- Par Christelle Dubois-Frapsauce
Les mouches en élevage de ruminants
Les mouches représentent une nuisance majeure en élevage pour les animaux comme pour les éleveurs. Outre l’agacement et l’inconfort, les animaux sont agités et leur prise de nourriture est réduite et donc une diminution des productions peut apparaître. Pour l’éleveur, les manipulations (traite, soins…) sont plus difficiles voire dangereuses. Mais les mouches posent également des problèmes d’hygiène dans les locaux (traite et fromagerie en particulier). Enfin elles peuvent aussi transmettre des maladies ou être directement responsables de mortalités ou de forte dépréciation des animaux. Cela entraîne des frais et des manipulations pour les éleveurs ainsi que des pertes financières.
Quelles sont ces mouches ?
Voici les principales mouches rencontrées en France, leurs caractéristiques ainsi que les nuisances ou maladies dont elles sont responsables.
Myiases cutanées et cutanéomuqueuses
• L’hypodermose bovine
Il s’agit d’une parasitose due aux larves des mouches, Hypoderma bovis et Hypoderma lineatum ; elle entraîne une baisse des performances, des risques de paralysie et une non valorisation des peaux. Visuellement, on détecte des nodules sous-cutanés au niveau du dos de l’animal, en phase finale de parasitisme.
Le cycle parasitaire dans le bovin dure 11 mois. La mouche adulte (12/15 mm) vit 6 jours, pond en été sur les poils des pattes, du ventre et des flancs des bovins et meurt.
Après éclosion, les larves pénètrent dans la peau ; au bout de 7 à 9 mois, elles atteignent le tissu sous cutané dorsal du bovin : elles y provoquent un abcès et sont alors appelées communément varrons. Les larves mesurent environ 2,5 cm sur 1 cm. Entre fin mars et début juillet, la détection de ces nodules est possible ; en effet, les varrons séjournent 2 à 3 mois au niveau du tissu sous cutané avant de tomber, de se transformer en pupe et de libérer la mouche un mois après.
L’infestation peut atteindre 300 varrons par bovin dans les zones où rien n’a été engagé pour lutter contre cette maladie parasitaire.
Il faut traiter à l’automne avant que les larves ne soient dans l’oesophage ou la moelle épinière pour éviter les risques de paralysie.
Cette parasitose concerne classiquement les bovins mais peut être rencontrée chez d’autres espèces comme les caprins, les ovins voire l’homme.
La France a mis en place un plan d’éradication du varron. Désormais toute la France est en zone assainie. Le système de surveillance repose sur une certification de zone et des élevages.
• Les « myiases »
Ce terme est généralement utilisé pour décrire des parasitoses cutanées dues aux larves des mouches Lucilia sericata et Wohlfahrtia magnifica.
La mouche verte ou lucilie mesure moins d’1 cm. Elle pond des œufs dans la laine plutôt sur le dos des animaux, sur des zones souillées par de la diarrhée et parfois au niveau des pieds ; elle vit 12 heures. Les œufs se développent en larves L1 de 2/3 mm de long et qui se nourrissent de déchets cutanés. Les L1 se transforment ensuite en L2 puis L3, de 5 à 16 mm, carnassières qui attaquent les tissus d’animaux vivants et pénètrent ainsi dans la peau. Les L3 vont ensuite tomber sur le sol et se transformer en pupe qui est la forme de résistance dans le sol en hiver. Le cycle complet dure 11 jours en été.
L’activité de ces mouches est maximale en période chaude et humide. Les animaux atteints se tiennent à l’écart, prostrés, et présentent un prurit. Apparaissent ensuite des taches brunes dans la laine. A l’observation rapprochée, les L1 à L3 sont visibles en grand nombre. Les lésions cutanées peuvent être profondes. Une intoxication de l’animal est possible par les déchets produits par les très nombreuses larves dans la peau.
Wohlfahrtia était principalement connue en altitude mais sévit depuis plusieurs années en plaine dans certains départements du Centre Ouest.
Cette mouche de couleur gris/noir, a un thorax rayé noir et blanc, un abdomen avec points noirs sur fond blanc et des yeux rouge brique. Elle mesure 8 à 14 mm de long. Les femelles pondent des larves qui ont des crochets leur permettant de bien se tenir dans les tissus et d’y creuser des cavités. Il existe aussi trois stades larvaires, le dernier se transformant en pupe qui sera là aussi la forme de résistance dans le sol en hiver. Le cycle est de l’ordre de 15 jours en période chaude et sèche.
Mouche Wohlfarhrtia magnifica et les myiases podales dont elle est responsable @ : Pôle Santé Animale Alliance
Les adultes sont attirés par des lésions podales, des zones de suintement ou humides, des plaies sur la tête et pondent sur des zones délainées (pieds, vulve ou fourreau) et plaies. A cause de leurs crochets, les larves sont difficiles à décrocher.
• L’oestrose
Oestrus ovis est une mouche gris jaunâtre de 10 à 12 mm de long qui vit 30 à 35 jours. Elle pond ses œufs à l’entrée des narines des petits ruminants. Les larves se développent dans les cavités nasales et les sinus. Il existe trois stades larvaires : L1 translucide de 1 à 2 mm, a des crochets buccaux et des épines cuticulaires, L2 blanc jaunâtre de 3,5 à 12 mm de long puis L3 blanc rayé de brun de 2 à 3 cm de long. Cette dernière tombe sur le sol et se transforme en pupe. Les larves entrent en hypobiose en début hiver et en sortent en fin de saison.
