- Par Maya Diehl
Le tétanos Rare, mais à prendre au sérieux
La maladie est connue depuis 4000 ans au moins, puisqu’une première description chez la femme est notifiée dans le papyrus de KAHUN en 2000 avant JC, en tant que « contraction des mâchoires s’étendant à la partie postérieure du corps ». Le tétanos ainsi que sa position corporelle typique ont été décrits chez l’homme par Hippocrate quelques 500 ans avant JC. Le germe a été découvert par Arthur Nicolaier en 1885, et les formes végétatives et sporulées ont été produites en culture par Shibasaburo Kitasato en 1889. La toxine, elle, a été isolée en 1890 par Knud Faber.
Cette maladie ubiquitaire est liée à la toxine produite par Clostridium tetani :
- Bactérie Gram + anaérobie stricte (phase de croissance uniquement en l’absence d’oxygène).
- Spore terminale donnant une apparence de baguette de tambour ou de raquette.
- Présence dans le tube digestif des animaux, notamment les herbivores, ainsi que de l’homme.
- Microorganisme tellurique dans sa phase de dormance : présence dans les sols contaminés par les excréments.
- Résistance sous sa forme sporulée pendant plus de 30 ans dans l’environnement à l’abri de la lumière. Résistance également à l’alcool et au formaldéhyde.
- Sensibilité à l’iode, au péroxyde d’hydrogène, au glutaraldéhyde ou au passage en autoclave sous atmosphère humide.
La toxine comporte deux constituants :
- Tétanolysine : cardiotoxique, provoquant hémolyse et nécrose des tissus.
- Tétanospasmine : toxicité neurologique car elle empêche la libération d’un inhibiteur des synapses des neurones moteurs. Sans l’inhibiteur, les muscles réagissent de façon exagérée par des spasmes et contractures.
La toxine atteint les neurones présents au niveau de la plaie d’origine. Elle peut diffuser par ces neurones, mais également par le sang et le système lymphatique, pour atteindre la moelle épinière et le système nerveux central.
Tétanos humain
Description :
35 cas humains en France ont été déclarés et hospitalisés entre 2012 et 2017, dont 8 mortels. 7 de ces cas ont été provoqués par des lésions chroniques tels qu’ulcère variqueux ou moignon d’amputation mal protégé. Les autres sont issus de blessures dues notamment à des travaux de jardinage. 71% de ces 35 malades avait plus de 70 ans, mais 3 cas ont concerné des enfants entre 3 et 8 ans : le statut vaccinal était soit inconnu, soit incomplet ou absent, aucune vaccination n’ayant été effectuée pour 2 des 3 enfants !
Des séquelles ont été observées après guérison chez 12 des 35 patients, dont les 3 enfants : difficulté motrice, rétractation musculaire et complication ostéoarticulaire.
En France, la maladie a régressé avec la mise en place de la vaccination chez le nourrisson dès 1940. On comptait encore 500 cas en 1960 chez les adultes non vaccinés.
Le tétanos est une maladie individuelle, il n’y a pas de transmission entre individus.
La maladie ne confère aucune immunité protectrice : il n’y a donc aucune possibilité d’immunité de groupe, et seule la primovaccination suivie de rappels réguliers permet de supprimer le risque.
L’infection reste limitée au site de la lésion de départ, dans les tissus nécrosés ou très peu vascularisés qui permettent l’absence d’oxygène donc des conditions d’anaérobie favorables au développement de la bactérie.
L’incubation est de 4-5 jours à 4 semaines.
4 formes de tétanos :
- Tétanos localisé : spasmes et contractures localisés à une région musculaire autour de la lésion. Une guérison est possible, mais il y a évolution la plupart du temps vers une forme généralisée.
- Tétanos cérébral : en cas de lésion à la tête ou au cou, les symptômes ne sont pas caractéristiques du tétanos, et sont générés en fonction des nerfs crâniens touchés. Il y a là aussi le plus souvent évolution vers la forme généralisée.
