Fleurs de nos jardins : belles, médicinales… et mortelles

Une partie des fleurs de nos jardins nous accompagnent depuis des siècles en tant que plantes comestibles, médicinales et ornementales. Toutefois, certaines d’entre elles présentent un risque non négligeable pour la santé, voire sont mortelles pour nous, nos animaux de compagnie ainsi que nos animaux de rente si elles sont mal employées.

Ci-après sont décrites 3 parmi les plus connues, vendues en jardinerie et sur internet, souvent sans aucun avertissement quant au risque encouru.

Fleurs de nos jardins :  belles, médicinales… et mortelles

Digitale pourpre 

(Digitalis purpurea L. 1753)


Présente à l’état sauvage en France sur les terrains acides et siliceux comme notamment les Vosges, le Jura, le Massif Central et les Pyrénées, la digitale pourpre est fréquemment utilisée dans les jardins en tant que plante ornementale décorative, avec des coloris divers.

C’est une plante bisannuelle en rosette, fleurissant lors de la seconde année de vie, en produisant de juin à août une longue tige robuste pouvant atteindre 1,2 mètre de hauteur présentant des fleurs typiques en corolle de la forme d’un doigt de gant.

Toutes les parties de la plante sont toxiques, en particulier les feuilles : la digitaline, découverte en 1868 par Mr Nativelle, la digoxine, son métabolite, ainsi que la digitoxine sont de la famille des hétérosides cardiotoniques. Ces molécules ont une marge thérapeutique étroite : la dose thérapeutique est très proche de la dose toxique pour l’organisme.

Les saponosides présents dans la plante favorisent la solubilisation et l’absorption des molécules actives de la digitale dans l’intestin.

Usage thérapeutique 

Renforcement, régularisation et ralentissement des contractions cardiaques par un effet inotrope positif (augmentation de la contractilité du myocarde) avec un effet chronotrope et dromotrope négatif (baisse de la fréquence cardiaque et de la conductibilité du nœud auriculoventriculaire).

Intoxication 

En cas d’ingestion de la plante par les espèces herbivores comme les ruminants (plante récoltée à la fenaison, ou ingérée lors de sécheresse ou de manque d’alimentation), et omnivores (porc, canard).



Symptomatique en cas d’intoxication :

  • Nausée, vomissement, diarrhée souvent hémorragique.
  • Polyurie (trouble du fonctionnement de la vessie), suivi d’anurie.
  • Troubles nerveux avec faiblesse, pâleur du visage chez l’humain lié à l’hypotension, maux de tête, mydriase (dilatation de la pupille), délire, hallucinations.
  • Troubles sévères du rythme cardiaque (bradycardie, arythmie, syncope cardiaque) pouvant aller jusqu’à l’arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire et diastole des oreillettes.


Dose létale : 

 Bovins : 160 à 180 g de feuilles vertes.

- Petits ruminants : 25 à 30 g de feuilles vertes.

- Cheval : 120 g de feuilles vertes.


 Aconit Napel 

(Aconitum napellus L ; 1753)

Plante de milieux humides, sols riches, dans les régions montagneuses en dessous de 1800 mètres, c’est une vivace herbacée sauvage dont les jardiniers ont créé des cultivars horticoles. Elle possède une racine noirâtre épaisse, tubérisée. De juin à septembre, la tige robuste pouvant atteindre jusqu’à 1,5 mètre de haut porte un épi de fleurs bleu-violet dont le sépale supérieur prend une forme en casque typique.

L’ensemble de la plante est toxique, notamment la racine, même sèche : elle contient plusieurs alcaloïdes diterpéniques comme aconitine, le plus puissant, ainsi que aconine, lycaconitine, mésaconitine, hypoaconitine, capeline, néoline, néopelline et jesaconitine notamment. L’aconit est le plus puissant des poisons végétaux.

