Dossier “Pédiluves secs”

L’utilisation de pédiluve sec dans les programmes de lutte contre le piétin et les affections du pied va croissante en élevage. Ce type de pédiluve apporte des avantages indéniables par rapport aux pédiluves liquides :

- Passage plus aisé des animaux qui sont moins apeurés,

- Moindre salissement et nettoyage plus aisé à la pelle ou au râteau,

- Temps de stationnement limité, le produit se collant aux pieds des animaux,

- Meilleur respect de l’environnement par une élimination plus aisée des éventuels résidus du pédiluve.


Dossier “Pédiluves secs”

Deux types de produits peuvent être utilisés en pédiluve sec, correspondant à deux voies d’action différentes :

- Modification de l’environnement du pied en modifiant (abaissant) son pH pour le rendre impropre au développement des bactéries du piétin, favoriser la régénération de la peau et renforcer la corne,

- Création au niveau du pied d’un biofilm bactérien positif qui va s’opposer au développement des bactéries pathogènes par compétition spatiale et alimentaire, mais également par la production de substances inhibitrices de ces bactéries pathogènes. L’équilibre qui s’installe entre les deux populations bactériennes empêche le développement de la maladie. 


L’Alliance Pastorale commercialise ces deux types de produits sous les noms GREEN AGRON et VETALHY NURSERY. Retour sur deux essais terrain visant à évaluer l’efficacité de ces produits.


Modifier le pH du pied


Dès 2015 le Pôle Santé Animale de l’Alliance a l’idée de tester en pédiluve sec le GREEN AGRON, produit présenté sous forme de poudre et conseillé jusqu’à lors en dilution classique dans de l’eau. 


Ce produit est destiné à assécher les lésions du pied permettant ainsi de stimuler le développement des bactéries favorables saprophytes de la peau, qui entrent en compétition avec les bactéries responsables des pathologies du pied. La baisse du pH à 3,5 permise par le produit rend également le milieu du pied moins favorable au développement des bactéries pathogènes qui se développent préférentiellement à un pH plus basique, entre 6 ou 7.


Un lot de 120 agnelles d’un élevage montmorillonnais est choisi pour cet essai, en raison des difficultés habituelles à faire passer ces jeunes animaux dans un pédiluve liquide classique (reflet du liquide, bruit au passage…).


Dans ce lot, deux agnelles présentent des boiteries et des lésions qui sont parées avant le premier passage au pédiluve (voir photo 1).

Trois sacs de GREEN AGRON 0200607 de 15 kg sont épandus dans un pédiluve bétonné sur une longueur de 3 m et une épaisseur de 6 à 8 cm (voir photo 2). Le produit est légèrement pulvérulent à l’épandage avec une légère odeur irritante, sans commune mesure cependant avec l’odeur et l’agressivité des pédiluves à base de formol.

Le passage des agnelles est aisé, sans précipitation et ne pose aucun problème, elles qui n’étaient jamais passées dans un pédiluve (voir photos 3 et 4). Un simple passage dans le pédiluve est effectué, sans stationnement. Le produit colle légèrement aux onglons alors que les conditions climatiques en ce début d’essai sont extrêmement sèches.

 


L’essai se déroule sur 4 semaines, à raison de 2 passages au pédiluve par semaine les 3 premières semaines puis 1 passage seulement la quatrième semaine. En milieu d’essai, 3 nouveaux sacs de GREEN AGRON sont ajoutés pour recharger le pédiluve.


Au cours de l’essai, il est noté que :

- les animaux passent toujours aussi facilement dans le pédiluve tout au long de l’essai,

- en conditions climatiques plus humides, le produit colle encore mieux aux onglons (voir photo 5),

- la poudre dans le pédiluve forme une légère croûte dans ces conditions humides, due à l’hygroscopie du produit. Il suffit de passer un râteau dans la poudre pour la foisonner et la remettre en « état »,

- la poudre se salit peu dans le pédiluve au fil des passages des animaux (voir photo 6) ;  le nettoyage des quelques saletés est très aisé avec une pelle.


Après 4 semaines, un contrôle des lésions parées au début de l’essai est réalisé. Ces lésions sont asséchées et en voie avancée de guérison (voir photo 7). Il n’y a pas eu de réapparition d’autres boiteries durant cette période sur les animaux présents au début de l’essai.


