- Par AP
Le piétin, une maladie multifactorielle
Le piétin est une maladie multifactorielle
Le piétin est une maladie bactérienne contagieuse chez les ovins et les caprins, causée par une bactérie, Dichelobacter nodosus, en association avec un certain nombre d’autres bactéries dont la plus importante est Fusobacterium necrophorum. La présence du piétin dans un élevage entraîne des pertes économiques importantes dues, entre autres, à une baisse de fertilité des brebis, à de faibles taux de croissance des agneaux, mais également aux conséquences de surinfections par les myiases, plus particulièrement Wohlfartia magnifica, dont l’émergence en zone de plaine est maintenant décrite, plus particulièrement dans le Sud-Vienne (voir article à paraître dans cette rubrique en juillet prochain). Dans les troupeaux infectés, les coûts liés à la lutte contre la maladie sont très importants. Chez les bovins, une maladie équivalent existe, appelée Maladie de Mortellaro.
Le développement du piétin du mouton dépend de facteurs infectieux et environnementaux. Fusobacterium necrophorum est une bactérie très résistante dans le milieu extérieur, dont la croissance peut être favorisée par la présence d’autres germes. Dichelobacter nodosus ne peut pas, elle, survivre dans l’environnement pendant plus de quelques jours, même dans les conditions les plus favorables. Elle peut persister
par contre pendant de nombreuses années dans les pieds de moutons infectés, même dans des conditions sèches. Elle ne pourra s’établir que si les conditions sont réunies pour le développement de la dermatite entre les onglons, elle-même initiée par Fusobacterium necrophorum.
Dichelobacter produit une toxine responsable de l’odeur putride caractéristique du piétin et des lésions graves du pied qui y sont liées.
Le piétin s’implante dans un troupeau sain par l’introduction d’animaux infectés.
Les trois principaux facteurs environnementaux et d’élevage qui favorisent son développement et son extension au reste du cheptel sont :
- une température moyenne de 10°C,
- l’humidité des litières ou des pâtures,
- les densités et les chargements élevés.
Les symptômes et les lésions évoluent par étapes (voir photos)
Le développement et l’importance de ces lésions dépendent :
- des souches de bactéries responsables présentes,
- de la sensibilité de l’hôte : les jeunes agneaux sont généralement plus sensibles que les moutons plus âgés, les races à sang mérinos sont plus sensibles que les autres races...
- des carences alimentaires rendant la corne plus fragile, particulièrement le zinc et les acides aminés soufrés,
- de facteurs environnementaux et d’élevage (voir précédemment),
- de synergies infectieuses avec d’autres bactéries présentent entre les onglons.
Il existe de nombreuses souches de Dichelobacter nodosus dont la nature influe sur la sévérité de la maladie qui en résulte. Dans de nombreux troupeaux, plusieurs souches peuvent cohabiter. Les souches bénignes causent habituellement des lésions qui sont de nature transitoire avec une perte économique minime. Les souches virulentes provoquent des lésions chroniques et sévères associées à de fortes boiteries, des pertes de production et, dans les cas graves, des mortalités.
Traitement et prévention du piétin
Des techniques à associer
Le traitement puis l’éradication du piétin nécessite d’associer différentes interventions et différentes techniques. Sans cette association, il est quasiment impossible de se débarrasser de la maladie.
- Parage complet des pieds avec élimination de la corne lésée,
- Application locale de produit d’hygiène à action antiseptique et cicatrisante, par pulvérisation (0110031) ou au pinceau (0110075),
- Traitement par voie générale : antibiotique (érythromycine) ou homéopathique.
- Passage au pédiluve : Pédiluve couloir de nettoyage (eau simple) puis pédiluve de stationnement avec solution active puis passage sur zone d’égouttage propre :
- 0104349 dilution à 5% et maintien des animaux pendant 3 minutes. Réaliser 3 passages à une semaine d’intervalle chacun,
- 0104102 : mélange Sulfate de cuivre + Sulfate de zinc + Permanganate de potassium ; dilution à 4 kg / 100 l, maintenir les animaux 15 minutes dans le pédiluve.