Attention, l’intoxication à l’aconitine peut se faire par ingestion comme par le contact cutané et des muqueuses, car la molécule est lipophile : c’est une plante à ne pas collecter en bouquet sans porter de gants…



Usage thérapeutique 

Anciennement utilisé comme antiphlogistique (anti-inflammatoire) dans les rhumatismes, les névralgies, la goutte, la dysenterie, les infections génito-urinaires. L’aconit était également utilisé comme sédatif de la toux, ainsi qu’en cas de névralgie du nerf trijumeau.

NB. L’aconit était employé comme poison pour éliminer certains prédateurs comme loup et renard, d’où son surnom d’aconit tue-loup.


Intoxication 

Chez les herbivores, l’intoxication intervient par consommation de la plante dans les pâturages de montagne en estive.

Chez l’homme les symptômes apparaissent en général dès 30 minutes après contact. Il faut noter que pendant toute la durée de l’intoxication jusqu’à la mort (d’une à douze heures après ingestion), le malade reste conscient...


Symptomatique en cas d’intoxication :

Chez l’humain :

  • Tout commence par des sensations comme brûlure et picotement des lèvres, avec fourmillements des doigts, des orteils et de la bouche, avec frissons, suées.
  • Troubles de la vue avec mydriase, de l’audition (acouphènes) et diminution du goût.
  • Par la suite : engourdissement de la langue et de la face, puis généralisation de la paresthésie à l’ensemble du corps, apathie et anesthésie par le froid.
  • Vomissements, diarrhée, colique.
  • Paralysie des muscles avec douleurs fortes : troubles du rythme cardiaque et de la respiration, abaissement de la température corporelle.

La mort intervient par défaillance cardiorespiratoire.

Chez l’animal :

  • Mydriase, excitation, spasmes, incoordination aboutissant à la paralysie du train arrière.
  • Diarrhée, vomissement, hypersalivation.
  • Arythmie, fibrillation ventriculaire.
  • Dyspnée, bradypnée.


Dose létale d’aconitine :

- Pour l’homme : de 3 à 6 mg, soit 2 à 4 g de racine.

- Cheval : 300 à 400 g de racine fraîche (soit 3 à 4 racines).

- Chien : 5 g de racine.


Staphysaigre ou  Dauphinelle staphysaigre 

(Delphinium staphysagria L. 1753 = Staphisagria macrosperma Spach 1838)


Cette plante annuelle ou bisannuelle devenue rare en France se trouve pour l’essentiel à l’état sauvage sur le pourtour méditerranéen, en bord de chemin et dans les endroits incultes. Elle atteint jusqu’à 1,2 mètres de haut et est recouverte de poils.

L’ensemble de la plante est toxique : elle contient des alcaloïdes diterpéniques (delphinine et delphisine) dont l’activité est proche de l’aconitine, ainsi que des molécules proches de la vératrine (staphysagroïne et delphinoïdine). La plante est très irritante. L’huile présente dans la graine a une saveur amère, âcre et brûlante.

Usage thérapeutique 

Insecticide en décoction, son huile était utilisée contre les parasites externes (poux).

Intoxication 

L’intoxication est devenue exceptionnelle en France compte tenu de la rareté de la plante. Il existe par contre des intoxications du bétail par ingestion des dauphinelles en Amérique du Nord, l’ensemble du genre Delphinium étant toxique à part l’espèce Delphinium consolida Linné.

Des intoxications ont été recensées chez les bovins et les petits ruminants, et parfois le chien et le chat.


Symptomatique en cas d’intoxication :

  • Ingestion de la graine : brûlure de la bouche, hypersalivation, vomissement, diarrhée, convulsions et défaillance cardiorespiratoire.

Chez l’animal :

  • Excitation, spasmes, convulsions, mydriase, incoordination avec évolution vers une paralysie généralisée.
  • Diarrhée, vomissement, hypersalivation.
  • Arythmie, fibrillation ventriculaire.
  • Dyspnée, bradypnée.