Intoxication par la colchique ou faux safran ou tue-chien Colchicum autumnale L 1753

Plante herbacée vivace à bulbe, la colchique pousse dans les prés et prairies, sur sols riches, frais à humides, jusqu’à 2000 m d’altitude. On la trouve communément en France sauf en région méditerranéenne. Elle peut former de grandes colonies. Cette espèce de la famille des Liliacées est parfois cultivée dans nos jardins.


Intoxication par la colchique  ou faux safran ou tue-chien  Colchicum autumnale L 1753

Les feuilles lancéolées, entières, glabres, engainantes à leur base, de 8 à 30 cm de long apparaissent au printemps par groupes de 2 à 4 et peuvent être confondues avec celles de l’ail des ours. Les nervures sont parallèles. Les feuilles disparaissent avant la floraison.

La floraison intervient en début d’automne : elles sont formées de 6 pétaloïdes soudés à la base en tube, de couleur mauve ou blanche et comportent 6 étamines jaune-orange. La floraison de colchique évoque les fleurs printanières de crocus. 

Les fruits maturent pendant l’hiver et le printemps pour émerger au dessèchement des feuilles : ce sont des capsules oblongues à 3 loges contenant les graines brun -noir de 2 mm de diamètre.


Toutes les parties de la plante sont extrêmement toxiques.


Chez l’homme, deux cas d’intoxication peuvent survenir par confusion lors de la cueillette avec :

- l’ail des ours : intoxication par récolte des feuilles à visée culinaire (28 cas d’intoxication avec deux décès en France entre 2020 et 2022 !!).

- le muguet, arum tacheté lors de cueillette pour création de bouquet.

L’intoxication peut également intervenir par méconnaissance de la plante en cas de cueillette des fleurs à l’automne.

Présence de molécules toxiques :

- alcaloïdes dont colchicine.

- Colchicine : alcaloïde dérivé de la phénylalanine, anti-inflammatoire, antimitotique (= empêche la division cellulaire). La molécule se fixe sur les microtubules intracellulaires, bloquant la division des cellules à un stade appelé métaphase, provoquant rapidement la mort de la cellule. La colchicine s’accumule notamment dans le foie, les reins, la rate et l’intestin. Son élimination est lente, et se fait principalement par le cycle entérohépatique (foie et intestin, d’où l’intérêt à ne pas stopper la diarrhée symptomatique de l’intoxication), ainsi que moins de 20 % par la voie rénale.


NB. La colchicine est utilisée en médecine humaine à marge thérapeutique étroite (dose thérapeutique proche de la dose toxique), principalement en traitement de la goutte chronique. Son usage doit être suivi de très près pour éviter une intoxication par surdosage du médicament (posologie inadaptée par exemple chez un patient en insuffisance rénale ou hépatique)  ou par interaction médicamenteuse impactant par exemple l’élimination de l’organisme.

La symptomatique et l’issue dépendent de la quantité ingérée ainsi que de la localisation des lésions : 20 mg de colchicine sont mortels chez l’humain adulte, correspondant à 50 à 60 g de feuilles ou 5 g de graine par exemple. Chez chien et chat, la dose létale se situerait entre 0,5 et 0,8 mg par kilo de poids.


Symptomatique chez l’homme  dès l’ingestion de 10 mg de colchicine : 


a) en cas de contact cutané : dermite de contact  qui entraîne  oedème, rougeur, irritation, sensation de brûlure, persistants pendant quelques heures à quelques jours. 

Attention au contact avec les yeux !


b) au début de l’intoxication (dès 3 heures après ingestion)

- brûlure buccale, polydypsie, sialorrhée (salivation involontaire) et hypersalivation, difficulté à déglutir par constriction pharyngo-laryngée.

- atteinte digestive (congestion, hémorragie liée à une nécrose des cryptes intestinales) avec un syndrome cholériforme : vomissement, diarrhée éventuellement sanguinolente, déshydratation pouvant conduire au collapsus hypovolémique.


c) en cas d’ingestion importante, dans les premières 24 heures :

- chute de la température corporelle, de la tension.

- coagulopathie : coagulation intravasculaire disséminée.

- cytolyse (destruction) des cellules hépatiques.

- spasmes puis paralysie des muscles striés et lisses conduisant à la paralysie respiratoire, collapsus cardiovasculaire entraînant la mort par défaillance cardiorespiratoire et viscérale.


d) en cas d’ingestion plus modérée :

- aplasie médullaire : thrombopénie, leucopénie, anémie, toutes complications amenant à un risque d’hémorragie, de septicémie et de surinfection.

- paresthésie et paralysie liées à une polynévrite (inflammation des nerfs).

- alopécie qui régressera avec le temps.


Des cas d’intoxication ont été décrits chez ruminants et animaux de compagnie, suite à la consommation ou au mâchonnement de la plante, et parfois l’ingestion de médicament contenant de la colchicine.

La symptomatique chez l’animal est similaire à celle décrite chez l’humain :

- abattement, hypothermie, faiblesse musculaire.

- ataxie, parésie, déficits de la propioception.

- leucopénie, anémie.

- convulsions, coma, mortalité.


Diagnostic 

Se fait essentiellement par l’anamnèse, la présence de la plante dans la pâture.


Traitement 

- Pas d’antidote !

- Lavage gastrique.

- Pansement gastrique (éventuellement charbon actif dans l’heure qui suit l’ingestion).

- Rinçage abondant en cas de contact avec les yeux ou la bouche.

- Symptomatique (notamment transfusion avec apport de plaquettes et de leucocytes).

- Ne pas traiter la diarrhée !


Prévention

• Supprimer saisonnalement l’accès aux prairies à risque par clôture permanente ou temporaire (électrique).

• Éduquer les enfants à reconnaître la plante.

• Attention lors de randonnée ou promenade à ne pas laisser les enfants consommer des feuilles inconnues, et ne pas effectuer de cueillette pour consommation ou bouquet si l’identité des plantes n’est pas sûre.

• Attention à restreindre l’accès à la pharmacie familiale en cas de présence de médicaments contenant de la colchicine !