Les pathologies à manifestation nerveuse des ovins

Les troubles nerveux chez les ovins sont observés assez fréquemment. 

Cependant le diagnostic clinique n’est pas facile à établir : les symptômes nerveux constatés sont souvent très semblables pour une grande variété d’étiologies possibles.

Les pathologies à manifestation nerveuse des ovins

Première partie

Etiologies et manifestations cliniques

  • Les bactéries

Les clostridioses

Le tétanos (Clostridium tetani) est une toxi-infection non contagieuse qui se déclare suite à l’inoculation du germe par une blessure (toute plaie est un risque). Les toxines se fixent dans les terminaisons nerveuses et dans la moelle épinière en provoquant une contraction permanente des muscles striés. Elle se caractérise par des contractures musculaires permanentes et irréversibles, évoluant vers la mort.

Le botulisme (Clostridium Botulinum) est une autre toxiinfection qui se déclare de même, suite à l’ingestion du germe et de ses toxines, présents au niveau des tissus végétaux et animaux en décomposition.
La toxine inhibe la transmission nerveuse vers les muscles. Elle se caractérise par une paralysie flasque, une grande faiblesse musculaire générale lors d’une forme subaiguë mais peut se réduire à une mort subite lors de la forme suraiguë. 

Les entérotoxémies (nombreuses bactéries en jeu : Clostridium perfringens, Clostridium sordelii, Clostridium septicum...) se déclarent suite à la diffusion dans l’organisme des toxines produites par ces bactéries. Ces germes sont présents naturellement dans le système digestif, c’est un déséquilibre de la flore bactérienne qui va déclencher la pathologie par multiplication importante des germes. Ce déséquilibre peut être consécutif à un changement alimentaire brutal, une ration déséquilibrée, une suralimentation, un changement d’environnement. La consommation d’aliment gelé, le parasitisme sont tout autant des facteurs de risques. On observe les plus souvent une mort brutale, mais parfois précédée d’agitation, de convulsions... 

La listériose

La bactérie Listeria monocytogenes est présente également naturellement dans le tractus digestif. La contamination se fait par ingestion d’aliment contaminé par la bactérie, mais tous les animaux contaminés n’exprimeront pas la maladie : la listériose clinique apparaît à la faveur de tout facteur diminuant les défenses immunitaires de l’animal (gestation, stress, carences...). Les symptômes nerveux sont divers (tête penchée, paralysie faciale, marche en cercle...) mais la maladie peut prendre différentes formes et se manifester par des avortements, septicémies, mammites...

  • Autres

Plusieurs bactéries peuvent en outre être responsables de méningite ou d’abcès cérébral, les symptômes seront fonction de la localisation et de l’intensité des lésions (streptocoques, pasteurelles, colibacilles...).

  • L’alimentation

Déséquilibre alimentaire et métabolisme

Un déséquilibre alimentaire peut être à l’origine de troubles nerveux. Vitamines, minéraux, glucides, fibres, tous jouent un rôle important et sont susceptibles de provoquer des pathologies par leur apport en excès ou à l’inverse lors de carence. Tout déséquilibre de la flore digestive (parasitisme...) peut également mener à une modification de productions par les micro-organismes de cette flore et générer des troubles métaboliques à l’origine de pathologies nerveuses.

Le foie est également un organe essentiel au centre du métabolisme énergétique. Toute atteinte de ce dernier peut générer une hypoglycémie. 

La nécrose du cortex cérébral résulte d’une carence en vitamine B1 et donc une diminution d’apport glucidique au niveau du cerveau qui par suite va provoquer la nécrose des neurones. Un oedème cérébral va apparaître dans un second temps, à l’origine de lésions du cortex cérébral. Les jeunes sont plus sensibles : la croissance nécessite un besoin accru de vitamine B1 et leur système digestif est immature. Après une phase d’anorexie et d’isolement, parfois associés à de la diarrhée, plusieurs signes nerveux sont observés : dépression, difficultés locomotrices, amaurose (perte de la vue), tête portée en arrière, pédalages, convulsions et mort. 

