Le botulisme à la loupe

Le botulisme est une maladie ubiquitaire due à l’action de la neurotoxine produite par Clostridium botulinum :

- Bactérie Gram + anaérobie stricte (phase de croissance uniquement en l’absence d’oxygène),

- Forme en bâtonnet.

- Microorganisme tellurique dans sa phase de dormance : présence dans les sols, sédiments, poussières et lisiers. Présence occasionnelle dans le tube digestif d’animaux asymptomatiques ainsi que de l’homme,

- Résistance sous sa forme sporulée pendant plusieurs années dans l’environnement à l’abri de la lumière. Résistance de la bactérie à la congélation,

- Sensibilité des spores à la plupart des désinfectants ainsi qu’à la combinaison de hautes pressions avec un traitement thermique.

Le botulisme à la loupe


La toxine botulique est le poison le plus puissant connu à ce jour puisqu’elle est mortelle dès l’injection de 100 nanogrammes à 1 microgramme chez l’humain adulte, respectivement 70 microgrammes par voie orale soit 1 microgramme par kilo de poids corporel. Elle comporte 7 toxinotypes décrits par les lettres de A à G, chacun ayant une pathogénicité particulière et atteignant des espèces différentes. 

Ils ont également une répartition géographique variable, le type B se situant notamment en Europe et à l’Est de l’Amérique du Nord : toutefois, compte tenu des échanges entre continents, la répartition devient plus globale, surtout pour les types A et B. Le climat semble jouer un rôle puisque l’on trouve les toxinotypes C et D plutôt dans les régions chaudes respectivement en saison estivale dans les pays à climat tempéré. 

On retrouve surtout le type C et D chez les animaux, rarement le E chez les volailles :

- Humain : toxinotype A - B - E (parfois C et F)

- Bovin, palmipède : toxinotype D surtout

- Oiseau, vison : toxinotype C

- Chien : toxinotype C et D

L’optimum de température de développement pour Clostridium botulinum se situe entre 30-35 et 40°C, avec une production de toxine botulique dès 10 à 15°C selon le toxinotype. Une attention particulière doit être portée à C, botulinum type E qui peut se développer dès une température de 2 à 3°C et produire la toxine type E dès 3°C minimum. 

Diagnostic 

- Autopsie : absence de lésion typique.

- Recherche de la toxine : test de létalité sur souris et typage de la toxine par utilisation de sérum neutralisant spécifique de chaque toxinotype.

- Recherche de la bactérie Clostridium botulinum 

- Par culture

- Par PCR :

Sur foie dans le cas des volailles.

Sur intestin grêle avec contenu liquide (ou foie, vésicule biliaire, contenu du rumen ou rectum et colon, fécès).

Recherche toxinique éventuellement dans l’aliment, l’eau de boisson ou la litière : uniquement effectuée dans des conditions de sécurité strictes afin de protéger les laborantins opérateurs du risque d’ingestion de la toxine !


Attention, déclaration obligatoire des cas non humains à la DDCSPP pour toute espèce !

Botulisme chez les ruminants

La voie de contamination la plus courante est la toxi-infection par de la terre ou du fourrage porteurs de Clostridium botulinum. 

L’intoxination reste possible par ingestion d’aliment souillé (fourrage comportant un cadavre pris dans la botte par ex) ou d’eau contaminée par un cadavre. Il existe un risque de transmission par épandage sur les pâtures ou par dispersion aérienne depuis les parcelles voisines (litière provenant d’une exploitation contaminée par ex).

Le botulisme chez le bovin est caractérisé par une paralysie flasque sans fièvre, avec réflexes et sensibilité conservés !


4 formes de botulisme chez le bovin en fonction de la quantité de toxine ingérée :

- Suraigu : paralysie flasque symétrique induisant un décubitus latéral, mort en quelques heures.

- Aigu : commence par la paralysie des muscles de la tête avec difficulté à déglutir et langue pendante, mydriase (augmentation du diamètre de la pupille). Il y a ensuite paralysie du reste du corps, avec difficulté locomotrice, puis décubitus sterno-abdominal suivi d’un décubitus latéral, la mort survenant par asphyxie via la paralysie des muscles ou une fausse route.

- Subaigu : forme atténuée avec selon les cas une évolution vers la mort ou la guérison qui prendra plusieurs semaines.

- Chronique : forme légère, avec principalement difficulté locomotrice.


Prévention 


- Ultravac Botulinum : ATU* en France, seul vaccin bovin - ovin, utilisé en général dans le cadre d’un foyer de botulisme. Primovaccination avec deux injections espacées de 4 à 6 semaines et rappel annuel : immunité dès 4 semaines après la première injection. 


Botulisme chez les oiseaux

La maladie peut atteindre l’avifaune comme les volailles de chair ou de ponte. 

La contamination des volailles se fait :

- Via un sol de terre battue ou une dalle béton fissurée laissant remonter des spores.

- Par picorage de cadavre, matière en décomposition en anaérobie qui représente un milieu de culture idéal pour la bactérie.

- Par consommation d’eau contaminée.

- Via un parcours extérieur contaminé.


Symptômes 

- Paralysie flasque ascendante : elle débute par les pattes avec ataxie, boiterie, puis atteint le reste du corps avec typiquement les ailes et les paupières tombantes. Les oiseaux reposent en décubitus sternal avec les ailes étendues en croix.

- Autres symptômes associés possibles : diarrhée, régurgitation, frilosité, difficulté respiratoire.

