- Par Christelle Dubois-Frapsauce
La mamelle. Un organe à ne pas négliger, même pour les brebis allaitantes
Le lait est le premier aliment des agneaux, aliment qui doit leur assurer une bonne croissance au moins pendant leur premier mois de vie et mieux jusqu’à 2 mois. Outre la qualité de la ration, il est donc important de veiller à la bonne santé de la mamelle. Un examen soigné, la préparation de l’agnelage, le repérage des différentes affections et les traitements apportés doivent permettre d’optimiser le potentiel des brebis.
La mamelle
Le système mammaire des brebis est formé par deux glandes contiguës mais séparées par un ligament suspenseur et ayant chacune leur propre systèmes sanguin et lymphatique. Les infections seront donc dans la plupart des cas unilatérales.
L’examen des hémi-mamelles devrait être effectué à 3 périodes clés :
- la mise en lutte pour vérifier que des mammites de tarissement ne se sont pas développées,
- l’agnelage pour rechercher une congestion ou une chaleur avec risque de mammite
- et le jour du sevrage pour faire un bilan de la lactation.
Il peut se réaliser sur brebis assise ou debout par l’arrière, en particulier quand on dispose de cornadis.
La mamelle doit être symétrique, souple à la palpation. Elle ne doit pas présenter d’œdème, de chaleur, d’induration localisée ou diffuse, d’abcès. Les trayons doivent être uniformément souples et ne pas présenter de lésions cutanées (morsures, boutons, verrues). Le lait doit être facilement extrait, sans douleur, blanc, liquide, uniforme.
La lactation
Sauf pour les agnelles, la lactation se prépare dès le tarissement précédent. La ration des brebis doit être diminuée deux semaines avant le sevrage des agneaux en particulier pour les apports en matière azotée. Il est préférable de retirer les agneaux d’un seul coup et de ne pas les remettre sous les mères. Il est recommandé de laisser les brebis sur des prairies pauvres ou en bergerie avec un fourrage essentiellement fibreux et peu riche pendant au moins une semaine.
Pour les brebis bonnes laitières ou que l’on doit tarir précocement, on peut aider à la réduction de la production en utilisant des compléments alimentaires buvables à base de plantes ou des remèdes homéopathiques. On peut également sécuriser la période sèche en utilisant un antibiotique diffusant bien dans la mamelle sous forme injectable ou sous forme intra-mammaire (en respectant bien les bonnes pratiques d’administration !).
Les brebis dont le pis est très déséquilibré ou présentant des indurations ou des nodules doivent être prévues pour la réforme. Un nouvel examen avant la lutte peut permettre de déceler des problèmes de tarissement.
La fin de gestation est une période importante pour obtenir un bon colostrum et un bon démarrage de lactation. Complémenter les brebis dès 6 à 4 semaines avant l’agnelage permet certes un bon poids des agneaux à la naissance, mais aussi prépare la flore du rumen à bien valoriser la ration d’allaitement. Elle doit comporter à la fois de l’énergie mais aussi de la matière azotée. Sinon, on risque un colostrum moins riche en immunoglobulines et un retard au démarrage de lactation. ATTENTION cependant à ne pas apporter trop d’énergie, ce qui risquerait de provoquer la fabrication de tissu graisseux dans la mamelle au détriment du tissu glandulaire.
Ne pas oublier de lutter contre les parasites du foie (grande et petite douve). On peut éventuellement faire une cure «d’hépatoprotecteur» pendant cette période.
A l’agnelage, et en particulier quand celui-ci s’effectue en bâtiment, il est prudent de vérifier la fonctionnalité de la mamelle. Cela permet de détecter une congestion, une mammite de mise-bas, des trayons bouchés. Tirer un ou deux jets de lait (de préférence dans un récipient) permet de vérifier la disponibilité du colostrum pour l’agneau ainsi que son aspect pour la détection des mammites.
Les congestions mammaires qui empêchent la libération du lait peuvent être nettement diminuées par l’emploi de spécialités homéopathiques sous forme buvable ou par des compléments alimentaires à base de plantes.
Il va sans dire qu’il est impératif d’avoir une bonne hygiène de la litière, en particulier dans les cases d’agnelage, en paillant régulièrement en quantité suffisante et en limitant l’humidité (avec l’emploi d’un asséchant litière par exemple). Cela évitera l’accumulation de trop de germes sur les trayons qui pourraient contaminer l’agneau. Le sphincter du trayon ne se refermant pas de suite après la tétée, cela limitera également la remontée de germes dans la mamelle.
