- Par Laurent Saboureau
Spécial Désaisonnement
Le désaisonnement (ou contresaison) en élevage ovin consiste à mettre des brebis à la reproduction en dehors de la période d’oestrus (chaleurs) naturel, soit pour un grand nombre de races, de mars à juin. Cette technique d’élevage doit permettre d’obtenir des agneaux bons à la vente en fin de quatrième trimestre ou début de premier trimestre de l’année suivante, période où le marché manque généralement de produits et où les cours sont donc plus élevés.
Si l’on considère «J=0» le jour de la mise à la reproduction, la préparation de celle-ci doit commencer plusieurs semaines avant.
J-60 Choisir et préparer les béliers
Pourquoi ?
Que l’on utilise ou non l’insémination artificielle, on aura besoin le moment venu de béliers pour saillir l’ensemble des brebis ou pour assurer la repasse. Or à cette période d’anoestrus des brebis, les béliers subissent aussi un «moins bien» sexuel : baisse de libido, baisse de la qualité et de la quantité de semence... Il faut donc les préparer et les stimuler. La fabrication des spermatozoïdes demandant 60 jours, c’est donc deux mois avant la mise à la reproduction qu’il faut s’intéresser aux béliers.
Combien ?
En contre saison, le nombre de béliers à préparer se calcule ainsi :
- 1 bélier pour 5 brebis ou 3 agnelles en cas de synchronisation des chaleurs par les éponges, 1 bélier / 20 à 25 femelles pour les races désaisonnant naturellement ou en repasse,
- 2 béliers minimum par lot quel que soit le nombre de femelles dans le lot,
- Si utilisation de jeunes béliers saillissant pour la première fois, en prévoir deux là où un seul bélier expérimenté suffirait.
Comment ?
- Ne retenir que les béliers de plus de 18 mois au moment des saillies (avant cet âge la production de spermatozoïdes reste plus faible qu’à l’âge adulte),
- Séparer les béliers des brebis s’ils sont ensemble,
- Vérifier les testicules, le fourreau et le gland (souples, sans lésion ni obstacle à la mobilisation),
- Vérifier les aplombs, s’assurer qu’il n’y a pas de boiterie et parer les onglons si nécessaire,
- Déparasiter à bon escient après analyse coproscopique,
- Distribuer un apport de phosphore et d’oligo-éléments (108150) et de vitamines AD3E, stimulants de la reproduction, et un hépatoprotecteur,
- Débuter la complémentation alimentaire selon l’état corporel des animaux (+15 à 20% des besoins énergétiques d’entretien, soit environ +200 g de céréales par rapport à la ration habituelle); si distribution de céréales, penser à apporter un minéral spécifique évitant le risque de gravelle (ex : 0200011).
Si au cours de la préparation un bélier vient à tomber malade et à subir un traitement, le retirer de la lutte ; l’hyperthermie et bon nombre de médicaments entraînent une baisse de la qualité de la semence.
J-45 à J-30 Choisir les brebis
Le désaisonnement est un bouleversement physiologique chez les brebis ; il faut donc choisir uniquement les plus aptes à le supporter et à y répondre positivement :
- Brebis de moins de 5 ans : au-delà, à la baisse naturelle de la fertilité s’ajoute le risque d’apparition d’anti-corps anti-PMSG chez les brebis épongées depuis plusieurs années,
- Agnelles de plus de 8 à 9 mois au moment de la lutte, et d’au moins 2/3 du poids adulte (40 à 55 kg selon les races) : en deçà, la gestation va perturber leur croissance et elles n’atteindront jamais leur développement complet,
- Brebis ayant mis bas durant la campagne précédente : le désaisonnement et la synchronisation qui l’accompagne ne sont pas des remèdes à l’infertilité,
- Brebis taries au moment du tri,
- Brebis dont la note d’état corporel (NEC) est < 3 : les réserves graisseuses chez les brebis trop grasses «captent» les hormones sexuelles lipophiles entrainant une baisse de la fertilité,
- Brebis en bon état de santé.
Si des inséminations artificielles sont prévues, ne pas oublier de prendre contact avec l’inséminateur pour fixer la date d’intervention.
J-30 Préparer les brebis sur le plan sanitaire
La règle des «3V» doit être respectée : Vermifuges - Vitamines (et autres minéraux) - Vaccins
- Vermifuges : comme pour les béliers, une analyse coproscopique préalable permet de traiter à bon escient ; l’utilisation d’un médicament rémanent peut s’avérer intéressant puisqu’il faudra ensuite éviter de manipuler les brebis dans le mois qui suit la mise à la reproduction,
- Vitamines et autres minéraux : c’est le flushing minéral (voir ci-après),
- Vaccins : dans les troupeaux où le risque d’avortement est important ou identifié, une vaccination peut être prescrite (Chlamydiose, Fièvre Q,Toxoplasmose...).
