Tique et éleveur : La borreliose de Lyme

Le rôle des tiques en tant que parasite hématophage ainsi que vecteur = porteur transmetteur de maladie comme la babésiose ou la piroplasmose est en général bien connu des éleveurs, puisque l’impact sur les animaux de rente peut être important.

Mais le risque pour l’éleveur lui-même est-il aussi connu ?

Nous évoquerons ici une des maladies transmises à l’homme par les tiques, ses conséquences parfois dramatiques et tout l’intérêt de s’en protéger.


Tique et éleveur : La borreliose de Lyme

Vecteur et épidémiologie de la borreliose de Lyme

Première maladie à vecteur dans l’hémisphère Nord (Europe, Amérique du Nord, Asie dont la Chine), la maladie de Lyme est provoquée par un ensemble de bactéries regroupées sous le nom de Borrelia burgdorferi sensus lato, qui comprend notamment pour la zone européenne Borrelia burgdorferi sensus stricto, Borrelia garinii et Borrelia afzelii. 

L’homme est considéré comme un hôte accidentel. En effet, ces bactéries pathogènes sont d’habitude retrouvées dans leurs hôtes sauvages qui leur servent de réservoir, ainsi que dans une partie de la population vectrice de tiques dures du genre Ixodes dont en Europe l’espèce principale Ixodes ricinus. 

Vecteur : la tique Ixodes ricinus

Ce parasite appartient aux Arthropodes et se caractérise par un cycle de vie en 3 stades, avec un passage d’un stade à l’autre via un seul repas sanguin obligatoire pour la mue : 

- Stade larvaire (3 paires de pattes) : les larves se nourrissent essentiellement sur des petits rongeurs, mais également parfois écureuil, hérisson et certains oiseaux sauvages par exemple.

- Stade nymphal (4 paires de pattes) : la nymphe fera son repas sanguin sur des animaux en général plus gros que ceux visés par la larve, comme des petits mammifères (lapin, lièvre, hérisson, écureuil) et des oiseaux.

- Stade adulte (4 paires de pattes) : c’est surtout la femelle qui recherche le sang nécessaire à la production des œufs, en s’attaquant de préférence aux grands mammifères sauvages (chevreuil, cerf, etc) et domestiques.

Ixodes ricinus apprécie les zones boisées et humides ne dépassant pas 1500 m d’altitude. En attente d’un hôte, elle se trouve sur les herbes et végétaux jusqu’à 1,5 m de haut principalement dans les forêts de feuillus, les orées, chemins et prairies en bordure de bois. Les tiques seront présentes de mars à novembre avec des pics d’activité au printemps et en automne, ce qui correspond aux pics de diagnostic de la borréliose de Lyme.

Transmission de la maladie de Lyme

Les borrélies se trouvent dans les glandes salivaires de la tique en attente d’un repas sanguin. La tique va chercher une zone de peau fine, humide, plus facile à transpercer (chez l’homme pli du genou, aisselle, cuir chevelu par exemple). Après la morsure, indolore, la tique va rester accrochée le temps de son repas : en Europe, la salive va être injectée à l’hôte dès environ 24 h après la morsure, entraînant le début de la transmission des bactéries (24 h pour B afzelii, 72 h pour B burgdorferi ss).

Chez l’homme, les stades les plus souvent retrouvés sont les nymphes et les adultes, ces derniers étant  plus facilement identifiables par leur taille et enlevés avant le repas à risque.

Heureusement, les tiques ne sont pas toutes porteuses de borrélies :

Le pourcentage varie selon le stade de développement et la zone du globe (entre 10 et 20% de portage en France). Il semble par contre que le nombre de cas diagnostiqués soit en augmentation : d’une part le réchauffement climatique permet à Ixodes ricinus d’étendre son aire de répartition, d’autre part l’augmentation tant des zones boisées que du cheptel de grands mammifères sauvages offre aux tiques et aux borrélies une occasion de prospérer. Toutefois, un biais existe à l’échelle mondiale : il pourrait aussi s’agir d’une amélioration des connaissances sur la maladie et donc une augmentation des cas sous-diagnostiqués auparavant. 

En France, selon les données collectées à ce jour, l’incidence serait de 5 000 à 10 000 cas par an, et les régions les plus touchées seraient le Limousin ainsi que l’Est du pays

Absence de contamination :

- Directe d’un animal hôte à un autre animal, d’un animal à l’homme, ou d’homme à homme : obligation d’un passage par le vecteur

- Par l’alimentation

- Par d’autres vecteurs : à ce jour seule la tique semble capable d’abriter et transmettre la maladie de Lyme

La maladie : symptômes de ses 3 phases

1ère phase (forme locale, cutanée) : De 2 à 30 jours après la morsure.

Symptôme typique et pathognomonique (= signature de la maladie) : ERYTHEME MIGRANT.