En conclusion :

- les lésions des pieds constatées ont évolué positivement durant l’essai, aucune autre lésion n’est apparue sur cette période, 

- le pédiluve sec permet un passage facilité de jeunes agnelles,

- une zone « pédiluve » rudimentaire peut suffire, sans besoin d’étanchéité (exemple : bâche entre bastaings), sans être forcément précédée d’un pédiluve de nettoyage. Il faut cependant disposer d’une zone couverte ou recouvrir le pédiluve entre les passages.


En pratique, l’utilisation conseillée du GREEN AGRON en présence de lésions est de 2 passages par semaine pendant 1 mois. En prévention des risques, 1 passage par mois est conseillé.

    

Créer un biofilm positif


LE PEI (Partenariat Européen pour l’Innovation) SO_PERFECTS, piloté par le CIIRPO et l’IDELE, est un projet concernant l’innovation en élevage ovin lait et viande en région Nouvelle-Aquitaine qui a pour objet de faire émerger de nouvelles pratiques innovantes concernant le pâturage, la reproduction, la génétique et le sanitaire. Dans ce cadre, la Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Atlantiques a mené un essai terrain visant à tester l’utilisation et l’efficacité d’un pédiluve sec. C’est le produit VETALHY  NURSERY qui a été retenu pour cet essai terrain. Voici l’article rédigé par les responsables de l’essai.


Afin de diminuer les boiteries, quatre éleveurs de brebis laitières ont testé une solution utilisée en pédiluve sec. Cette alternative les a plutôt séduits. 


Alternatives au pédiluve humide, plusieurs solutions utilisables en pédiluve sec sont commercialisées. Certaines ont pour objectif de priver les bactéries pathogènes des conditions favorables à leur développement en asséchant le pied et en faisant chuter le pH vers 3,5. La régénération de la peau et de la corne est ainsi favorisée ; la dureté des onglons est augmentée. D’autres sont des solutions biologiques qui associent sur un support asséchant des bactéries bénéfiques. Ces dernières viennent concurrencer les bactéries du piétin, et ainsi contrecarrer leur développement. C’est un produit de ce type qui a été testé : Vetalhy Nursery®. Il est également utilisé comme asséchant pour les litières. 


Moins de boiteries légères

Quatre éleveurs de Manech Tête Rousse non transhumants ont testé le produit en pédiluve sec au cours de l’été 2022. Les brebis y passaient deux fois par semaine pendant 4 à 7 semaines (tableau). Dans la majorité des cas, une couche de 3 à 4 cm a été épandue dans le pédiluve en début de traitement et sans rajout en cours d’utilisation. Malgré la poussière abondante lors du passage des brebis, l’odeur reste agréable. 

Selon les élevages, le pédiluve était mis en place à l’entrée de la bergerie (photo 8) ou en sortie de salle de traite (photos 9 et 10).

Les pieds de chaque brebis ont été examinés en début et fin de traitement.



Dans trois élevages sur quatre, une nette diminution des boiteries légères a été mesurée (17 % des brebis). La proportion s’est stabilisée dans le 4ème élevage. Par ailleurs, le nombre d’animaux sans boiterie, quoique restant très modéré, a augmenté dans les quatre élevages de 6 à 19 %. La diminution des boiteries sévères n’a été observée que dans un élevage, les autres étant plutôt stabilisés (+6 % entre la fin et le début du traitement). Enfin, l’efficacité du produit sur le piétin est plutôt encourageante. Dans trois des quatre élevages, entre 1 et 7 brebis n’en présentent plus en fin de traitement (photo 11). 


 


Voici quelques témoignages des acteurs de ces essais 


Jean Beudou, Chambre d’Agriculture des Pyrénées Atlantiques 

Pour les brebis laitières, son utilisation est simple avec le passage en salle de traite, et plus facile qu’un pédiluve classique. Même s’il n’a pas d’effets miracles, le retour positif des éleveurs montre bien que ce produit a son intérêt.


Felix et Xabi Berhau du GAEC Aintzinat à Sare (64)

Avec la mise en place du pédiluve, associé à d’autres mesures (parage, antibiotique, réforme), le troupeau boite moins. Son utilisation est facile et on voit bien qu’il a un réel effet asséchant sur les pieds abîmés. Toutefois, son prix reste assez élevé.


En résumé

  • 0,7 kg par brebis pour un coût moyen de 1,4 € par brebis, inférieur à celui d’un pédiluve humide,
  • Des résultats contrastés selon les élevages,
  • Une diminution des boiteries légères,
  • Des résultats encourageants pour la lutte contre le piétin, en association avec d’autres moyens de lutte.

Article Chambre d’Agriculture 64