- Par IFCE
Pâturage tournant ou continu pour les prairies destinées aux chevaux
Le pâturage est l’exploitation directe de la production primaire de fourrages qui s’avère la plus économique. L’herbe peut couvrir 40 à 90% des besoins nutritionnels annuels totaux selon le type et la race des chevaux. La sélection de la ressource alimentaire, le piétinement et la répartition hétérogène des déjections par les chevaux font de la prairie une ressource qui évolue dans le temps en fonction aussi des conditions pédoclimatiques. Une gestion raisonnée et rigoureuse du pâturage est nécessaire pour rendre son exploitation performante et durable dans l’alimentation des chevaux.
Qu’est-ce que le cycle de l’herbe ?
Comme tout être vivant, les végétaux ont un cycle de vie qui comprend :
- Naissance ;
- Développement ;
- Vieillissement ;
- Sénescence (mort).
La durée de pâturage sur une parcelle doit correspondre au temps que mettent les feuilles à accomplir ce cycle, dont la durée s’allonge au cours de la saison de pâturage.
La pousse de l’herbe se caractérise dans le temps par la formation de feuilles, de tiges portant des épis générant des graines à l’issue d’une floraison. Lorsqu’elle est fauchée ou consommée par un animal, l’herbe recommence sa pousse au début, avec ou sans formation d’un nouvel épi.
Le cycle de l’herbe correspond à son exploitation, précédée du temps de croissance et suivie du temps de repousse sans exploitation, c’est-à-dire :
- Période de pousse : de la fauche précédente ou de la sortie des animaux jusqu’à la nouvelle exploitation ;
- Période d’exploitation par le pâturage (de l’entrée à la sortie des animaux) ou par la fauche pour une parcelle donnée.
En fonction des conditions pédoclimatiques et de la situation géographique, on peut exploiter 3 à 5 cycles de pousse de l’herbe par saison en gérant bien la fauche et le pâturage.
Comportement des chevaux en pâture et effet sur la prairie
Les règles de fonctionnement d’une prairie sont les mêmes quelle que soit l’espèce d’herbivore. En revanche, le comportement alimentaire des chevaux au pâturage est particulier. Leur préférence pour l’herbe jeune et riche en protéines digestibles occasionne le développement :
- De zones pâturées où l’herbe est rasée ;
- De zones de refus où l’herbe est moins consommée et où les chevaux déposent leur fèces.
On constate un effet sur la flore :
- Un épuisement des graminées ainsi qu’une colonisation par le trèfle blanc et les plantes à rosettes (pissenlit, plantain, pâquerette) dans les zones pâturées ;
- Un développement des plantes recherchant des milieux riches en matières organiques et éléments fertilisants (houlque laineuse, dactyle, renoncule, ortie) dans les zones de refus.
Sans une gestion adaptée, le pâturage équin seul génère l’apparition de zones surpaturées où les ressources s’épuisent et d’autres sont gaspillées.
Pratiques dégradant la prairie
Absence de prise en compte de la portance du sol
La portance peut être définie comme la capacité d’un sol à supporter la pression qu’exercent les pneus, les pieds de l’Homme ou les pieds d’un animal. Quand la portance est faible (en période humide), le piétinement engendre un tassement et une perturbation de la vie du sol, défavorable à de nombreuses espèces végétales.
Les sorties quotidiennes des chevaux dans les prairies, même lorsque la portance du sol est limite, créent de nombreuses zones de terre nue. Ces zones sont propices au développement de plantes rampantes (renoncule rampante, agrostis stolinifère) et des plantes à germination rapide (rumex, chardon) non désirables. Elles remplacent peu à peu les espèces consommées. Il importe donc de veiller à préserver les parcelles affectées au pâturage et à condamner des espaces réduits où les animaux sont placés quand la portance est insuffisante.
Sous- ou sur-utilisation des ressources herbagères
La vitesse de pousse de l’herbe est variable au cours du temps. Elle est liée aux conditions de température et d’humidité. Très importante au printemps, elle ralentit quand les températures deviennent trop élevées (ou trop basses) et en période de sécheresse.
Sur une parcelle donnée, la quantité d’herbe journalière produite évolue. Elle peut largement dépasser les besoins des animaux et générer l’apparition de refus importants. Ou au contraire, elle peut ne pas couvrir les besoins, causant un épuisement de la prairie par un pâturage excessif.
Pour optimiser l’utilisation de l’herbe dans le rationnement des chevaux, en offrant une herbe jeune et appétente, il faudra maintenir le couvert végétal au stade feuillu et limiter la montée à graines. Pour cela, le pâturage tournant sera préféré au pâturage continu.
