- Par Christelle Dubois-Frapsauce
Les strongyloses gastro-intestinales
Les maladies dues aux strongles digestifs relèvent le plus souvent d’un polyparasitisme : il s’agit d’une «association de malfaiteurs».
Chaque espèce de strongles digestifs a une localisation préférentielle.
Chez les ovins :
Phase externe du cycle
- les oeufs embryonnés et les L3 sont les formes de résistances ;
- un froid prolongé peut faire diminuer la population de L3/ la sécheresse limite leur développement ;
Les 2 pics de L3 sur les pâtures se situent en fin de printemps et à l’automne (bonnes conditions d’humidité et de température).
Phase interne du cycle
- Certains strongles digestifs la réalisent à la surface de la muqueuse, d’autres en réalisent une partie dans cette muqueuse entraînant des lésions importantes ;
- Les L3 donnent des adultes en quelques semaines sauf si elles subissent une diapause en hiver ; elles recommencent alors leur développement en fin d’hiver (ostertagiose de type 2 beaucoup plus rare
que chez les bovins).
Durée totale du cycle
Au minimum 15 jours et maximum 40 jours selon les espèces. Les conséquences principales des infestations par les strongles gastro-intestinaux sont des spoliations et des fuites de nutriments qui entraînent :
- une diminution de l’appétit et un tri des aliments.
- une diminution des performances : amaigrissement, chute du lait, croissance ralentie, infertilité, saisies pour cachexie, mortalités ;
- ces conséquences sont accentuées si association de parasites ;
- un risque accru de développer des infections.
Quand suspecter une strongylose digestive chez les ovins?
Les facteurs de risques sont :
- l’augmentation de la densité larvaire sur les pâtures à partir de mai avec un pic en juillet
- un printemps et/ou un automne tempérés et humides avec des pics si pluies après sécheresse ;
- le surpâturage et la sous-nutrition (augmente la réceptivité des animaux, en particulier les carences en vitamine A et en protéines) ;
- le mélange d’animaux d’âge différents : recyclage plus rapide des parasites par les jeunes
Les tableaux cliniques présentent
des signes généraux
- chez les adultes, une perte d’état, une diminution de productivité (fertilité, lactation), des entérites, des anémies à l’herbe :
- chez les jeunes, une diarrhée simultanée sur plusieurs animaux
des signes spécifiques pour certaines strongyloses
- Ostertagiose :
- aiguë sur les jeunes de la fin de printemps à octobre avec diarrhée et perte de poids ;
- subaiguë sur les plus âgés, au pâturage ou en bergerie en fin d’hiver (levée d’hypobiose) avec diarrhée et mortalité possible sur les animaux de l’année précédente
- Nématodirose : entre début mai et fin juin, diarrhée abondante, coliques, soif, amaigrissement ; jusqu’à 30% des agneaux peuvent être atteints
- Chabertiose : météorisation, malabsorption et maldigestion, entérite chronique avec parfois diarrhée noirâtre striée de sang.
Conduite à tenir lors d’une suspicion
D’abord confirmer la suspicion
- avec des autopsies si des animaux sont morts (idéalement dans les 12 H) : les strongles de la caillette sont visibles à l’oeil nu en surface de la muqueuse.
- avec des analyses de fèces
- par coproscopie : mise en évidence des oeufs sans différencier la plupart des espèces de strongles nématodirus et strongyloïdes ; l’interprétation relative de l’excrétion par rapport à l’infestation doit être modulée par l’âge des animaux et leur stade physiologique.
- par coproculture : on fait évoluer les oeufs en L3 pour identifier les parasites (recommandée en cas d’échec de traitement).
- avec des analyses d’herbe (récolte, identification L3).
Puis faire un traitement adapté
- au(x) parasite(s) : hématophages ou non, larves en hypobiose
- à la conduite : retour au pâturage après traitement (limiter les ré-infestations avec des molécules rémanentes ou à libération prolongée) ou entrée en bergerie (traitement à action immédiate seule).
La prévention contre les strongyloses gastro-intestinales passe par :
Une bonne gestion des pâtures :
- La mise au repos prolongé (plusieurs mois) d’une parcelle permet une décontamination partielle,
- Réserver les prairies saines (nouvelles, fauchées, cultures) aux agneaux ou brebis épongées,
- Éviter le surpâturage (herbe trop rase = forte ingestion de larves),
- Limiter le chargement
Un bon entretien des animaux :
- Il s’agit certes d’une alimentation suffisante mais aussi équilibrée (apports en protéines) et de qualité (améliore la résistance et compense en partie les malabsorptions).
La sous-nutrition augmente la sensibilité des animaux aux infestations parasitaires.
Un bon calendrier de traitements :
- Les animaux les plus sensibles et les plus excréteurs (stress) sont les brebis avant l’agnelage et les agneaux, en particulier après le sevrage : pour limiter l’ensemencement des pâtures, il est important
de positionner un traitement environ un mois avant l’agnelage et deux semaines avant sevrage, - À l’entrée en bergerie, un traitement antiparasitaire complet permet aux animaux de mieux valoriser leur ration (et pour éviter une éventuelle ostertagiose de type 2 en fin d’hiver),
- Après un traitement, il faut éviter de changer de pré tout de suite pour ne pas ensemencer les prairies avec des parasites résistants,
- Mettre de préférence les agneaux sevrés sur des prairies «saines» : repousses de fauches, de cultures pour retarder les ré-infestations ; ne pas hésiter à les rentrer en bergerie en cas de pénurie d’herbe.
Focus sur l'haemonchose, la strongylose d'été chez les ovins
Haemonchus est visible à l’oeil nu dans la caillette : il mesure de 15 à 35 mm de long et présente un tube digestif rougeâtre.
Son cycle de développement est particulièrement rapide quand les températures atteignent 22/25°C : 3 jours pour passer en L3 et s’emballe en cas d’orages après une période un peu sèche.
Les larves L4 et L5 sont hématophages.
Les femelles adultes sont particulièrement prolifiques : elles pondent 5 à 10 millions d’oeufs par jour et un ovin peut excréter 15 à 30 millions d’oeufs par jour . L’infestation des pâtures est favorisée par des agnelages au champ en l’absence de traitement avant mise bas (parturiente rise), un long séjour sur une même parcelle du couple mère/agneau, le sevrage des agneaux (stress).
Haemonchose : de juin à septembre ou après un épisode de sécheresse, sur les agneaux puis sur les adultes
- La forme suraiguë se traduit par des mortalités sans signes préalables lors de déplacements forcés si l’infestation est massive.
- La forme subaiguë se traduit par une anémie intense (pâleur des muqueuses), fuite protéique (oedème sous-glossien (voir photos ci-dessous), une perte d’appétit, la prostration puis la mort.
Ces signes cliniques résultent d’une gastrite irritative (lésions par les pièces buccales des larves) et une spoliation sanguine importante (hématophagie), les pertes pouvant être de 150 à 200 ml de sang par
jour en cas d’infestation importante.
Le traitement et la maîtrise de cette helminthose peuvent relever du défi à cause d’une part de l’influence des conditions météo sur le rythme d’infestation, et d’autre part du fort risque de résistance d’haemonchus aux traitements.
Il est donc recommandé d’utiliser des molécules rémanentes afin d’essayer de prévenir plutôt que de guérir : le closantel ou la moxidectine. Le rythme de traitement peut ainsi être de tous les deux mois (rémanence de 5 semaines et période prépatente de 3 semaines). La forme longue action de la moxidectine permet d’allonger cet intervalle à 4 mois.