- Tétanos généralisé : voir symptômes ci-dessous.
- Tétanos néonatal ou tétanos du nourrisson et tétanos maternel :
-Tétanos néonatal : par manque de soins du cordon ombilical à la naissance et les jours suivants, contracté pendant les 28 premiers jours de vie.
-Tétanos maternel : contracté pendant la grossesse et dans les 6 semaines qui suivent l’accouchement. Souvent provoqué par un manque d’hygiène lors de l’accouchement chez les femmes non vaccinées.
Selon l’OMS, le tétanos du nourrisson faisait environ 34 000 morts en 2015 alors qu’en 1988 on dénombrait 787 000 décès : les progrès sont dus à l’amélioration mondiale de la vaccination des femmes et des nourrissons (lancement de l’éradication mondial du tétanos néonatal par l’OMS en 1989). Par contre, une augmentation du nombre de cas est observée chez les adolescents et les hommes adultes liée à la pratique de la circoncision : cela serait dû à l’absence de rappel régulier après la vaccination chez l’enfant.
Symptômes
- Commence par un trismus : contracture des muscles de la mâchoire, et de la face, aboutissant au « rictus sardonicus » typique du tétanos. La bouche ne pouvant plus s’ouvrir, cela conduit à une incapacité à s’alimenter, et à un risque de fausse route par paralysie du pharynx.
- Spasmes et contractures des muscles squelettiques au niveau du dos, de l’abdomen et des membres pouvant aller jusqu’à la fracture, déclenchés par des stimuli extérieurs comme lumière, bruit, toucher.
- Position typique : dos cambré, jambes tendues, bras fléchis, poings serrés, tête balancée vers l’arrière.
- Maux de tête, convulsions.
- Fièvre.
- Tachycardie, arythmie cardiaque, hypertension artérielle pouvant conduire à l’arrêt cardiaque.
- Difficulté respiratoire par atteinte des muscles laryngés (spasme laryngé avec obstruction des voies respiratoires) et muscles respiratoires.
- Mortalité en l’absence de traitement démarré suffisamment tôt.
Il est à noter que sans sédation, le malade reste conscient tout au long de la maladie, en supportant des douleurs extrêmes.
Diagnostic
- Par la clinique : trismus (rictus sardonicus), contractures musculaires douloureuses.
- Chez le nourrisson : par définition de l’OMS, maladie survenant chez un bébé qui tête et pleure normalement au cours des deux premiers jours de vie, mais qui perd cette capacité entre le 3ème et le 28ème jour en présentant raideur et spasmes musculaires.
Traitement
2 axes :
1) Spécifique à la maladie :
- Sérum antitétanique humain : ne fixe que les toxines libres. (Attention, risque de choc anaphylactique si sérum antitétanique d’origine animale).
- Antibiotique (pénicilline) : élimination de la bactérie.
- Vaccination avec anatoxine : développement de la protection immunitaire active contre la toxine.
2) Non spécifique = symptomatique :
- Myorelaxant : benzodiazépines en première intention, curarisant éventuellement.
- Sédatif.
- Réanimation respiratoire artificielle : via intubation ou par trachéotomie.
- Soins des plaies à l’origine de l’infection, pas de pansement occlusif (sinon risque d’un milieu anaérobie favorable à la bactérie).
Prévention
Par un protocole vaccinal
- Primovaccination du nourrisson avec une injection à 2 mois, 4 mois puis 11 à 12 mois d’âge.
- Rappel à 6 et 12 ans (entre 11 et 13).
- Rappel à minima à 25, 45 et 65 ans.
- Rappel tous les 10 ans à partir de 65 ans, l’immunisation obtenue chez les séniors étant moins efficace dans la durée (immunosénescence).
En cas de blessure profonde
- Lavage de la plaie en cas de contamination par de la terre, désinfection, pas de pansement occlusif qui favorise un milieu anaérobie !
- Si vaccination à jour, pas de mesure particulière supplémentaire.
