Performances de reproduction : la fécondité des ovins

La fécondité se définit comme le pourcentage exprimant le nombre de petits nés par rapport aux nombres de femelles mises en lutte. Il conditionne la productivité.

Performances de reproduction : la fécondité des ovins

L’infécondité impacte directement le résultat économique par le manque d’agneaux produits et indirectement par les frais engendrés pour l’entretien et la conduite de femelles et de mâles non productifs alimentation, traitements, éponges posées, temps de travail....). 

Il n’est donc pas inutile de s’y intéresser de plus près !

Il est possible d’identifier les facteurs pénalisants ou les points d’amélioration possibles : on peut agir. 

De nombreux événements peuvent influer sur la fécondité des brebis et la fatalité n’y est pour rien

On peut évaluer les performances de reproduction d’un élevage par rapport aux résultats d’un élevage de même race et de même conduite ou par rapport aux résultats de l’élevage considéré des années précédentes.

Les facteurs physiologiques

Il est indispensable de respecter les particularités physiologiques de l’espèce pour espérer une reproduction efficace. Mais pour identifier une éventuelle erreur de conduite d’élevage (ou ne pas la commettre) faut-il encore les connaître. Plusieurs de ces paramètres varient d’une race à l’autre : à prendre en compte ! (Attention tout particulièrement aux élevages «multi-races»).

  • La période de mise en lutte naturelle : les ovins manifestent dans les zones tempérées des variations saisonnières de leur activité sexuelle (photopériodisme). Cette activité sera maximale entre août et
    janvier mais de grandes disparités existent entre les races. La reproduction naturelle ne sera efficace que dans cette période, il est inutile de «lutter» contre la nature. Il faut sinon recourir à des méthodes de désaisonnement mais il faut alors respecter certaines bonnes pratiques (cf. infra). 
  • La durée de l’oestrus et la durée de la saison sexuelle : variables en fonction de la race, de l’âge et de la présence du mâle. Par exemple, la durée de saison sexuelle des agnelles est plus courte que celle des brebis, il suffit donc que le bélier ne soit pas mis au bon moment pour rater cette période de reproduction. 
  • La maturité sexuelle des jeunes doit être atteinte (selon la race toujours) : âge et poids minimum sont requis tant pour les femelles que pour les mâles. Liés aux femelles 
  • L’activité sexuelle est plus saisonnée que pour le mâle et l’acceptation de celui-ci est limitée à l’ovulation. 
  • Un intervalle suffisant doit être laissé entre la dernière mise-bas et la mise à la reproduction : celui-ci varie selon la méthode de reproduction mise en oeuvre. Il correspond au temps nécessaire à l’appareil génital pour recouvrer toutes ses capacités. Une mise à la reproduction trop hâtive présente le risque de tenter de faire reproduire des femelles qui ne seraient pas prêtes et qui ne rempliraient donc pas.
  • L’effet mâle : après une séparation de 3 semaines minimum, la réintroduction d’un bélier va stimuler la production des femelles mais si la présence du mâle accélère la venue en chaleur, il diminue la durée de l’oestrus.
  • La longueur du cycle est directement influencée par le photopériodisme, l’alimentation, et les facteurs environnementaux. 
  • L’âge de la puberté est lié à la date de naissance.
  • Stress / choc physique : le premier et le dernier mois de gestation sont les plus risqués. Une femelle avorte facilement suite à bousculade, une manipulation, une attaque de chiens, un transport...
  • Des températures excessives peuvent altérer l’oestrus et entraîner des avortements embryonnaires. 
  • Éviter de mélanger les agnelles avec les brebis : les béliers préfèrent les brebis et délaissent les agnelles qui sont plus farouches. 
  • La mise à la reproduction doit se faire après le sevrage des agneaux (il s’agit d’un facteur de stress). 