- La morbidité (nombre d’animaux touchés par la maladie par rapport au nombre total d’animaux du lot) et la mortalité (nombre de morts par rapport au nombre de malades) dépend de la quantité de toxine présente dans l’organisme atteint. La mort intervient rapidement, prenant de un jour à une semaine. La mortalité peut atteindre 100 % en élevage de dinde !

- Attention, la mort par noyade est possible pour les oiseaux d’eau !


Prévention 

- Ramassage et stockage des cadavres.

- Volaille à fort GMQ particulièrement à risque.

- Attention en cas d’historique de botulisme sur l’exploitation, risque de récidive.

- Aucun vaccin avec AMM en France en volaille.


Cas particulier des poules pondeuses :

- La sensibilité des volailles au botulisme diminue avec l’âge.

- Absence de transmission verticale : en cas de toxi-infection, présence de clostridie sur la coquille mais pas dans l’œuf.   La contamination humaine par les œufs est considérée comme négligeable à nulle car il n’y a pas de toxine dans l’œuf.

- Attention à la persistance de la bactérie plusieurs mois sur le circuit de ramassage des œufs.

Botulisme humain

Le botulisme chez l’homme est mortel dans 5 à 10 % des cas selon le toxinotype et la rapidité de la prise en charge médicale : les types A et E provoquent les formes les plus graves, le toxinotype A induisant rapidement l’insuffisance respiratoire la plus sévère. C’est une maladie à déclaration obligatoire, le Centre national de référence des bactéries et du botulisme de l’Institut Pasteur étant en charge de l’analyse des échantillons humains et vétérinaires.


Trois types de botulisme :

- Botulisme de l’adulte par ingestion d’aliment contaminé

Le plus fréquent. Les symptômes sont de sévérité variable au sein d’un foyer de contamination : la maladie commence par les yeux avec un défaut de vision (mauvaise accommodation par paralysie des muscles la contrôlant, vision floue), une bouche sèche avec difficulté à déglutir et à parler. Des troubles digestifs peuvent également survenir, avec diarrhée et vomissement. Viennent ensuite parésie puis paralysie flasque symétrique des muscles des membres et de la respiration sans fièvre ni perte sensorielle. La mortalité intervient par suffocation suite à la paralysie des muscles respiratoires.


- Botulisme infantile 

il s’agit chez le nourrisson de 0 à 12 mois d’âge d’une toxi-infection par l’intestin suite à l’ingestion de miel ou l’inhalation de poussières contaminés par des spores (entre 10 et 100 spores sont suffisants pour déclarer la maladie). Ce botulisme est caractérisé par une anorexie, la perte du contrôle de la tête, l’altération des cris ainsi qu’une constipation ; la paralysie est suivie d’une insuffisance respiratoire.


- Botulisme provoqué par la contamination d’une blessure

Les symptômes vont comprendre la paralysie des yeux, des troubles de la déglutition et la paralysie flasque des membres.


Traitement :

- Antibiotique dans le cas du botulisme du nourrisson : l’objectif est d’éliminer les clostridies présentes dans l’intestin. Ce traitement est inutile dans le cas d’une intoxination (ingestion de toxine)…

- Sérothérapie : anticorps neutralisant la toxine botulique, efficace uniquement si administration dans les 24 heures suivant l’apparition des symptômes.

- Symptomatique : en soins intensif selon la sévérité, avec assistance respiratoire pour pallier à paralysie des muscles.

La guérison intervient en l’espace de quelques semaines jusqu’à des mois, si la maladie est prise à temps.


Prévention 

- Respect des règles d’hygiène lors de la préparation et de la conservation des aliments : les spores sont présentes dans les matières premières, parfois également dans les épices ou condiments. L’objectif est d’éviter la germination et le développement de Clostridium botulinum dans les conserves, respectivement la recontamination après stérilisation par la bactérie, permettant d’empêcher la production de la toxine.

- Stérilisation impérative au-delà de la température d’ébullition : attention à la température de cuisson et de stérilisation avec un minimum de 3 minutes à 121°C permettant de diviser la population bactérienne d’un facteur 10. Attention également au pH notamment : les conserves peu acides sont particulièrement à risque !

- En cas de salaison, respecter la concentration en sel ainsi que le temps de saumurage.

- Eviter la consommation de conserves ayant gonflé ou dégageant une odeur suspecte à l’ouverture : la production de gaz en anaérobie est typique des clostridies, pouvant montrer que l’aliment est à risque de contenir des toxines botuliques. De même, un bruit d’entrée d’air doit impérativement se faire entendre lors de l’ouverture de bocaux !

- Respect de la chaîne du froid en cas de préparation non stérilisée.

- Eviter la consommation de miel chez le nourrisson de moins d’un an.

- La toxine botulique est stable dans les aliments sur une longue période à température ambiante. Par contre, elle est thermolabile et ne résiste pas à la cuisson !

Il existe des cas liés à la consommation de conserves familiales, artisanales voir rarement industrielles. Les denrées les plus souvent retrouvées dans les cas de botulisme sont :

- Les conserves de végétaux : contamination par les spores présentes dans le sol.

- Les salaisons, jambon cru, charcuterie, pâté et saucisses. 

(Le sel nitrité est l’inhibiteur de croissance le plus efficace contre la bactérie !)

- Le poisson salé, séché, mariné et emballé sous vide.

- Le miel dans le cas du botulisme infantile.


*Autorisation Temporaire d’Utilisation


Maya Diehl

Dr vétérinaire