Pâturage continu
Le pâturage continu consiste à laisser les chevaux dans la même parcelle pendant toute la durée du printemps et de l’été, sur la même surface. La modulation du chargement peut se faire en ajoutant ou retirant les animaux de la parcelle en cours de saison (bovins ou chevaux) ou en agrandissant la parcelle en été avec une zone fauchée au printemps.
Dans ce cas, la production d’herbe n’est pas optimale et des zones de refus se développent si aucune fauche n’est réalisée sur ces zones. Quand la surface offerte est trop importante par rapport au nombre d’animaux, la dégradation de la flore est alors rapide.
Dans les régions arrosées, en absence de fertilisation azotée, on pourra prévoir un chargement modéré de :
- 50 à 60 ares/UGB (soit 2,5 à 3 chevaux/ha au printemps) ;
- 80 ares/UGB (soit environ 2 chevaux/ha en été).
Au-delà d’un mois de présence continue dans la même parcelle, il est difficile de bien maîtriser la végétation et d’éviter les refus.
Pâturage tournant
Le pâturage tournant ou pâturage en rotation consiste à diviser la surface offerte en 3 à 5 sous-parcelles. Chaque sous-parcelle sera pâturée successivement pour exploiter le cycle de l’herbe au stade optimum : stade feuillu des graminées. Les chevaux seuls ou associés à des bovins pâturent successivement les sous-parcelles ; ils sont déplacés plus ou moins rapidement d’une sous-parcelle à l’autre selon les cycles et en modulant le chargement (nombre de chevaux/ha).
Chargement sur les parcelles
Dans les régions arrosées, on pratiquera sur le premier et deuxième cycle au printemps un chargement de 2 à 5 chevaux/ha. Ce chargement est à moduler selon la qualité et la densité de la prairie, et le niveau de fertilisation.
Puis, aux cours des cycles suivants, lorsque la pousse de l’herbe diminue (été), on passera à 1,5 à 2 chevaux/ha.
Le chargement moyen sur l’ensemble de la période de pâturage sera voisin de 2 chevaux/ha. Ce chargement peut varier de 1 à 2,5 chevaux/ha en fonction de la situation géographique (zones humides ou sèches) et en fonction de la qualité de la prairie.
Quand introduire les animaux dans une parcelle et quand les sortir ?
Le cheval préférant l’herbe jeune et riche, il est recommandé de rentrer les animaux assez précocement avant la montée de l’herbe. Cela correspond aussi au stade où la prairie possède les meilleures valeurs alimentaires.
Ne pas attendre d’avoir de l’herbe jusqu’aux genoux !
Une entrée dans la parcelle quand l’herbe a en moyenne une hauteur de 7 à 10 cm est un bon objectif. Si elle a dépassé 15 cm, le stade est déjà trop avancé ; cela accentue le développement de zones de refus, de zones d’herbes couchées et le développement de ligneux.
La parcelle est considérée comme bien pâturée lorsque l’herbe est en moyenne à 5 cm environ (c’est-à-dire au-dessus de la semelle de la chaussure). La limite basse à ne pas dépasser est de 3 cm dans les zones pâturées.
Temps de repousse
Au cours de la saison, le temps de repousse se rallonge et le chargement doit diminuer. La surface de l’ensemble pâturé est progressivement augmentée en rajoutant des parcelles.
Sur les premier et deuxième cycles
Le temps de repousse sera de 15 à 20 jours, puis de 20-25 jours pour le deuxième cycle afin de maîtriser la montée en épi et maintenir un stade feuillu.
Sur les cycles suivants
Les cycles suivants seront rallongés de 30 à 50 jours lorsque le stade feuillu est maintenu.
Ainsi, seulement 50 à 70% de la surface est exploitée en pâturage au cours des premiers cycles au printemps, où la croissance de l’herbe est élevée. Les parcelles en excédent seront alors fauchées pour produire du fourrage (foin et enrubannage). Ces surfaces seront ensuite intégrées en été dans le pâturage tournant pour procurer un temps de repousse supplémentaire aux premières parcelles utilisées.
Les refus seront fauchés dans chaque parcelle à partir du deuxième cycle, après la sortie des animaux de la parcelle, sinon ils auront tendance à s’étendre.
Par Pauline DOLIGEZ et Laetitia MARNAY (ifce)
Bibliographie
DOLIGEZ E., 2002. Pâturage du cheval. Prairiales Normandie, Journée technique du Pin, 20 juin 2002.
MOULIN C., 1999. Utiliser et gérer l’herbe pour l’alimentation du cheval. Fiches techniques, Institut de l’élevage, Edition Technipel.
MARTIN-ROSSET W. et coord. 2011. Nutrition et alimentation des chevaux. Nouvelles recommandations alimentaires de l’INRA, Edition QUAE.