- Par Thierry Duclairoir
Les affections cutanées de la tête chez les ovins
Ces pathologies sont fréquemment rencontrées en élevage ovin. Leurs origines sont très nombreuses , nous n’envisagerons ici que les plus souvent observées.
Affections parasitaires
Les gales :
- la gale sarcoptique : due à Sarcoptes scabiei, contagieuse et transmise par contact direct elle se limite essentiellement à des lésions croûteuses et du prurit sur la face (paupières, oreilles, lèvres, pourtour des naseaux) ; la présence de nombreuses croûtes sombres sur la face a donné le nom de «noir museau» à la maladie.
Le diagnostic est confirmé par la mise en évidence du parasite après grattage des lésions et examen microscopique.
Le traitement est le plus souvent réalisé par injection d’un endectocide (Ivomec ND, Baymec ND , Dectomax ND , Cydectine ND .... )
- la gale psoroptique : Encore appelée gale du corps c’est la forme la plus grave de gale ; elle est due à Psoroptes ovis.
Très contagieuse elle se caractérise par du prurit et des lésions croûteuses sur tout le corps ; la généralisation et l’aggravation font apparaître des lésions sur la tête.
Le diagnostic est fait par recherche du parasite au microscope sur du produit de grattage des lésions débutantes. On peut faire appel à un examen sérologique (recherche d’anticorps) si la maladie évolue depuis plus de 3 semaines.
Le traitement est effectué soit par bain ou douche avec un acaricide (Dimpygal ND, Sebacil ND, Butox 50 °/°°ND....), soit par injection d’un endectocide comme pour la gale sarcoptique en respectant bien posologie, voie et rythme d’administration.
La teigne :
Cette affection est due à un champignon parasite externe : Trichophyton (mentagrophytes ou verrucosum). La contamination est essentiellement directe et se produit surtout lors de rassemblement d’animaux (foires, centres de tri, centres d’insémination... ), ou lors de l’achat et de l’introduction d’un animal teigneux. Mais une contamination indirecte existe dans un bâtiment contaminé, par l’intermédiaire des murs, cloisons mobiles, mangeoires, râteliers, litières car les spores de ce champignon sont très résistantes dans le milieu extérieur.
La maladie passe souvent inaperçue au départ : minuscules dépilations éparses. Les lésions siègent essentiellement sur la tête puis sur les flancs. Elles sont grisâtres, rondes en emporte-pièce bien délimitées et en surélévation au départ ; lorsque les croûtes se détachent elles laissent apparaître une peau épaissie. Le prurit est inexistant, l’animal ne semblant pas affecté par les lésions. La guérison est souvent spontanée à la mise à l’herbe.
Le diagnostic est fait par examen microscopique et mise en culture au laboratoire.
En bergerie la teigne peut prendre un aspect épidémique avec généralisation des lésions sur tout le corps chez certains animaux. Il est alors nécessaire de réaliser un traitement par pulvérisation d’antifongique sur les animaux (Imaveral ND sans AMM pour le mouton) et une désinfection complète du bâtiment. L’apport de vitamines et de Zn peut être bénéfique.
Notons qu’une transmission à l’homme est possible.
Maladies infectieuses :
L’ecthyma
Cette maladie est due à un Poxvirus qui est très résistant dans le milieu extérieur et peut y survivre plusieurs mois ; il peut persister longtemps aussi au niveau des cicatrices et des lésions anciennes chez des animaux porteurs chroniques. L’ecthyma réapparaît régulièrement dans les troupeaux où s’établit petit à petit un équilibre avec le virus, la pathologie perd alors de sa virulence. Le virus peut persister d’un agnelage à l’autre (animaux mal guéris, densité animale trop importante). Des animaux nouvellement introduits peuvent être porteurs d’une souche virale différente de celle de l’élevage provoquant uneflambée de la maladie.
Les signes cliniques sont rencontrés essentiellement chez les agneaux provoquant des retards de croissance voire de la mortalité.
On distingue 3 formes principales :
- la forme classique à prédominance labiale fréquente ; après incubation de 6 à 8 jours on voit apparaître au bout des lèvres des papules se transformant en vésicules puis en pustules par surinfection bactérienne ; ces dernières se rompent, sèchent et forment des croûtes qui s’étendent sur tout le pourtour de la bouche, vers les ailes du nez et couvrent entièrement lèvres et gencives. Si l’évolution est normale ces croûtes sèchent et tombent en une quinzaine de jours laissant place à des cicatrices.
Chez la brebis on trouve des lésions de ce type au niveau de la mamelle (se compliquant de mammite) et éventuellement au niveau de la vulve.
- la forme buccale : les papulopustules sont observées essentiellement au niveau de la gencive et sur la langue. Ces papules s’ulcèrent, se nécrosent , deviennent bourgeonnantes empêchant l’agneau de s’alimenter ; les complications infectieuses entraînent souvent la mort.
- la forme papillomateuse : beaucoup plus rare dans laquelle on voit apparaître de véritables tumeurs en «chou-fleur» en différents endroits du corps qui peuvent se surinfecter. Le diagnostic est basé sur l’aspect et la répartition des lésions. La confirmation peut être faite par mise en évidence du virus au laboratoire à partir de croûtes.