L’acidose fait partie des causes possibles de nécrose du cortex. Un apport en excès de glucides fermentescibles ou un défaut d’apport en fibres peuvent perturber la digestion par baisse du pH ruminal avec production d’acide lactique. Un changement de régime brutal amplifie le risque en favorisant le développement d’une flore microbienne productrice d’acide lactique. A des symptômes nerveux comme trémulations musculaires sur la face, troubles locomoteurs, s’ajoutent également des baisses de la production, troubles digestifs, déshydratation, jusqu’à la mort. 

La toxémie de gestation est liée elle aussi à la perturbation du métabolisme glucidique. Elle fait suite à un rationnement alimentaire non adapté en fin de gestation. Les besoins énergétiques sont alors accrus mais la capacité d’ingestion réduite par le volume du foetus dans l’abdomen. Tout facteur générant un manque d’appétit de l’animal va aggraver le phénomène : stress, conditions d’ambiance, douleurs et notamment boiterie (qui rend plus difficile l’accès à la nourriture). La carence en glucides va être à l’origine d’une part de l’accumulation «toxique» de corps cétoniques dans le sang à l’origine d’une acidose métabolique, et d’autre part de l’atteinte des cellules nerveuses. On observe alors une brebis qui s’isole, qui ne mange plus et qui présente des signes nerveux tels nystagmus, tremblements, amaurose,  hypersalivation, hyperesthésie (sensibilité exacerbée des sens), le coma puis la mort en l’absence de traitement. 

L’hypocalcémie ou parésie puerpérale est due à un manque de calcium dans le sang. Paradoxalement c’est un apport de calcium en excès dans la ration en fin de gestation qui, suite à un mécanisme hormonal complexe conduit à cette situation. Chez les petits ruminants, ce problème survient en fin de gestation, et parfois en début de lactation. Le calcium participe à la contraction musculaire et l’on constate une grande variabilité de symptômes de la simple anorexie au coma et à la mort, avec selon les cas, tremblements musculaires, incoordination motrice, parésie, hyposensibilité, stase ruminale, salivation...

La tétanie hypomagnésémique est un trouble du métabolisme du magnésium. L’âge, le stress, la production lactée augmentent les besoins en magnésium et sont donc des facteurs de risques. On parle encore de tétanie d’herbage, car elle peut être mise en lien avec le pâturage, particulièrement la mise à l’herbe (herbe jeune carencée en magnésium). Elle se manifeste par un état d’hyperexcitabilité neuromusculaire. L’animal est souvent trouvé mort dans le pré, mais on peut observer une raideur de la démarche, des réactions brusques, de l’hyper réactivité, des convulsions... 

On peut également citer l’ataxie enzootique ou swayback, peu fréquente en France. Elle touche surtout chez des agneaux issus de mères carencées en cuivre. Cette carence va affecter la formation du système nerveux du foetus. On peut observer des agneaux incapables de se lever ou qui «chaloupent» avec progression jusqu’à la paralysie, cécité, mouvements incontrôlés...  

  • Les intoxications

De l’ingestion de différentes substances toxiques peut résulter des troubles nerveux. Il peut s’agir de végétaux (ciste, grande ciguë, if à baies, pommes, redoul, entre autres) ou de composés minéraux ou organiques (organochlorés, organophosphorés, plomb, sel...). Les petits ruminants sont assez sensibles aux intoxications avec un mode et un milieu de vie les exposants. On sous estime sans doute les cas d’intoxication mais ils sont relativement fréquents. Certains toxiques le sont d’emblée, pour les autres, c’est l’excès qui présente un danger.

  • Les parasites 

La coenurose est une maladie parasitaire due à la larve de Tænia multiceps et dont l’hôte définitif est le chien. Chez les ruminants, après contamination par voie orale, ces larves creusent des tunnels dans les tissus nerveux en créant des lésions. Les symptômes seront fonction de la localisation de ces lésions.

