- Par Saïd Tahenni
La fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Une autre maladie transmise par les tiques
La Fièvre hémorragique de Crimée-Congo est une zoonose virale majeure souvent mortelle chez les humains. C’est une maladie vectorielle transmise par les tiques du genre hyalomma. Elle est provoquée par un virus de Crimée Congo (Nairovirus) de la famille Bunyarviridés.
Ce virus est largement répandu dans le continent Afrique, Asie et Moyen-Orient. En 2008-2009, la Turquie a été frappée par une épidémie de FHCC dont le nombre de cas à dépassé 1300 (Leblebicioglu et al. 2016). En Europe, la maladie est apparue pour la première fois en 1944 en Crimée, d’où son nom. Parmi les pays touchés par l’infection on trouve la Roumanie, les Balkans, la Grèce et l’Albanie. En 2016, la maladie a fait son apparition en Espagne avec le premier cas humain dans la localité de San Juan del Molinillo.
La Maladie est mal connue, elle touche principalement les vertébrés, sans donner de symptômes sur les animaux. Chez l’homme, l’infection provoque une fièvre, des douleurs et des hémorragies, elle est dangereuse avec un taux de létalité de 10 à 40%.
Le cycle biologique de la tique hyalomma
Le cycle biologique de la tique hyalomma s’effectue sur deux hôtes :
Les larves de tiques Hyalomma qui se trouvent dans la nature infectent les petits mammifères (rongeurs et lagomorphes) ou des oiseaux, au sein desquels elles se transforment en nymphes. Les nymphes se détachent ensuite de leur hôte et muent en adultes qui rechercheront un nouvel hôte pour se nourrir, un grand mammifère la plupart du temps. Ces grands mammifères (des ovins, bovins, caprins ou équidés) sont des porteurs sains de la maladie sans présenter de symptômes. Les humains ne sont que des hôtes accidentels et les seuls à développer des symptômes.
Comment se transmet le virus ?
La transmission du virus à l’homme se fait soit :
- Par piqure de tique. Les personnes plus exposées sont les randonneurs et les chasseurs.
- De l’animal à l’homme par contact direct, lors de manipulation sur des animaux infectés ou par contact avec le sang, les sécrétions ou excréments. En général, les personnes les plus exposées à la maladie sont des ouvriers d’abattoir, des agriculteurs ou des vétérinaires.
- De personne à personne par contact direct (à l’hôpital la maladie est considérée comme infection nosocomiale).
La transmission s’effectue soit par :
1. Inhalation des gouttelettes émises par les malades en cas de toux ou d’éternuements.
2. Contact direct, avec le sang ou les excréments/sécrétions de personnes infectées.
Quels sont les signes cliniques ?
Les signes cliniques sont bien plus observés sur les êtres humains que sur les autres espèces animales pour lesquelles la maladie est silencieuse sans faire de symptômes (maladie asymptomatique).
La durée d’incubation dépend du mode de transmission. Elle est en général de 3 à 6 jours en moyenne par piqure de tique, et de 5 à 13 jours par contact avec du sang ou des tissus infectés.
L’apparition des symptômes est brutale, avec une fièvre, des douleurs musculaires, des vertiges, une raideur et des douleurs de la nuque et dorsales, des céphalées, et une sensibilité des yeux avec une photophobie. On observe parfois au début des nausées, des vomissements, de la diarrhée.
2 à 4 jours après l’apparition des premiers symptômes vient la deuxième phase de la maladie avec l’apparition des hémorragies gastro intestinales et rénales, des douleurs abdominales à la palpation dues à l’augmentation du volume du foie. D’autres signes cliniques sont traduits par une accélération du rythme cardiaque, et des pétéchies sur la peau et sur les muqueuses buccales et la gorge. Les pétéchies peuvent aboutir à la formation des ecchymoses. La mort peut survenir du 5eme au 14eme jour à la suite d’une hémorragie, d’une défaillance multiviscérale et d’un état de choc. Il y a notamment une défaillance des organes vitaux (du foie, du rein et des poumons).
Chez les patients qui survivent à la maladie, le rétablissement complet peut durer jusqu’à une année.
Diagnostic
Le diagnostic clinique est basé sur les symptômes évocateurs de la maladie comme les courbatures, la fièvre et les hémorragies sur des malades qui ont été piqués par une tique ou exposés à du sang ou des secrétions d’un animal ou d’humain potentiellement infecté dans des zones endémiques.
Le diagnostic de laboratoire permet de confirmer le diagnostic clinique soit par la recherche d’anticorps IgG et IgM en utilisant la méthode ELISA (diagnostic sérologique) ou par PCR.
Y a-t-il un traitement ?
Le traitement consiste à traiter les symptomes de la maladie avec un antiviral appelé Ribavirine associé à une administration de plaquettes.
Dans les cas critiques, le patient doit être pris en charge en soins intensif et il doit être isolé.
Prophylaxie
En l’absence d’un vaccin, le seul moyen de prévention consiste à lutter contre les tiques en utilisant des acaricides insecticides dans les exploitations d’élevages des zones endémiques et sensibiliser les populations aux facteurs de risques par la communication des mesures de préventions à prendre pour réduire les risques de contamination.
Ces mesures comportent plusieurs points
- Pour diminuer les risques de transmission de virus à l’homme par les tiques il faut :
- Porter des vêtements protecteurs (à manches longues et pantalons longs), de couleur clair pour détecter facilement les tiques, avec l’utilisation des répulsifs à tique sur la peau et sur les vêtements.
- Éviter les endroits où les tiques sont abondantes en saisons (printemps, été) et où elles sont le plus actives dans les zones à risques.
- Pour diminuer les risques de transmission de l’animal à l’homme il faut porter des gants et une tenue de protection lors de la manipulation des animaux ou de carcasses d’animaux à l’abattoir et dans des exploitations d’élevages dans les zones où sévit la FHCC.
- Pour éviter les risques de transmission de l’homme à l’homme, il faut isoler la personne infectée de la Fièvre hémorragique de Crimée Congo. L’équipe soignante dans le milieu hospitalier doit porter une tenue de protection.
On retient...
Actuellement en France, il n’y a pas de cas de FHCC signalé et la présence de virus n’a pas été identifiée en France métropolitaine.
En revanche le vecteur de la maladie, la tique hyalomma, a été identifiée ces denières années dans le sud du pays et en Corse.
En 2019 des campagnes de surveillance sur l’évolution du vecteur de cette maladie et la recherche de la présence d’agents pathogènes ont été réalisées dans le sud du pays sur le pourtour méditerranéen et dans la vallée du Rhône.
La vigilance et la surveillance doit être actives pour éviter le risque d’introduction de cette maladie émergente avec les échanges commerciaux des animaux et le déplacement des oiseaux migrateurs.