La maladie d’Aujeszky. Plusieurs chiens victimes

Suite aux cas récents d’Aujeszky, ou pseudorage, survenus sur des chiens de chasse dans plusieurs départements français, il semble intéressant de revenir sur cette pathologie.

La maladie  d’Aujeszky.  Plusieurs chiens victimes

Le pathogène à l’origine de la maladie est un virus de la famille des Herpesviridae genre Varicellovirus : il est appelé Suid Herpes-virus 1 ou SuHV-1, également décrit comme Pseudorabiesvirus ou PRV. En fonction du milieu, du pH et de la température, ce virus peut survivre longtemps dans l’urine, le fumier, le sol par exemple : dans la viande en maturation, il est stable au froid positif (4°C) mais par contre sera inactivé à -18°C en l’espace de 35 à 40 jours. Il ne résiste pas à de haute température et disparaît dès 80°C, permettant ainsi le traitement thermique des carcasses et produits carnés à risque. 

La répartition virale est mondiale et liée notamment à la présence d’exploitations porcines, avec persistance des souches chez les sangliers en milieu sauvage. En France, il y a résurgence de la maladie épisodiquement : un foyer d’Aujeszky dans un élevage de sanglier du Gers a ainsi été découvert le 16 décembre 2021 via la surveillance épidémiologique et a conduit au dépeuplement du site. Précédemment, en avril 2019, un cas sur un site d’engraissement de porc plein air des Alpes de Haute Provence fournissant un site d’engraissement plein air du Vaucluse avait été détecté. De même en mars 2018, un foyer en élevage de porc plein air avait été déclaré dans les Pyrénées-Atlantiques.

Il existe plusieurs souches de virulence variable. Chez les suidés (porc et sanglier) qui représentent l’hôte principal, le virus peut infecter les neurones des ganglions trijumeaux et sacrés de façon latente, et être excrété en cas de stress pour infecter de nouveaux animaux, représentant le réservoir de la maladie. Les souches virales du sanglier peuvent contaminer les porcs domestiques, avec une pathogénicité moins importante que celles du porc.

Le virus SuHV-1 s’attaque donc préférentiellement au porc et sanglier, mais peut infecter accidentellement d’autres animaux sauvages comme domestiques qui sont des impasses : ainsi, chats, chiens, furets, bovins, petits ruminants et rongeurs notamment y sont sensibles. Toutefois, la maladie d’Aujeszky ne touche pas l’être humain.

Aujeszky chez porc et sanglier

Pathologie : l’infection virale se fait soit par voie aérogène, soit via la semence ou les sécrétions vaginales, par contact avec une nourriture ou du matériel contaminés, d’autant que le porc peut être porteur sain. Chez la truie en gestation, le virus peut se transmettre aux fœtus via le placenta, et après mise-bas la contamination peut se faire par le lait. 

La symptomatique diffère selon l’âge, avec un temps d’incubation d’un à huit jours en moyenne, et jusqu’à 3 semaines : 


  • Porcelet jusqu’à 2 semaines d’âge : mortalité de quasi 100 %.

Fièvre et vomissements, ainsi que symptomatique liée à l’atteinte du système nerveux central par méningoencéphalite avec notamment ataxie, paralysie des pattes arrières, tremblements musculaires, symptômes épileptiformes, opisthotonus.


  • Porcelet de 3 à 4 semaines d’âge : mortalité entre 50 et 70%.

Symptomatique de même type que précédemment, mais moins prononcée avec une évolution plus lente. Retard de croissance en cas de survie.


  • Porc en engraissement

Symptômes respiratoires pour l’essentiel avec jetage, éternuement, toux et dyspnée. Une forme subclinique est possible.


  • Adulte : mortalité < 2%.

Infection souvent asymptomatique.

Truie en gestation : inappétence, retours en chaleur, avortement et/ ou mise-bas d‘une petite portée dont les fœtus se trouvent au même stade de développement, avec possibilité de momifiés.


Chien, chat, furet, ruminants et autres hôtes sensibles

La contamination est accidentelle pour les ruminants. 

L’infection chez les carnivores s’effectue par ingestion de viande ou de déchets d’abattage crus provenant de porcs porteurs sains, ou de rongeurs contaminés. Elle peut également se faire par voie aérogène ou par contact direct avec des porcs porteurs, y compris en cas de lésions et morsures.

L’incubation est rapide sur quelques jours, avec mortalité à 100%. 

La symptomatique est liée à l’encéphalomyélite et est caractérisée par un prurit (démangeaison) intense avec automutilation, d’où le surnom de pseudo-rage.

A contrario par rapport à la rage, il n’y a pas augmentation d’agressivité ou d’évitement de l’eau.

Dans le cas d’une exploitation porcine, les premiers éléments évocateurs d’Aujeszky seront souvent la découverte de mortalité sur rongeurs ou chien et chat.


Traitement 

Aucun traitement.


Diagnostic

Chez le porc (sérologie et/ou PCR) : écouvillons nasaux, poumon, amygdales, ganglions lymphatiques, rate, cerveau, moelle épinière, sang, rein.

Chez le chien : PCR sur encéphale.


Diagnostic différentiel 


Chez le porc : 

en fonction de l’âge et des symptômes :

- Rage, peste porcine classique, maladie de Teschen, intoxication au sel, méningite à streptocoques, septicémie à Escherichia coli, gastroentérite transmissible, parvovirus – SMEDI, brucellose, leptospirose, influenza, pasteurelles.


- Chez les autres espèces sensibles : 

rage, encéphalopathies spongiformes.


Attention, déclaration obligatoire des cas à la DDCSPP pour toute espèce de mammifère !

Réglementation 


  • Maladie réputée contagieuse à déclaration obligatoire auprès des services vétérinaires.
  • La France est reconnue indemne chez le porc domestique, mais persistance chez le sanglier. Vaccination des suidés interdite en France comme dans tout territoire officiellement indemne suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).
  • Abattage du cheptel en cas d’infection avérée, désinfection des bâtiments, enquête épidémiologique sur un rayon de 5 km autour de l’exploitation ainsi que dans les élevages en lien avec l’exploitation contaminée. Perte du statut indemne du département concerné le temps de l’enquête et de l’assainissement de l’exploitation concernée. 


Prévention chez les suidés 

  • Surveillance clinique en élevage hors-sol.
  • Élevage porc plein air et de sanglier, parcs zoologiques détenant des suidés : clôture étanche obligatoire pour empêcher tout contact avec les sangliers sauvages.
  • Suivi sérologique dans les élevages plein air (une fois par an) et les élevages de sélection et multiplication (tous les trimestres) de race locale.
  • Isolement sanitaire, introduction d’animaux et de semences pour les inséminations artificielles issus de cheptels indemnes.


Prévention chez le chien

 

  • Éviter autant que possible les contacts avec les sangliers : la divagation des chiens est d’ailleurs interdite... Attention aux chiens mordeurs qui seront plus à risque en cas de contact avec la faune sauvage : ne pas laisser les chiens de chasse toucher à la carcasse de sanglier !
  • Ne pas donner à consommer aux chiens de viande crue de sanglier ou de porc qui peuvent être porteurs sains donc asymptomatiques mais contaminants.
  • Éliminer les déchets de chasse pour limiter le risque de contact pour les chiens.
  • Vaccination possible des chiens avec le vaccin AUSKIPRA dans les zones à risque : sous ATU (Autorisation temporaire d’utilisation) avec traçabilité des doses qui ne doivent en aucun cas être utilisées sur suidés, et sous contrôle vétérinaire, car il s’agit d’un vaccin destiné au porc et donc susceptible de provoquer des réactions au point d’injection.