- Par AP
Du lait au fromage, lancez-vous !
Qu’elle soit artisanale ou industrielle, la patiente métamorphose du lait en fromage est ponctuée d’étapes immuables. Phases obligées qui impliquent du temps, du savoir-faire, des instruments traditionnels ou sophistiqués.
A chaque stade de sa mutation, le fromage doit se plier à de sévères contrôles qualitatifs.
Le caillage
Le lait peut passer spontanément de l’état liquide à l’état solide : cette coagulation par acidification est due aux ferments lactiques naturels qu’il contient, on parle de fermentation lactique. Pour faire le fromage on utilise cette propriété après avoir vérifié l’acidité du lait, on ajoute des ferments lactiques et de la présure.
La présure est une enzyme issue de la caillette (estomac du veau nourri au lait) qui a la propriété de coaguler le lait.
Selon les fromages que l’on veut obtenir, le caillage sera plutôt lactique (fromage frais) ou à prédominance présure ou mixte, comme dans le cas du Camembert, du Brie ou du Bleu.
Au cours de la coagulation, la caséine se soude en une sorte de gel (caillé-présure) ou en forme de flocon (caillé lactique).
Le moulage
C’est l’opération qui modèle le fromage dans sa forme définitive. Elle s’effectue avec ou sans pression. Pour les pâtes molles, on verse le caillé, au moyen de louches, poches ou écrémettes dans des moules perforés placés sur des tables à rainures, afin que le sérum s’écoule. Les pâtes pressées cuites sont moulées dans des formes à fond de bois : «foncet» ou «planchet». Le caillé est préalablement enveloppé dans une toile. Le pressage consiste à cercler de bois (ou d’un autre matériau), les formes ainsi enveloppées pour les façonner de manière définitive. La matière prend tournure. Sous l’effet de la pression, le lactérosérum résiduel s’élimine. Les grains de caillé se soudent de façon homogène.
L’égouttage
Le caillé doit être séparé du petit-lait (lactérosérum). De cette intervention délicate dépendent la qualité et la conservation du fromage. Bien égoutter est un art.
- Quand le caillé est à caractère lactique (pâtes fraîches) l’égouttage est spontané, car les grains de caillé sont perméables. Par la pression, le petit-lait peut être expulsé. Cela dure plusieurs heures.
- Pour l’égouttage des caillés à caractère présure, élastiques, compacts, imperméables, le gel obtenu doit être rompu par des opérations de tranchage, brassage puis pressage. Avant de trancher, le fromager vérifie la résistance du caillé. Si la cassure (boutonnière) est franche, il est temps de rompre le caillé au «tranche-caillé». Les fromages ainsi égouttés conservent le maximum de leurs sels minéraux, le calcium notamment. Leur pâte est consistante : cette fermeté est compatible avec les grandes meules (le Comté, par exemple). Ces caillés sont soumis à un égouttage forcé.
- L’égouttage des caillés mixtes peut être spontané et parfois complété par un léger pressage. Dans certains cas, le tranchage est suivi d’un délactosage : lavage à grande eau du caillé pour éliminer une grande partie du lactose résiduel et limiter ainsi toute fermentation lactique ultérieure. Cette intervention donne des produits à pâte plus douce et plus moelleuse.
Le salage
Après démoulage, on vérifie éventuellement que le fromage est suffisamment ressuyé. (Le «ressuyage» ou «ressuage» est le complément d’égouttage des pâtes molles. Il s’opère dans un séchoir tiède et ventilé). Ensuite, on sale : soit au sel fin, à la volée, soit par immersion du fromage dans un bain de saumure saturée.
Le sel joue un triple rôle :
- il exerce une action antiseptique ;
- il détermine, selon sa répartition dans la pâte et en surface, l’aspect et le goût du fromage ;
- au niveau de la croûte, il la renforce et fait effet de régulateur: il favorise les échanges entre la pâte et l’atmosphère ambiante. Il est nécessaire à la conservation.
L’affinage
Pour les fromages blancs, les opérations s’arrêtent avec l’égouttage.
Pour tous les autres, commence la magie de l’affinage.
Une maturation biologique qui dure de plusieurs jours à plusieurs mois. Elle exige de l’affineur le bon geste au bon moment, une attention aiguisée, de la patience dans l’atmosphère contrôlée des caves ou des hâloirs. C’est la phase ultime de la fabrication des fromages, c’est aussi la plus complexe.
En termes biochimiques, l’affinage est la «dégradation de la caséine sous l’action des enzymes naturelles et microbiennes». C’est-à-dire que l’on bloque l’acidification due aux ferments lactiques pour permettre la poursuite de protéolyse (modification des protéines, sous l’effet d’enzymes).
En termes pratiques, il s’agit pour le fromager ou l’affineur de maîtriser l’évolution de la pâte : pour cela il doit contrôler la teneur en oxygène, l’humidité et la température des locaux spécifiques à chaque fromage, retourner, brosser, parfois laver les fromages.
En bon alchimiste, l’affineur a recours, selon les fromages :
- à des liquides (solutions) : eau salée, lait, petit-lait, babeurre, vin blanc, cidre, bière, eau-de-vie de vin ou de marc, huile d’olive ;
- ou à des éléments végétaux : foin, cendres de chêne, de hêtre, d’acacia, de sarments de vigne. Ou encore des feuilles de vigne, de châtaignier et de platane.
Le fromage s’épanouit en liberté très surveillée. Les contrôles sont qualitatifs et gustatifs.
Des tests scientifiques impératifs vérifient qu’ils sont bien élaborés selon des règles précises et qu’ils répondent parfaitement aux normes de composition et de qualité hygiénique.
Les tests organoleptiques évaluent la consistance, l’odeur et la saveur de la pâte, afin que chaque espèce soit à la fois saine et «goûteuse».
Quant à l’emballage, il préserve le produit et informe le consommateur sur sa dénomination, son origine et sa teneur en matière grasse, calculée sur l’extrait sec.