval sensible, non préservé par des mesures prophylactiques, ne connaîtra plus ces phases de rémission et la maladie s’exprimera toute l’année.
Dans les cas les plus graves, la prise d’aliments étant perturbée par la gêne occasionnée, on observe un amaigrissement de l’animal.
L’utilisation du cheval devient délicate en raison de la nervosité induite, celui-ci cherchant alors à soulager ses démangeaisons.
Les guérisons spontanées restent exceptionnelles.
Diagnostic et traitement
Diagnostic différentiel
Pour faire la différence avec d’autres affections il convient, en premier lieu, de suivre un raisonnement épidémiologique : période de l’année des épisodes d’apparition, environnement, facteur génétique….
On notera notamment que cette affection atteint 1 ou plusieurs animaux d’un groupe mais jamais tous.
La DERE doit être distinguée des :
- Trombidioses dues à la fixation sur la peau de larves d’acariens (aoûtats, leptes…) qui apparaissent plus en fin d’été et se localisent généralement aux membres et à la tête.
- Affections fongiques telles les teignes
- Gale du corps ou gale des crins (dues à un acarien Sarcoptes scabiei, ou Psoroptes equi, visible au microscope) qui sont contagieuses (attention au matériel de pansage notamment).
- Pédiculoses (lésions dues aux infestations par les poux), qui apparaissent plus en hiver et sont contagieuses.
- Allergies environnementales (pollen, aliments, spores, moisissures…)
Pour mettre en évidence l’hypersensibilité du cheval, on peut procéder à :
- Des tests sur prélèvement de sang, évaluant la sensibilité du cheval avec d’autres allergènes (moisissures, pollen, acariens, antibiotiques...)
- Des biopsies cutanées
- Des tests intradermiques, par injection de l’allergène dans le derme du cheval (très petite quantité d’extraits de l’insecte). Le problème est que les chevaux sains peuvent réagir autant que les chevaux atteints par la DERE.
La sensibilité / spécificité de ces tests rend leur utilisation ou interprétation parfois délicate.
Traitement
Il n’y a pas de traitement. Il faut agir sur les conditions de détention du cheval, pour limiter les attaques par les insectes, soulager le prurit et soigner les lésions par des soins locaux :
- Application de solutions calmantes
- Application d’antiseptiques sur les plaies
- Prescription, par le vétérinaire, de corticoïdes, nécessaires en traitement d’attaque mais la dose devra rapidement être réduite au minimum en raison des effets secondaires indésirables (immunosuppression, risque de fourbure).
- l’hyposensibilisation : traitement constitué d’injections de doses croissantes de l’allergène à intervalle régulier. Il est difficile à mettre en œuvre en raison de la difficulté à obtenir cet allergène pur. Par ailleurs, les résultats d’études sur ce mode de traitement sont divergents.
En l’absence de traitement préventif, l’affection peut devenir chronique avec des lésions de plus en plus graves. C’est un véritable «cercle vicieux».
Prophylaxie sanitaire
La première action possible de lutte se situe sur les conditions de détention des équidés sensibles.
- Lutte contre les insectes et sorties (si au box) en dehors des périodes d’activité intense des insectes responsables (17H00 – 23H00).
- Offrir un abri ouvert, à l’ombre.
- Couvrir les animaux sensibles avec des couvertures moustiquaires.
- Limiter l’accès aux points d’eaux, aux herbages humides, favorisant le développement des larves d’insectes.
- Diminuer l’apport en excès de protéines dans la ration alimentaire (non spécifique à la DERE, mais plus généralement lors d’affections dermatologiques)
- Limiter l’accès aux supports pour se frotter.
- Utiliser régulièrement des produits insectifuges et insecticides (avec une base huileuse de préférence isolant la peau de l’agression par les insectes).
Attention, leur emploi important, peut aussi engendrer des allergies, ainsi que l’utilisation de produits pour les autres espèces (bovins notamment). Il faut aussi être prudent lors de leur utilisation des risques d’interactions médicamenteuses et au risque d’allergies (urticaire, photosensibilisation).
- Shampouiner avec un produit adapté, traitant et calmant.
- Désinsectiser les bâtiments régulièrement.
Nota : l’action des insecticides est assez brève car diluée par la sueur du cheval. Il faut donc renouveler régulièrement les applications.
Prophylaxie médicale
Il n’y en a aucune.
Sans connaître la «famille» du cheval et si l’animal n’a pas été dans un environnement où il pouvait être piqué par ces insectes (entretenu au box en permanence par exemple), on ne peut pas présager de sa sensibilité vis à vis des Culicoïdes.
Dr G. Fortier, F. Grosbois, L. Marnay