Evolution des myiases à Wohlfahrtia Magnifica Maîtrise et protocoles d’essais

Voilà un an exactement, dans le Bulletin N°868 de juillet 2016, nous vous présentions l’émergence de foyers de myiases à Wohlfahrtia dans notre région, sur une zone couvrant le sud de la Vienne et le nord de la Charente. Où en est désormais la situation et quelles sont les évolutions en termes de conseils thérapeutiques ?

Evolution des myiases  à Wohlfahrtia Magnifica  Maîtrise et protocoles d’essais

Voilà un an exactement, dans le Bulletin N°868 de juillet 2016, nous vous présentions l’émergence de foyers de myiases à Wohlfahrtia dans notre région, sur une zone couvrant le sud de la Vienne et le nord de la Charente. Où en est désormais la situation et quelles sont les évolutions en termes de conseils thérapeutiques ?

RAPPELS


Depuis l’été 2012, en contradiction avec leurs localisations géographiques habituelles exclusivement centrées sur les massifs montagneux de plus de 800 m d’altitude [1], se développent dans le sud du département de la Vienne (86) et le nord de la Charente (16), à moins de 200 m d’altitude, des myiases à Wohlfahrtia [10, 11].

On appelle myiase l’affection provoquée par la présence et le développement de larves de mouches carnassières sur la peau ou dans divers organes des animaux ou des hommes.

Ces nouvelles myiases se différencient de celles observées généralement dans notre région et dues à Lucilia sericata [2, 3, 4] par :

  • La taille des asticots : plus gros, d’une longueur dépassant 1 cm et d’environ 2 mm de diamètre, et recouverts d’un petit duvet,
  • La période d’apparition : juillet à septembre sur les premières années d’apparition, soit sur une période différente et plus resserrée que celle d’apparition des myiases habituelles à Lucilia (printemps puis fin d’été – début d’automne),
  • Leur localisation sur le corps des ovins : principalement au niveau de la vulve (photo 1) et de l’espace interdigité entre les onglons (photo 2), mais aussi quelques cas décrits au niveau des plaies de bouclage ou des blessures à la tête suite à des bagarres entre béliers,
  • Leur implantation : les asticots sont «piqués» dans les chairs des moutons, fixés perpendiculairement aux tissus, serrés les uns contre les autres,
  • Les lésions occasionnées : fixés profondément dans les chairs, les asticots sont responsables de lésions en «galeries» creusées profondément,
  • Les symptômes observés : en plus de la présence des asticots, on constate :

. Myiases podales : boiterie sévère due à un pied déformé avec inflammation et surinfection fréquente,

. Myiases vulvaires et du fourreau : prurit intense.


  • La difficulté à extraire les asticots : les traitements insecticides efficaces sur les larves de Lucillia ne permettent pas de faire tomber les asticots aux dilutions prévues par les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM). Pour un grand nombre d’éleveurs, la seule solution efficace est l’extraction manuelle, asticot par asticot, à l’aide d’une pince ou d’un couteau.

La diagnose sur les plaques stigmatiques a permis au laboratoire du Pôle Santé Animale de l’Alliance Pastorale et à l’unité de parasitologie de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort d’identifier en 2013 la mouche responsable de ces myiases. Il s’agit de Wohlfahrtia magnifica (Photo 3), mouche larvipare, c’est à dire qu’elle pond directement des larves sur la peau des animaux, contrairement à Lucilia sericata qui pond des œufs [1].


ÉVOLUTION DE LA MALADIE


Depuis son apparition, la pathologie a évoluée de façon centrifuge autour de sa zone d’apparition [10, 11]. Une enquête menée par les GDS et les Chambres d’Agriculture de la Vienne et de la Charente en novembre 2016 auprès des éleveurs de ces deux départements montre que :

- les élevages touchés se concentrent désormais sur une zone géographique d’un rayon d’environ 40 à 50 km autour de la zone d’apparition initiale (Figure 1),

- plus de 40% des élevages ovins ayant répondu à cette enquête déclarent avoir été touchés par la maladie ; ils représentent un peu moins d’un tiers des élevages interrogés,

- La date d’apparition de la maladie selon les troupeaux s’étale principalement en 2016 de fin juin à mi-octobre (Figure 2),

- la prévalence dans les troupeaux ovins touchés varie de quelques pourcents à plus de 30%,

- la prévalence globale par rapport au total des animaux détenus sur cette zone est de 2%,

- les animaux touchés sont exclusivement élevés en extérieur et les atteintes se concentrent préférentiellement sur les zones du corps sales ou blessées,

- des troupeaux bovins se déclarent touchés avec des atteintes au niveau des ombilics des veaux, des vulves des vaches, des plaies d’écornage ou des yeux.

