- Par Saïd Tahenni
Qu’est ce que le Culicoïde transmetteur de FCO et MHE ?
Ces dernières années, avec les changements climatiques, des maladies vectorielles émergentes (fièvre catarrhale, Schmallenberg, la peste équine africaine…) sont de retour en France avec l’apparition de nouvelles maladies vectorielles comme par exemple la maladie hémorragique épizootique (EHDV).
Ces maladies ont un lien commun, un vecteur appelé Culicoïde. Les connaissances de base de son mode de vie et son habitat et l’effet de des phénomènes climatiques sur sa reproduction et sa propagation dans le monde permet à des scientifiques de surveiller leur activité et leur propagation EN temps réel.
C’est quoi un culicoïde ?
Le Culicoïde est le plus petit insecte hématophage connu sous le nom de moucheron et qui mesure 3 mm de longueur environ. Il est un vecteur d’agents pathogènes d’importance économique sur le plan médical et vétérinaire. Actuellement, 1400 espèces sont identifiées et on les retrouve partout sur la planète, du niveau de la mer jusqu’à 4000 mètres d’altitude (à l’exception de l’Antarctique).
Plusieurs espèces de Culicoïdes ont été responsables de la transmission d’au moins 66 virus. Parmi eux, en médecine vétérinaire, on peut citer les arbovirus qui affectent le bétail et la faune sauvage, comme le virus de la fièvre catarrhale (BTV), le virus de la maladie hémorragique épizootique (EHDV), le virus de Schmallenberg et le virus de la peste équine africaine.
Cycle évolutif de culicoïde
Le cycle de vie est composé de quatre stades (Oeuf, larve, nymphe et adulte,) avec les quatre étapes larvaires. Seules les adultes femelles se nourrissent du sang.
L’accouplement a lieu le plus souvent dans de grands espaces et est précédé d’un vol nuptial composé de nombreux mâles et femelles. L’accouplement effectué, la femelle a un besoin de beaucoup de sang pour permettre la maturation des œufs et devient très agressive. Son repas de sang pris, elle se repose pendant 2 à 4 jours. Selon les espèces, ce repos peut prendre plus longtemps dans des zones froides. Ce n’est qu’ensuite qu’a lieu la ponte (en général elles font 5 à 6 pontes dans leur vie de femelles). Les œufs sont déposés dans de l’eau stagnante, boues, vases, aire d’ensilage et les bords des cours d’eau ou des mares. Ils sont recouverts de petites protections qui, en maintenant un film d’air à leur contact, leur facilitent la prise d’oxygène pour la respiration lorsque l’œuf est immergé. Les œufs éclosent en quelques jours, deviennent des larves. Elles ressemblent à des larves de nématocères avec une tête clarifiée, un corps composé de 11 segments et aucun appendice. La larve passe par 4 stades successifs au cours de son développement pour aboutir à la nymphe.
La nymphe a une durée de vie courte (2 à 6 jours). A cette étape elle ne se nourrit pas et donne naissance à insecte adulte.