  • Larves au niveau de l’encéphale : coenurose encéphalique. En début d’évolution, l’encéphalite diffuse va provoquer des troubles du comportement avec alternance de phase d’excitation et de prostration. Puis au stade d’encéphalite focale, apparaissent tournis, cécité, paralysie, hébétude, incoordination motrice, marche en cercle ou en levant fortement les membres antérieurs... puis la mort en cas  d’infestation massive ou de forme aiguë.
  • Larves au niveau de la moelle épinière : coenurose médullaire. Ce sont 1 ou 2 postérieurs qui seront paralysés, avec paralysie du rectum et de la vessie qui entraîne la mort. 

L’oestrose est une maladie parasitaire due à une myiase dans les cavités nasales et les sinus des moutons. Des troubles de comportements sont observés du fait de la gêne mécanique et du stress occasionné (grattage, ébrouement, tête ras du sol, regroupement d’animaux...). De plus, dans certains cas, il a été décrit des migrations de ces larves jusqu’aux tissus nerveux provoquant des signes cliniques fonction de leur localisation.

  • Les virus

En France, la prévalence de ces pathologies reste limitée ou localisée. 

La pestivirose ovine ou border disease est une affection congénitale, virulente et contagieuse, due à un Flavivirus. Souvent la maladie apparaît suite à l’introduction dans le troupeau d’un animal infecté permanent immunotolérant (IPI). La contamination s’effectue par ingestion ou inhalation de matières virulentes, in utero ou lors de la lutte. Les signes cliniques s’observent surtout chez les agneaux atteints in utero. Outre les signes nerveux (tremblements, troubles locomoteurs, paralysie) : déformation du squelette, anomalie de la peau et de la toison, retards croissance en parallèle d’avortements à tous les stades de la gestation.

Le louping ill est également dû à un Flavivirus mais transmis par la tique (ingestion par le lait également possible). Les jeunes, à plus faible immunité sont les plus touchés. Le virus envahit le système nerveux et génère alors : ataxie, apathie, tremblements, hyperesthésie, incoordination motrice, «petits bonds» accompagnés de fièvre. 

Les moutons ne sont atteints que très occasionnellement par la maladie d’aujeszky, maladie à Herpesvirus porcin. Les ovins se contaminent par les aérosols de matières virulents (jetage nasal et oculaire) des exploitations porcines voisines. Ataxie, position anormale de la tête et du cou, convulsions... s’accompagnent de troubles respiratoires, prurit avec le plus souvent évolution vers la mort.

Il ne faut pas oublier la rage, maladie infectieuse, virulente, inoculable en général par une morsure et due à un Rhabdovirus neurotrope. La diffusion du virus dans l’organisme s’effectue par voie neurotrope à  partir du point d’inoculation. La multiplication active a lieu dans le cerveau, puis les virions sont transportés vers la périphérie. Il s’agit d’une maladie légalement réputée contagieuse et réglementée. Outre des symptômes nerveux très marqués (modification du comportement, agitation, trémulations musculaires, excitation, hyperesthésie) on peut signaler l’amaigrissement, le prurit, divers troubles digestifs, pour finalement aboutir à la mort après une phase de paralysie. Le visna est la forme nerveuse du lentivirus de Maedi-visna surtout responsable d’une forme respiratoire. Il provoque une encephalomyelite chronique démyélinisante, se manifestant par un amaigrissement accompagné d’ataxie évoluant très lentement (plusieurs mois) jusqu’à la parésie et la mort.

  • Le prion

La tremblante ou encéphalopathie spongiforme transmissible est provoquée par l’accumulation dans le cerveau d’une protéine anormale. (forme indiscernable de l’ESB pouvant également infecter les petits ruminants). On ne connaît pas exactement le mode de transmission mais il semblerait qu’elle soit contagieuse (transmission verticale et horizontale) contrairement à l’ESB. Il est possible d’identifier la résistance des individus à la maladie par étude de leur génome (individus ARR). Suite à une incubation de plusieurs années, on observe des troubles de comportements (excitabilité, inquiétude, hypersensibilité), troubles locomoteurs, ptyalisme, incontinence urinaire..., parésie puis paralysie, mort inévitable en quelques mois.