Liés aux mâles

  • Il n’est pas conseillé de mettre un jeune bélier pour lutter avec des agnelles : la reproduction ne sera pas efficace entre animaux inexpérimentés. Sans compter que mettre un jeune trop tôt à la reproduction peut potentiellement pénaliser tout le reste de carrière (en cas de mauvais résultat, vérifier les événements de l’année précédente !)
  • L’environnement social et sexuel est primordial. En période prépubère, un manque de contact hétérosexuel risque d’induire des perturbations dans son futur comportement sexuel (inhibition...). Par la suite, le phénomène de hiérarchie joue fortement : un individu dominé ne saillit pas en présence d’un bélier dominant. 
  • Attention au rapport nombre de mâles / nombre de femelles. Monte en main ou libre, saison sexuelle ou contre-saison, primipares ou multipares sont tout autant de critères à prendre en compte au risque sinon de voir certaines femelles non saillies.
  • La spermatogenèse : facteur essentiel à la fécondité lié à la saison et à l’âge. La maturation des spermatozoïdes durant 2 mois si un événement vient à la perturber, il faudra attendre la même durée pour que le bélier retrouve une fertilité normale. 
  • Des températures excessives (température ambiante ou fièvre) inhibent la spermatogenèse.
  • Les défauts congénitaux comme la monorchidie (un seul testicule descendu) ou la cryptorchidie (aucun testicule descendu) entraînent des défauts de fertilité. Cela reste facile à détecter sur les jeunes béliers.

L'alimentation

C’est un des premiers éléments à contrôler. Très impactante sur la fertilité tant pour les mâles que les femelles et encore bien trop souvent sous-estimée. 

La sous-alimentation diminue les performances de reproduction par atteinte de la libido et de la fertilité et risque pour les jeunes de retarder la puberté. Les brebis ne doivent pas non plus être trop grasses pour les mettre à la reproduction, cela entraîne une perturbation hormonale, une difficulté de fécondation et un défaut de nidation. L’idéal est d’avoir des femelles en reprise de poids. Le flushing ne s’effectue ainsi que lors d’état insuffisant, il peut être néfaste dans le cas contraire. Il faut que le  niveau alimentaire protéique et énergétique soit augmenté progressivement  pour favoriser la fertilité. 

Les carences de plusieurs oligoéléments et vitamines pénalisent la fertilité. Tout particulièrement le phosphore et la vitamine A. Le phosphore peut être apporté sous forme d’avoine ou par un aliment complémentaire. 

L’excès d’azote génère une intoxication ammoniacale inhibant la synthèse de progestérone et est directement toxique pour l’embryon. 

A noter également : certaines plantes contiennent naturellement des phyto-oestrogènes ou des parasites de plantes en produisant (champignons) responsables d’une perturbation endocrinienne. Le coumestrol en est un exemple : phyto-oestrogène produit par un champignon de la luzerne. 

La préparation alimentaire doit être faite, adaptée (race, poids de départ, type de production...), équilibrée (tout défaut alimentaire est  fortement pénalisant) et anticipée (les cures vitaminiques s’administrent  sur plusieurs jours, la remise en état des animaux nécessite du temps,...). Quantité, qualité, composition, rythme de distribution sont tout autant de paramètres à maîtriser.

L'état sanitaire

Il faut mettre en corrélation tout événement sanitaire et la reproduction.  On peut diagnostiquer des impacts directs et indirects de différentes pathologies. Toute atteinte sanitaire est susceptible de retentir sur les capacités reproductives. 

Les infestations parasitaires sont une causes fréquentes d’infertilité. Les boiteries, notamment des béliers, retentissent fortement sur leur libido. Un épisode fiévreux a de graves conséquences : l’hyperthermie détruit les spermatozoïdes, et peut engendrer une infertilité de 2 mois (temps nécessaire à la production de nouveaux spermatozoïdes). 

Certaines pathologies infectieuses ont de plus une incidence spécifique sur la reproduction (Brucellose,  Chlamydiose....) tant sur les mâles que sur les femelles. Elles sont à rechercher lors d’avortements sensu stricto. Certaines peuvent aussi atteindre les appareils reproducteurs, perturber la production de gamètes ou générer des résorptions embryonnaires précoces (femelles non vues gestantes). En cas de vaccination, on peut vérifier le protocole mis en place et sa date d’application.