- Absence ou retard de vaccination : mise en place de la vaccination, et injection de sérum antitétanique humain en cas de plaie contaminée.
Tétanos chez l’animal
La maladie se déroule de manière identique chez les mammifères, avec toutefois des différences de sensibilité et de sévérité entre espèces.
Chien et chat
Les carnivores sont moins sensibles au tétanos que d’autres mammifères : ainsi, le chien y est 600 fois moins sensible que le cheval.
On distingue 4 niveaux :
Premier niveau : les symptômes sont
- Hypersalivation, difficulté de la prise alimentaire = dysphagie.
- Protrusion de la membrane nictitante = 3ème paupière qui devient visible.
- Enfoncement du globe oculaire dans sa cavité = enophtalmus
Il y a évolution vers une symptomatique défavorable dans 50% des cas.
Deuxième niveau
Il est caractérisé par une rigidité généralisée du corps ou une dysphagie accompagnée ou non de signes faciaux
Troisième niveau
Décubitus latéral, convulsions
Quatrième niveau
Anomalies du rythme cardiaque, de la pression artérielle et de la respiration, associées à des symptômes des niveaux précédents
Le pronostic est d’autant plus réservé que l’animal se situe à un niveau élevé.
Le traitement est identique que chez l’humain, avec l’exception du sérum antitétanique qui doit être adapté : le sérum humain ne convient pas, il y a risque de choc allergique (et vice-versa).
Cheval
C’est le mammifère le plus sensible au tétanos.
On distingue 3 formes :
- Forme aiguë : sudation, contractions et spasmes musculaires généralisés, détresse respiratoire et mort dans les 12 à 48 heures.
- Forme subaigüe : incubation courte, démarrage de la maladie par une raideur de la démarche, une difficulté à tourner et reculer, l’incurvation de la queue ainsi que des coliques.
Ensuite, tous les symptômes décrits précédemment dans les autres espèces interviennent, avec une position des membres typiques en chevalet (= cheval de bois).
- Forme chronique : évolution plus lente que les formes précédentes, localisée ou généralisée. Il y a soit évolution vers une forme aigüe, soit guérison après plusieurs semaines.
Le pronostic est très réservé, avec 80 % de mortalité ! De plus, des séquelles peuvent subsister après guérison.
Prévention
Prévention possible et très recommandée par la vaccination (par exemple TETAPUR® en vaccin seul, PROTEQFLU® TE ou EQUIP FT® en combiné grippe) :
- Sérum antitétanique à la naissance du poulain, si la mère est non vaccinée ou douteuse.
- Primovaccination du poulain à 3 et 4 mois s’il est issu d’une mère vaccinée.
- Rappel à un an, puis tous les 3 ans ou en cas de blessure, si vaccin antitétanique non combiné avec d’autres valences.
Petits ruminants
L’incubation est de 10 jours en moyenne après la lésion initiale, pouvant aller jusqu’à 4 semaines.
La symptomatique débute par des spasmes et contractions musculaires localisées au niveau de la lésion, avec raideur de la démarche si lié à la caudectomie, ou 3ème paupière = paupière nictitante tombante si lié au bouclage de l’oreille.
Il y a ensuite aggravation des symptômes jusqu’au décubitus latéral avec raideur des membres typiquement en chevalet, oreilles dressées, trismus et incapacité à s’alimenter.
La mortalité survient par détresse respiratoire et arrêt cardiaque.
Prévention
- Désinfection des cordons, des boucles à la pose, soin des plaies à la caudectomie.
- Hygiène de la litière.
- Sérum antitétanique et/ou antibiotique à la naissance et avant tout acte à risque ou en cas de blessure, en particulier dans les exploitations sensibles (présence de cas).
- Protection passive pendant le premier mois de vie par la vaccination des mères avec rappel 3 semaines à un mois avant mise-bas avec les vaccins prévenant les entérotoxémies (MILOXAN – BRAVOXIN – COVEXIN – COGLAVAX - TASVAX par exemple).