J-25 Préparer la pose d’éponges
Pour les races ne désaisonnant pas naturellement, le recours à une méthode hormonale associant éponges vaginales et PMSG est nécessaire en contresaison. Cette méthode permet de déclencher, mais également de synchroniser, la venue en chaleur des femelles.
- Dépuceler les agnelles : à l’aide du doigt ou de l’applicateur, afin d’éviter les adhérences sur les éponges lors de la pose et du retrait,
- Se faire prescrire et délivrer les éponges et la PMSG à la dose adéquate ; cette dose doit être adaptée à la race, à l’âge et au gabarit des femelles, ainsi qu’à la date d’injection (plus la technique est utilisée tôt dans la saison, plus la dose de PMSG doit être élevée pour une même brebis).
Attention : un sous-dosage de PMSG entraîne un défaut d’ovulation donc une baisse de fertilité, un surdosage entraîne des poly-ovulations responsables de résorptions embryonnaires précoces et d’une baisse consécutive de la prolificité, voire de la fertilité.
- Prévoir également : l’applicateur et son désinfectant, l’antiseptique pour les éponges, les seringues et les aiguilles pour l’injection de la PMSG.
Préparer les brebis sur le plan alimentaire : le flushing
- Objectif : obtenir une reprise de poids, avec effet positif sur l’ovulation et sur la réduction de la mortalité embryonnaire (augmentation de la fertilité, fécondité et prolificité) ; donc à ne mettre en place que si l’état corporel des brebis est insuffisant,
- Mise en place : 3 semaines avant la mise à la reproduction et trois semaines après, prévoir 300 à 400 g de céréales par brebis, dont la moitié sous forme d’avoine,
- Flushing minéral : Phosphore, manganèse, iode, cuivre, vitamine A et D3 sont les éléments minéraux indispensables à une bonne fertilité ; l’utilisation d’un minéral adapté ou d’un aliment complémentaire spécifique est donc important pour compléter le flushing alimentaire (ex : 0108150 + 0105180 liquide ou 0105030 granulés pendant 3 à 5 jours).
J-16 Poser les éponges
- Pulvériser les éponges avec un aérosol antiseptique (ex : 0104405) pour éviter les adhérences avec la muqueuse vaginale (conseillé chez les agnelles) : mettre les éponges dans un sac plastique,
pulvériser dans le sac et homogénéiser en brassant les éponges à travers celui-ci, - Poser une éponge par femelle à l’aide d’un applicateur adapté (brebis ou agnelle) préalablement désinfecté dans une solution antiseptique (ex : 0107200) ; changer la solution toutes les 25 femelles.
J-2 Retirer les éponges et injecter la PMSG
Le jour de pose ne comptant pas, les éponges sont retirées au bout de 14 jours :
- Diluer la PMSG au dernier moment en diluant le lyophilisat avec 2 ml de solvant par dose,
- Retirer l’éponge en tirant lentement la ficelle vers le bas ; si la ficelle n’est plus accessible, utiliser un spéculum et une pince de Kocher pour retirer l’éponge en douceur,
Attention : si insémination, retirer les éponges impérativement 55 heures avant l’heure d’insémination prévue pour les brebis, 52 heures pour les agnelles, - Injecter la dose de PMSG en intra-musculaire profonde dans le gigot ou le cou ; utiliser des aiguilles à usage unique ou changer l’aiguille toutes les 5 brebis pour éviter de propager une infection (risque d’abcès),
- Eliminer les éponges dans un conteneur agréé «déchets à risques infectieux» (DASRI),
- Noter les dates de pose des éponges et d’injection de la PMSG dans le carnet sanitaire.
J=0 Faire inséminer et/ou introduire les béliers
Insémination :
- Si les brebis sont en extérieur, les rentrer au moins deux heures avant l’insémination,
- Respecter scrupuleusement l’heure d’insémination prévue,
- Garder les femelles 2 à 3 heures au calme à l’intérieur après l’insémination,
- Pour assurer une repasse, introduire les béliers six heures après l’insémination.
Lutte en lots
- Introduire les béliers 48h après le retrait des éponges et l’injection de PMSG,
- Les laisser au minimum 48 heures avec les brebis.
Après l’insémination ou l’introduction des béliers, aucune manipulation des brebis n’est à prévoir pendant un mois afin de limiter les risques de résorptions embryonnaires.