(Visuel cycle de vie dus culicoïdes)
Transmission de virus
Après avoir piqué et infecté l’animal, le moucheron ingère le virus, ce virus provoque une infection au niveau de ses cellules intestinales. Le virus se réplique alors dans ses cellules, passe dans la cavité corporelle de l’insecte (hémocoele), puis infecte les glandes salivaires et se réplique à l’intérieur de celles-ci. Ce n’est qu’à l’issue de ce processus que le virus peut être transmis à un nouvel hôte.
Alimentation
Les mâles ne s’alimentent que de sucs végétaux tout au long de leur vie, tandis que les femelles se nourrissent de sang. (Selon les espèces Culicoïdes, les hôtes diffèrent : certains se nourrissent de sang humain, d’autres de sang d’oiseaux ou de bétail).
Les cycles des repas suivent un rythme circadien : la femelle se nourrit intensément la nuit. Elle repère tout d’abord sa proie grâce à ses palpes sensibles aux colonnes d’air chaud, humide et riche en CO2, qui s’élèvent au-dessus des hôtes qu’elle pique ensuite. Les pièces buccales de la trompe étant plus grossières que celles des moustiques, il se forme dans le derme une poche sanguine que la femelle aspire. La prise de ce repas est suivie d’une période de repos.
Habitat
Les Culicoïdes vivent en général dans des zones humides, en bord d’un cour d’eau, d’une mare ou étang ou dans des zones contenant de nombreux végétaux pourrissants. Ce sont des milieux favorables pour le développement des larves et nymphes. Les larves creusent à la surface du substrat pour s’enfouir légèrement et ne nagent librement que très rarement dans l’eau environnante. Quelques larves de Culicoïdes s’enfouissent également dans le sable, notamment Culicoïdes melleus ou Culicoïdes hollensis. Ces insectes nécessitent un habitat contenant une quantité suffisante d’arbres et de végétaux car certaines larves se nichent uniquement dans des trous d’arbre. Culicoïdes limicole prédominent les zones semi humides dans la savane ou ses zones boisées. Leur quantité diminue largement dès que les pluies s’intensifient, notamment dans les forêts tropicales. Ils sont capables de survivre dans les zones du littoral où les sols sont sableux et l’humidité, rapidement absorbée.
Rôle du vent dans la dispersion moucheron
Dans la plupart des cas, les déplacements des Culicoïdes se font par vol actif et n’excèdent pas 500 mètres autour de leur lieu de vie principal. Il permet de trouver les hôtes qui leur serviront de repas sanguin, pour leur accouplement.
Les vols passifs sont des trajets beaucoup plus longs, grâce à l’intervention du vent et des courants d’air chaud. La distance parcourue est de 1 à 700 kilomètres, pour des vents allant de 10 à 40 km/h à des températures qui varient entre 12°C et 35°. L’étude de ces vents et des déplacements de Culicoïdes ont permis d’expliquer différentes apparitions de nouveaux foyers de fièvre catarrhale d’une région indemne. La diminution de la vitesse de vent semblerait avoir aussi un effet positif : elle augmente la mortalité des adultes et diminuerait leur activité.

Rôle de la température dans la vie et l’activité de moucheron
Si la température est abaissée, les durées des différents stades du développement sont allongées et la reproduction virale est inhibé dans l’insecte. Ainsi, pour Culicoïdes imicola, dans les meilleures conditions, une nouvelle génération peut apparaître toutes les 2 semaines. Si les températures sont trop basses, l’insecte entre dans la phase d’hibernation. SELLERS (1996) a montré dans son étude qu’on retrouvait des Culicoïdes vecteur de la fièvre catarrhale en pleine activité dans des zones où la température oscillait entre 10°C et 35°C (la température idéale à leur activité est de 24°C).
(Tableau : effets des phénomènes météorologiques sur l’activité des culicoïdes)
Les températures élevées augmentent la durée de vie des adultes : WITTMANN (2000) a montré dans une de ses études que la durée de vie de Culicoïdes variipennis était trois fois plus longue à 30°C qu’à 15°C. Les températures trop élevées ont cependant un effet néfaste pour leur développement pendant la vie larvaire. Des chaleurs excessives entraînent une baisse de la fécondité de la femelle adulte. Enfin, il faut signaler que dans certaines conditions extrêmes, des températures trop élevées n’empêchent pas les insectes de transmettre le virus de la fièvre catarrhale et que le risque de transmission de virus de la fièvre catarrhale est plus élevé au cours de périodes où les températures oscillent entre 25 et 30°C.
Rôle des précipitations dans la vie et l’activité de moucheron
Les précipitations influent sur la biologie des Culicoïdes. La plus grande concentration de Culicoïdes imicola est souvent retrouvée dans les trois mois qui suivent celui de la plus grande pluviosité et les concentrations annuelles les plus importantes correspondaient aux années les plus humides (WITTMANN et BAYLIS, 2000), exemple de cette année 2024. Mais, si les précipitations deviennent trop importantes, l’activité de certains Culicoïdes peut être totalement arrêtée et les larves, qui se retrouvent dans des milieux trop humides, finissent par mourir (MELLOR, BOORMAN et BAYLIS, 2000).

Ces connaissances, ces renseignements sur la vie les culicoïdes et de leur habitat permettent au réseau de surveillance de l’activité des culicoïdes d’alerter en temps réel les acteurs de la santé animale ou humaine sur leur propagation et l’évolution des maladies qui transmettent. Cela permet aux vétérinaires et médecins d’agir rapidement pour lutter contre le moucheron et mettre en place un plan de prévention pour éviter la propagation de maladies et de limiter des pertes économiques conséquentes.