L’année 2016 a été marquée par une évolution sensible des cas, tant au niveau de leur nombre que de leur répartition géographique, mais également par une extension de la période d’atteinte jusqu’à fin octobre (alors que la période couvre habituellement environ deux mois, de mi-juillet à mi-septembre). Ces évolutions sont très probablement à relier aux conditions météorologiques observées, avec un temps chaud et sec, propice au développement de la mouche Wohlfahrtia, qui s’est prolongé tard dans l’arrière-saison. A noter enfin l’atteinte nouvelle des bovins.

En 2017, les cas sont cette fois réapparus de façon beaucoup plus précocement que les années précédentes, dès la fin mai. On note en particulier des attaques au niveau des pieds des animaux présentant des boiteries et des lésions podales, et au niveau de la vulve lors du retraits des éponges vaginales permettant la maitrise de l’oestrus. Ces localisations dans ces conditions s’expliquent par le fait que Wohlfahrtia est attirée pour pondre par les zones humides et délainées du corps : muqueuses, écoulements cutanés, plaies [1, 3, 4].

Face à cette épizootie, les professionnels de l’élevage et de la santé de la zone ont décidé d’unir leurs efforts en travaillant en commun et en partageant leurs informations au sein du Comité de Pilotage (COPIL) Wohlfahrtia. Ce COPIL réuni les GDS de la Vienne et de la Charente (OVS Poitou-Charentes), les Chambres d’Agriculture de la Vienne et de la Charente, le Groupement Technique Vétérinaire (GTV) de la Vienne et des membres de la Commission Ovine de la SNGTV, le Pôle Santé Animale de l’Alliance Pastorale.

TRAITEMENT

En termes de traitement, le recours à une prescription hors AMM (indication et posologie) d’un médicament à base d’organophosporé (dimpylate) nous a donné des résultats réguliers. L’utilisation de la deltaméthrine en pulvérisation directe a également permis de tuer les larves et de les extraire plus facilement à la pince. Cette dernière utilisation à l’avantage de pouvoir se faire en parfait respect de l’AMM puisque l’une des spécialités vétérinaires à base de deltaméthrine possède cette indication.

Le recours à des injections de spécialités à base de lactones macrocycliques semble donner des résultats très variables selon les élevages utilisateurs de notre zone. Ces observations confirment celles retranscrites régulièrement dans la littérature [5,6].

Des essais à base d’huile de cade appliquée au pinceau (VETALHY® HUILE DE CADE) ou en pulvérisation (VETALHY® PULVOCADE) sur les asticots ou d’extraits végétaux (géraniol, eucalyptus) utilisés en pulvérisation sont en cours de renouvellement pour valider leurs effets observés en 2016.

Si certains traitements permettent de tuer les asticots, ils ne permettent pas systématiquement leur chute qui nécessite le plus souvent une extraction manuelle et individuelle à la pince.

En association avec le traitement insecticide, un  traitement symptomatique visant au nettoyage, à l’asepsie et à la cicatrisation des plaies est préconisé, par application d’un aérosol en bombe ou d’une pommade locale. L’utilisation d’un aérosol a l’avantage, par la pression de pulvérisation qu’il permet, de pouvoir décrocher et faire tomber les asticots morts. L’utilisation d’une pommade à base d’extraits végétaux permet l’évolution favorable des plaies et présente également un intérêt en raison de propriétés insectifuges brèves (PHYT-AP® POMMADE).

PRÉVENTION

  

 La prévention est tout aussi problématique selon les éleveurs que le traitement en raison du manque de rémanence des médicaments à base d’organophosphorés ou de pyréthroïdes utilisables. En fait, les efficacités décrites avec la deltaméthrine sont souvent de 5 à 6 semaines après application, mais nous avons constaté des protections jusqu’à deux mois. La variabilité est cependant importante entre les élevages utilisateurs et le respect rigoureux des posologies et des modes d’application est ici capital. Pour certains médicaments pour-on, il est en particulier nécessaire d’appliquer le produit au contact de la peau, en passant l’embout de l’applicateur au travers de la toison, et non sur celle-ci. En cas d’utilisation d’une pulvérisation, il est conseillé d’insister sur la zone de l’arrière-train. L’utilisation de bain semble apporter de meilleurs résultats sur ce plan.