Les infections des appareils génitaux sont bien sûr en première ligne et pourtant on n’y pense pas assez. Sur les béliers, la palpation des testicules peut permettre de mettre en évidence certaines lésions. Sur les brebis, les écoulements anormaux sont signes d’infection du tractus génital (vaginite purulente...). Le prolapsus, bien que plus fréquent sur brebis gestante, engendre une inflammation responsable d’infertilité.

De bons reproducteurs sont des reproducteurs en bonne santé !

Les techniques de reproduction

En lutte naturelle, si la physiologie des ovins est respectée, que la conduite du troupeau est bien menée, que les animaux sont en bon état sanitaire et que l’alimentation est correctement suivie, les résultats doivent être bons. Dès lors que l’on a recours à d’autres procédés, des contraintes techniques supplémentaires sont à respecter sous peine d’obtenir de mauvais résultats.

Voici quelques erreurs à ne pas commettre :

L’insémination animale

  • Eviter l’effet bélier : il accélère le processus d’ovulation, et l’inséminateur risque d’arriver trop tard (temps entre le début de chaleurs et l’ovulation raccourcie). Attention aussi aux jeunes agneaux non
    sevrés, au voisinage de béliers dans une parcelle extérieure...
  • Eviter l’effet «femelle en chaleur» : respecter un intervalle de quelques jours entre lots.
  • Respecter soigneusement les horaires fixés par le centre d’IA
  • Travailler dans le calme 
  • Intervalle depuis dernière mise bas d’au moins 90 jours.

Pour la pose d’éponges

  • Le respect des protocoles : durée de pose, moment de retrait, dose de PMSG (fonction de la race, de la période et de la parité), moment d’insémination ou de monte naturelle...
  • Le respect des normes d’hygiène à la pose et dépose (désinfection du matériel, mains propres et gantées,...) pour éviter tout problème infectieux.
  • Ne pas éponger des brebis qui n’ont pas mis bas à la saison précédente (les éponges ne sont pas un remède à l’infécondité).
  • Penser au dépucelage des agnelles 8 jours avant la pose (risque de perforation, d’adhérences). 
  • Eviter tout stress, avant, pendant et après.
  • Ne pas éponger lors de constat d’anomalie à la pose (écoulements...) et ne pas inséminer les brebis lors de ce constat au retrait (veiller à la désinfection et noter la brebis pour mise à la reproduction ultérieure).
  • Prendre en compte que même si les béliers sont capables de saillir toute l’année, en contre-saison, ils présentent une baisse libido, une baisse de production et de qualité de semence.
  • Intervalle depuis dernière mise-bas d’au moins 60 j en saison et de 75j en contre-saison (brebis laitières : 130j).

Pour les implants de mélatonine

  • Le respect du calendrier de pose pour les béliers et les brebis.
  • Il ne s’agit pas d’une pratique de désaisonnement, mais juste  d’une avance de saison qui ne doit pas excéder 2 mois par rapport à la saison de reproduction naturelle de la race considérée.

POUR CONCLURE...

Le constat d’infécondité est réalisé en fin de saison, il est toujours temps néanmoins de réaliser le diagnostic étiologique. Il ne faut pas s’imaginer n’avoir à rechercher qu’une cause : plusieurs petits « défauts» mis bout à bout peuvent aboutir à de très mauvais résultats. C’est pourquoi une vérification de l’ensemble de ces critères peut s ‘avérer nécessaire. Les facteurs de risques à une mauvaise fécondité sont multiples mais les moyens de les éviter également. Le respect de la physiologie ovine et des conditions sanitaires correctes sont les conditions sine quanon. Des mesures techniques et d’hygiène simples peuvent être mises en place pour améliorer ou corriger les performances de reproduction. La mise à la reproduction ne s’improvise pas. Il faut choisir les reproducteurs, les techniques, les préventions, les périodes... Il faut réfléchir et préparer à l’avance, laisser le temps nécessaires à la préparation des animaux. Il faut connaître, prévoir et anticiper.