Le traitement est essentiellement local avec application sur les lésions
de bombes ou spray cicatrisants (Phyt-AP Ecthymax), de glycérine iodée. Le recours à une antibiothérapie à large spectre permet de lutter contre les surinfections.La vaccination par voie intra-dermique au début de la maladie avec le vaccin Ecthybel ND permet d’accélérer la guérison. L’utilisation d’argile mise à disposition des agneaux qui y mettent le museau permet de faire sécher plus vite les lésions (Tym ND).
La prophylaxie pourra être réalisée par vaccination des brebis 2-3 semaines avant mise-bas avec le vaccin Ecthybel ND (voie intra-dermique plus efficace que la voie souscutanée). Il est possible aussi de vacciner les agneaux le plus rapidement possible, surtout dès qu’un cas apparaît. Il faut savoir que l’immunité engendrée par ce vaccin est de courte durée , il convient donc de ne pas négliger l’aspect sanitaire de la prophylaxie : désinfection annuelle de la bergerie et contrôle des litières (désinfectants).
Notons que l’ecthyma est transmissible à l’homme.
La fièvre catarrhale ovine (FCO)
Cette maladie qui a atteint de nombreux troupeaux en France il y a quelque années est due à un virus (Orbivirus , avec plus d’une vingtaine de sérotypes) qui est inoculé par un moucheron piqueur (genre culicoides) mais n’est pas contagieuse d’un animal à un autre. La morbidité (nombre d’animaux malades) va de quelques % à 100%. Dans la forme aiguë après une incubation de 6 à 7 jours, les premierssignes sont une forte hyperthermie (> 42°) pendant 4 à 8 jours avec abattement et anorexie. Puis apparaissent au niveau de la face des phénomènes congestifs, oedèmateux, hémorragiques et ulcèratifs : larmoiement, écoulement nasal, intense hypersalivation, oedème des lèvres, des narines, des paupières et de la langue qui peut être cyanosée (couleur bleue d’où le nom de maladie de la langue bleue). Des ulcères sur les muqueuses labiale, buccale, gingivale et nasale provoquent un jetage purulent et une salive sanguinolente.
On peut voir apparaître des boiteries, des avortements.
Au stade final une atteinte pulmonaire généralisée avec complications bactériennes provoque la mort des animaux.
Dans certaines formes les signes cliniques peuvent être plus atténués avec une évolution plus lente vers la mort ou une «guérison», mais avec rechutes possibles et fatales. L’exposition à une lumière solaire intense aggraverait la symptomatologie par photosensibilité des animaux.
Le diagnostic est essentiellement virologique par recherche du virus sur le sang d’animaux en phase de virémie ou sur la rate d’animaux morts récemment, avec sérotypage de la souche virale.
A l’autopsie certaines lésions sont caractéristiques de la FCO : péricardite fibrineuse avec atteinte hémorragique de l’artère pulmonaire , myosites avec aspect gélatineux des muscles.
Le traitement consiste en l’administration d’antipyrétiques et d’antibiotiques à large spectre afin de lutter contre les complications bactériennes ; mais les résultats sont souvent décevants et la mortalité
reste importante.
La prophylaxie est essentiellement médicale par vaccination du troupeau, plusieurs vaccins sont disponibles sur le marché contenant 1 ou plusieurs sérotypes. La lutte contre le vecteur (moucheron) par utilisation d’insecticides répulsifs sur les animaux est possible dès le printemps, mais le traitement doit être répété toutes les 4 à 6 semaines.
L’eczéma facial
Cette affection est due à l’ingestion de mycotoxines produites par un champignon microscopique (Pithomyces chartarens) qui se développe sur les végétaux morts dans certaines conditions de température et d’humidité. Elle survient à la fin de l’été au retour des pluies sur des pâtures desséchées ; elle est plus fréquente sur certaines parcelles dites à risque. Les mycotoxines ingérées sont toxiques pour le foie qui perd alors sa capacité de détoxification de certaines molécules qui s’accumulent dans l’organisme et sont responsables d’une photosensibilisation (réaction exacerbée aux rayons UV).
Dans les troupeaux atteints les cas apparaissent en général simultanément sur 1 à 3 jours mais n’affectent que peu d’animaux.
Les signes cliniques sont dus aux lésions cutanées de photosensibilisation : une inflammation oedèmateuse débute sur les zones peu lainées (tête essentiellement mais aussi vulve et mamelle) en général sur les oreilles, puis s’étend aux paupières, aux ailes du nez et progressivement à toute la tête. La peau est rouge, le prurit est intense et sous l’effet du grattage la peau s’épaissit, se fissure, se décolle avec la formation de croûtes ; les lésions deviennent suintantes par surinfection bactérienne.
L’évolution de l’état général de l’animal est fonction de l’intensité des lésions hépatiques ; la guérison est assez fréquente sauf si le foie est trop atteint ; on observe alors un ictère plus ou moins marqué, les animaux restent fragiles et l’on peut observer des mortalités tardives.
Le diagnostic est avant tout clinique : symptômes de photosensibilisation en fin d’été sur des pâtures à risque. Il est cependant possible de rechercher le champignon microscopique dans les matières fécales des
ovins.
Le traitement consiste en premier lieu à retirer les animaux des parcelles à risque et à les mettre à l’abri du soleil. Il n’y a pas de traitement spécifique, les malades recevront des corticoides, des antibiotiques contre les surinfections et des hépatoprotecteurs.
La prévention vise à éviter les pâtures identifiées à risque en fin d’été car les mesures agronomiques pour limiter la prolifèration du champignon sont lourdes à mettre en oeuvre. Il semble qu’une supplémentation en Zn du troupeau ait un effet préventif.