Concernant l’efficacité du dicyclanil, largement utilisé dans les élevages ovins de la région pour la prévention contre les myiases à Lucillia, les résultats décrits sont également très variables d’un élevage à un autre, alors que ce médicament possède bien dans son Autorisation de Mise sur le Marché une indication de prévention des myiases à Wohlfahrtia et que plusieurs auteurs décrivent des rémanences au-delà des vingt semaines après application [7,8]. Ces résultats variables pourraient s’expliquer par une prédominance des atteintes des zones délainées avec Wohlfahrtia (alors que le dicylanil se fixe à la lanoline de la laine), mais plus sûrement par la prédominance des utilisations à demi-dose du médicament observées fréquemment dans les élevages de la région. Certains éleveurs appliquent en effet cette quantité réduite de produit le long de la ligne du dos, omettant la pulvérisation en arc de cercle autour de l’arrière train et de la queue, comme décrit dans l’AMM.

Nous conseillons donc, dans le cadre de l’utilisation de ce médicament, de bien respecter les préconisations d’utilisation, et tout particulièrement l’application de la moitié de la dose sur l’arrière train [8]. Pour tirer le maximum de bénéfice de cette application et couvrir la période à risque, il est préférable de la mettre en place juste avant cette période.

Pour la prévention spécifique des atteintes podales, l’utilisation en pédiluve d’un organophosphoré ou d’un pyréthroïde à la dilution préconisée pour les bains donne de bons résultats, avec toujours la même limite concernant la rémanence (une quinzaine de jours) et l’utilisation hors AMM.


Plusieurs essais de supplémentation de l’alimentation en extraits d’ail, mis en place en fin de période 2016, nous ont donné des résultats satisfaisants. L’exemple d’une exploitation ovine présentant des atteintes régulières depuis le début de la saison, et dans laquelle la mise à disposition de seaux minéraux enrichis en ail a permis de réduire l’incidence de nouveaux cas de plus de 95%  comparativement à un lot témoin, est significatif. Attention cependant : tous les seaux du marché ne disposent pas (souvent pour des raisons économiques) d’un taux de supplémentation en extraits d’ail suffisant pour être efficace dans cette indication.


Dans le cadre de la prévention contre ses attaques, la coupe mi-longue de la queue pour recouvrir 3/4 de la vulve semble être une consigne à mettre en œuvre, puisque décrit comme bénéfique sur ce plan dans certains élevages [9]. De même, la lutte contre le piétin et toutes les affections suintantes des pieds reste indispensable pour limiter les sources d’attraction pour les mouches. Les plaies de blessures à la tête des béliers et d’écornage des bovins doivent être soignées le plus rapidement possible, et les cordons ombilicaux des agneaux et des veaux asséchés au plus vite.


En l’état actuel de notre expérience, l’association à l’échelle de l’élevage des différentes techniques et thérapeutiques présentées ci-dessus est la meilleure solution face aux attaques des mouches Wohlfahrtia.


BIBLIOGRAPHIE
[1] REHBY L. Ectomyiases. Fiche Commission Ovine SNGTV. 2008. 43.
[2] JACQUENET C., MAGE C. Myiases ovines cutanées – Etude épidémiologique. Collection Résultats Institut de l’Elevage. 2004. 2043209.
[3] ARNAUD E. Actualités sur les ectomyiases. Bulletin de l’Alliance Pastorale. 2015 ; 856 ; 5-9.
[4] GOURREAU J.M. Les myiases cutanées des ovins. Insectes. 2011 ; 160 ; 25-28.
[5] SOTIRAKI S., FARKAS R., HALL M.J.R. Fleshflies in the flesh : Epidemiology, population genetics and control of outbreaks of traumatic myiasis in the Mediterranean Basin. Veterinary Parasitology. 2010 ; 174 ; 12-18.
[6] FARKAS R., HALL M.J.R. Efficacy of ivermectin and moxidectin injection against larvae of Wohlfahrtia magnifica in sheep. Parasitology Research. 1996 ; 82 ; 82-86.
[7] SOTIRAKI S., STEFANAKIS A., HALL M.J.R., GRAF J.F. Field trial of the efficacy of dicyclanil for the prevention of wohlfahrtiosis of sheep. Veterinary Record. 2005 ; 156 ; 37-40.
[8] SOTIRAKI S., STEFANAKIS A., HALL M.J.R., FARKAS R., GRAF J.F. Wohlfahrtiosis in sheep and the role of dicyclanil in its prevention. Veterinary Parasitology. 2005 ; 131 ; 107-117.
[9] FERRANDI S. Mes brebis se grattent. Forum Parasitologie SNGTV – BAYER.
[10] SABOUREAU L., ARNAUD E. Myiases : l’émergence de cas à Wohlfahrtia dans le sud Vienne chez les ovins. Le Nouveau Praticien Vétérinaire. 2015 ; 32 ; 175-178.
[11] SABOUREAU L, ARNAUD E. Myiases : émergences de cas à Wohlfahrtia dans le sud-Vienne. Bulletin de l’Alliance Pastorale. 2016 ; 868 ; 5-9.