En été, on observe une gêne des animaux qui essaient d’éviter les mouches en baissant la tête, puis qui éternuent. Quand les larves évoluent, les douleurs sont plus importantes, des écoulements nasaux apparaissent. Ces signes respiratoires réapparaissent en fin d’hiver quand les larves sortent d’hypobiose. On retrouve des larves de stade trois dans les auges.
Comment lutter ?
Comme nous l’avons vu précédemment, les mouches sont présentes dans les bâtiments et autour (adultes sur les murs ou autour des animaux, larves dans le fumier ou les excréments, dans des flaques) et sur les animaux au pré ou en bâtiment. Prendre en compte ces localisations permet de mettre en place une lutte efficace.
Les mesures d’hygiène peuvent sembler une évidence mais il paraît utile de les rappeler : la concentration des animaux, une mauvaise ambiance, la présence des litières, lisiers, fientes, des aliments dans les mangeoires, la présence de moisissures sont autant de facteurs favorisant le développement des insectes et autres parasites.
La propreté des bâtiments et des abords contribue au contrôle des insectes et à une meilleure efficacité des insecticides, acaricides et désinfectants
Il est donc important de respecter les normes de logement des animaux, d’assurer une bonne ventilation des bâtiments, de pailler abondamment avec une paille de qualité, de sortir régulièrement les fumiers, de curer puis nettoyer et enfin désinfecter et prévoir vide sanitaire.
• Lutte autour et dans les bâtiments
Contre les larves ou pupes
Les mini-guêpes pondent dans les pupes de mouches présentes dans la litière et empêchent l’éclosion des jeunes mouches. Cela permet d’abaisser la pression d’infestation des mouches à un niveau compatible avec de bonnes conditions d’élevage, et d’obtenir un équilibre durable entre leur population et celle des mini-guêpes. Dépourvues de dard, les mini-guêpes ne piquent ni les hommes ni les animaux.
Des acariens prédateurs des oeufs et des larves de mouches et de moucherons peuvent être associés aux mini-guêpes dans la lutte écologique contre les mouches des bâtiments d’élevage.
Les « larvicides » ou inhibiteurs de croissance sont utilisés dans les zones de reproduction : fumiers, lisiers, fosses, détritus. Ils sont applicables sur toute la litière toutes les 5 semaines ou tous les 10 cm de fumier.
Ils sont très utiles contre les piqueurs, les mouches qui restent sur l’animal ou se posent peu sur les parois ; ils empêchent l’accroissement de la population d’adultes en évitant la réémergence des adultes 2 semaines après un traitement adulticide.
Contre les adultes
• Il existe divers pièges (fils, rubans, papiers collants, appâts), des systèmes mécaniques fixes (ventilateurs, exterminateurs)
• Il est possible d’utiliser des molécules adulticides si la présence est trop forte, toutes les 3 à 6 semaines, en changeant de famille de produit (pyréthrinoïdes, organophosphorés) ; les produits se présentent sous forme d’appâts ou granulés, de peintures, de liquide ou poudre à diluer puis à appliquer par pulvérisation ou badigeon.
Sur les animaux
Plusieurs solutions de prévention existent
- Les produits à base d’extraits végétaux (chrysanthème, citronnelle, géraniol), répulsifs, peuvent être appliqués sur les animaux en pour-on ou en pulvérisation et permettent le plus souvent une protection de l’ordre de 3 à 5 semaines.
- Des médicaments (antiparasitaires externes) appliqués en début de période à risque et éventuellement renouvelés si la pression dure longtemps, peuvent permettre de limiter la présence des mouches autour des animaux et donc les nuisances. Il s’agit de pyréthrinoïdes ou d’organophosphorés applicables en pour on, douche ou bain selon la molécule et la présentation.
Ce ne sont pas des répulsifs ! Ils agissent par contact le plus souvent sur le système nerveux des insectes avec paralysie puis mortalité plus ou moins rapide ce qui peut limiter la longueur du repas pour les piqueurs.
- Des médicaments inhibiteurs de croissance des larves de mouches appliqués en début de période à risque permettent de limiter la présence des mouches autour des animaux et surtout le développement des lésions dues aux larves des mouches Lucilia et Wohlfahrtia. Ils empêchent le passage des stades L1 en L2 carnassières. On peut donc retrouver de petits asticots après application de dicyclanil mais ils ne se transformeront pas. Le dicyclanil n’empêche pas les adultes de pondre et ce n’est pas un répulsif. Ces médicaments ne disposent que d’une AMM ovine.
Les traitements
Certains utilisent les mêmes molécules qu’en prévention, les pyréthrinoïdes ou les organophosphorés, quand la présence des mouches est constatée. Les applications pour on ou en pulvérisation sont les plus utilisées.
D’autres molécules sont utilisables, les endectocides. Il s’agit de médicaments qui ont à la fois une action sur les parasites internes et externes. Il existe des formulations en pour on pour les bovins. Leurs indications concernent Hypoderma et Haematobia irritans. Ces molécules sont aussi utilisables par voie injectable : les indications sont pour les bovins les hypodermes voire Hamatobia irritans, pour les ovins Oestrus ovis. Il convient donc de les utiliser de façon raisonnée en liaison avec le parasitisme interne pour ne pas risquer une utilisation intensive qui favoriserait l’installation de résistances. Il est à noter que l’ivermectine par voie orale a une indication contre Oestrus ovis.
Compte tenu des nuisances pour l’éleveur et les animaux et des risques sanitaires, il faut faire de la PRÉVENTION en particulier par l’hygiène et la bonne santé des animaux.
Il faut agir dès l’apparition des mouches adultes ou des lésions sur les animaux, dans les bâtiments et sur les animaux soit en début de printemps !
Les mouches ne sont pas une fatalité
Leur contrôle est primordial dans la gestion d’un élevage moderne.