Les mammites
Les mammites chez la brebis allaitante surviennent classiquement à 3 périodes qui sont l’agnelage, le deuxième mois de lactation et le sevrage. Elles peuvent être visibles, on parle de mammite clinique, ou évoluer à bas bruit et on parle alors de mammites sub-cliniques ou encore chroniques.
A l’agnelage, il s’agit le plus souvent de mammites cliniques dues à des pasteurelles ou des colibacilles : on a alors une modification de l’état général de la brebis avec hyperthermie, congestion de la mamelle et modification du lait. Ces formes doivent rester rares. Si elles concernent subitement plus de 10 brebis, il peut y avoir un problème d’ambiance dans le bâtiment.
Les mammites gangréneuses, dues le plus souvent à des staphylocoques dorés ou des pasteurelles peuvent survenir à l’agnelage ou plus tard pendant la lactation. L’état de la brebis est alors fortement dégradé, le pis est chaud et douloureux puis violacé et froid. Tout ou partie de celui-ci peut se détacher. Sans traitement, la brebis risque de mourir.
En fonction des régions, on peut également rencontrer deux autres types de mammites : des mammites atrophiques avec absence de lait dues à des mycoplasmes ou des mammites induratives avec «pis de bois» et un ralentissement de la croissance des agneaux, le tout pouvant être associé dans l’élevage à des signes articulaires et/ou pulmonaires dans le cas du Visna-maedi.
Mais le plus souvent chez les brebis allaitantes, les mammites sont discrètes (sub-cliniques) : la brebis n’est pas malade, le pis peu ou pas douloureux, le lait n’est pas modifié. Le signe principal est une diminution de la production de lait et donc des agneaux qui ont faim, tètent souvent en donnant des coups de tête ce qui agace la brebis, qui volent et qui ne «profitent» pas vite. Le pis présente alors souvent en fin de lactation des indurations à la palpation. Ces mammites peuvent aussi se développer pendant la phase sèche si le tarissement s’est mal réalisé.
Les facteurs de risques de développement des mammites sont variés : sur des brebis au champ, le froid, un sol humide et boueux peuvent fragiliser les pis, une ration trop riche en matière azotée, l’ecthyma présent sur les trayons ou les staphylococcies cutanées, parfois douloureux, avec rétention de lait.
Les traitements :
Pour les mammites cliniques, il faut le plus souvent administrer un antibiotique par voie générale (et /ou intra-mammaire). En cas de forte inflammation et/ou d’état général dégradé, associer un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam, flunixine, acide tolfénamique) et une crème décongestionnante. On peut également utiliser des spécialités homéopathiques en première intention ou en soutien du traitement allopathique. La récupération du pis n’est jamais garantie ; il est prudent de réformer les brebis pour éviter de se retrouver à l’agnelage suivant avec une brebis n’ayant qu’un côté fonctionnel pour deux agneaux à nourrir.
Les mammites subcliniques présentes au moment du sevrage, peuvent être en partie guéries pendant la période sèche par un traitement le jour du sevrage soit par voie générale soit par voie locale (deux spécialités ont une AMM ovine).
Pour les antibiotiques par voie générale, attention au choix des molécules ! ! !
Les spécialités à base de tétracyclines sous forme longue action sont certes pratiques mais ne sont pas les plus efficaces sur les mammites. Il faut préférer des molécules qui diffusent bien dans la mamelle comme la spiramycine (avec AMM ovine) et lui associer des pénicillines en cas de mammite gangréneuse.
Si vous souhaitez utiliser la voie intra-mammaire, il faut impérativement respecter quelques précautions d’usage : vous laver les mains, nettoyer l’extrémité de chaque trayon avec une lingette (souvent fournie avec les seringues intra-mammaires), introduire délicatement l’embout dans l’orifice du trayon et injecter lentement.
Il faut utiliser UNE seringue PAR DEMI-MAMELLE !
Il est préférable d’effectuer enfin un trempage des trayons avec un antiseptique à base d’iode ou de chlorhexidine.
Tous les soins abordés ici devrait permettre de préserver le potentiel laitier des brebis. Encore faut-il avoir ce potentiel, c’est à dire ne pas avoir oublié dans votre schéma de sélection de garder les caractères qualités maternelles et production laitières, tout aussi importants que la conformation !