Réaliser 3 passages la première semaine, puis 2 la seconde et un par semaine ensuite,
- Réforme des animaux récidivants,
- Supplémentation de l’alimentation en zinc : 0200150 bloc de sel enrichi, ou 0200484 minéral à lécher en complément d’un bloc de sel classique,
- Assèchement des litières,
- Vaccination : demander conseil à votre vétérinaire.
Essai d'un pédiluve sec
Un essai est mis en place le 20 août 2015 pour tester l’utilisation du 0200607 en pédiluve sec. Ce produit est censé assécher les lésions du pied permettant ainsi de stimuler le développement des bactéries
favorables saprophytes de la peau, qui entrent en compétition avec les bactéries responsables des pathologies du pied. La baisse du pH à 3.5 permise par le 0200607 rend également le milieu du pied moins favorable au développement des bactéries pathogènes qui se développent préférentiellement à un pH plus basique, entre 6 ou 7.
Un lot de 120 agnelles (Elevage du Trait Pointu - 86500 Montmorillon) est choisi pour cet essai, en raison des difficultés habituelles à faire passer ces jeunes animaux dans un pédiluve liquide classique (reflet du liquide, bruit au passage...). Dans ce lot, deux agnelles présentent des boiteries et des lésions qui sont parées avant le premier passage au pédiluve (voir photo 1).
Trois sacs de 0200607 de 15 kg sont épandus dans un pédiluve bétonné sur une longueur de 3 m et une épaisseur de 6 à 8 cm (voir photo 2). Le produit est légèrement pulvérulent à l’épandage avec une légère odeur irritante, sans commune mesure cependant avec l’odeur et l’agressivité des pédiluves à base de formol.
Le passage des agnelles est aisé, sans précipitation et ne pose aucun problème pour ces animaux qui n’étaient jamais passés dans un pédiluve (voir photos 3 et 4). Un simple passage dans le pédiluve est effectué, sans stationnement. Le produit colle légèrement aux onglons alors que les conditions climatiques en ce début d’essai sont extrêmement sèches.
L’essai se déroule sur 4 semaines, à raison de 2 passages au pédiluve par semaine les 3 premières semaines puis 1 passage seulement la quatrième semaine. En milieu d’essai, 3 nouveaux sacs de 0200607 sont ajoutés pour recharger le pédiluve.
Au cours de l’essai, il est noté que :
- les animaux passent toujours aussi facilement dans le pédiluve tout au long de l’essai,
- en conditions climatiques plus humides, le produit colle encore mieux aux onglons (voir photo 5),
- entre deux passages, la poudre dans le pédiluve forme une légère croûte dans ces conditions humides, due à l’hygroscopie du produit. Il suffit de passer un râteau dans la poudre pour la foisonner et la remettre en «état»,
- la poudre se salit peu dans le pédiluve au fil des passages des brebis (voir photo 6) ; le nettoyage des quelques saletés est très aisé avec une pelle.
Après 4 semaines, un contrôle des lésions parées au début de l’essai est réalisé. Ces lésions sont asséchées et en voie avancée de guérison (voir photo 7). Il n’y a pas eu de réapparition d’autres boiteries durant cette période sur les animaux présents au début de l’essai.
En conclusion :
- les lésions des pieds constatées ont évolué positivement durant l’essai, aucune autre lésion n’est apparue sur cette période, et ceci par passage dans le pédiluve sans stationnement,
- le pédiluve sec permet un passage facilité de jeunes agnelles au pédiluve,
- une zone «pédiluve» rudimentaire peut suffire, sans besoin d’étanchéité (exemple : bâche entre bastaings), sans être forcément précédée d’un pédiluve de nettoyage. Il faut cependant disposer d’une zone couverte ou recouvrir le pédiluve entre les passages.
Selon les lésions, 0200607 est conseillé en 1 à 2 passages par semaine pendant 1 mois et en 1 passage par mois en prévention. Il peut aussi être épandu sur les zones de passage régulier bétonnées (100 g/ m²), où il détruit à la fois le biofilm glissant et permet une application supplémentaire sur les onglons.