A ne pas confondre avec l’inflammation de la peau à l’endroit de la morsure, l’érythème migrant forme d’abord une tache rouge qui évolue ensuite en anneau de 5 cm de diamètre minimum au départ, le centre de la lésion reprenant une couleur plus normale. La lésion ne provoque ni douleur ni démangeaison.

En l’absence de traitement, l’érythème va s’agrandir, puis disparaître en un mois, mais peut également récidiver.

Autres symptômes possibles (également dans les deux autres phases) : 

- Arthralgie = douleurs articulaires, non typique de la maladie de Lyme.

- Asthénie = fatigue générale

- Myalgie = douleur musculaire

- Syndrome pseudo-grippal

Un traitement antibiotique de 14 jours, en général à base d’amoxicilline ou de doxycycline, permet à ce stade d’éliminer la bactérie, et donc d’éviter des complications de phase 2 et/ou 3.

2ème phase (forme disséminée) : De quelques semaines à quelques mois après la morsure.

Neuroborrélioses 

infection du système nerveux, forme la plus fréquente en France s’exprimant dans environ 15 % des cas de maladie de Lyme.

- Il s’agit principalement de méningoradiculite (2/3 à 4/5 des cas) : douleur radiculaire autour du site de la morsure, répondant mal aux anti-inflammatoires, avec perte de sensibilité voire des réflexes ostéotendineux (difficulté à mobiliser les doigts de la main par exemple).

- Méningite lymphocytaire : fréquente, avec maux de tête sans raideur, pouvant régresser spontanément.

- Paralysie faciale en cas d’atteinte des nerfs crâniens (souvent chez l’enfant).

- Encéphalite : atteinte du cerveau, peu fréquente,  provoquant des troubles de la mémoire, de la concentration, ainsi qu’une irritation pyramidale (= atteinte des fibres nerveuses reliant les centres moteurs aux  muscles entraînent  une modification des réflexes, atteinte de la motricité allant jusqu’à la paralysie +/- étendue notamment des membres).

Forme cardiologique :

- Essentiellement bloc atrioventriculaire : atteinte de la conduction de l’influx nerveux régulant le rythme cardiaque. Souvent bénins, ces troubles provoquent fatigue, syncope et/ou difficultés respiratoires. L’implantation d’un stimulateur cardiaque reste rare.

- Péricardite, myocardite : plutôt rare.

Forme cutanée :

- Erythème chronique migrant multiple : rare en France, persistance de plusieurs érythèmes sur le corps à l’exception des paumes et plantes de pied.

- Lymphocytome cutané bénin : nodule indolore, simple ou multiple, de couleur foncée, présent typiquement sur le lobe de l’oreille, autour des mamelons ou du scrotum.

Forme articulaire :

- Arthrite : elle concerne souvent une seule articulation, touchant principalement le genou, parfois l’épaule ou le coude. D’apparition brutale, elle évolue par poussée sur plusieurs semaines et peut disparaître spontanément pour revenir par la suite. Elle peut survenir chez l’adulte comme l’enfant.

Forme oculaire :

- Inflammation de l’œil et/ou du nerf optique, paralysie des muscles permettant les mouvements de l’œil, etc

Un traitement antibiotique de 21 jours est recommandé à ce stade, en général à base d’amoxicilline ou de ceftriaxone.

3ème phase :  Quelques mois à quelques années après la morsure.

Il implique des phénomènes inflammatoires chroniques et/ou immunitaires (maladie autoimmune liée à la toxicité des anticorps produits contre les borrélies).

Forme articulaire :

- Arthrite de Lyme : poussées d’arthrite récidivante, évoluant chroniquement. Le côté intermittent est typique de la maladie de Lyme. Par contre, les structures de l’articulation sont rarement touchées. 

Elle concerne environ 10% des cas aux USA.

Forme neurologique :

- Polyneuropathies sensitives axonales : souvent asymétriques, elles se traduisent notamment par des douleurs dans les membres, une perte de sensibilité.

- Encéphalomyélites chroniques 

- atteinte médullaire possible pouvant aller jusqu’à la parésie avec troubles de l’équilibre et même des troubles urinaires.

- encéphalite : atteinte de la mémoire, modification des réflexes, syndrome cérébelleux (atteinte du cervelet avec trouble de la marche et de l’équilibre, maladresse dans les mouvements rapides).

Forme cutanée :

- Acrodermatite chronique atrophiante : 1 à 8 ans après la morsure de tique, apparition de plaques ou de nodules de couleur violacée, d’abord sur le site de la morsure, puis s’étendant progressivement sur les membres. 

Développement ensuite d’une atrophie de la peau (perte d’épaisseur) qui prend un aspect fripé et une coloration brun-rouge.

Un traitement antibiotique de 21 jours est proposé à ce stade, en général à base de ceftriaxone. 

Malheureusement, la chronicité des lésions n’est plus due seulement à la bactérie, mais surtout à des processus d’inflammation chronique et/ou immunitaire. Le traitement antibiotique peut rester sans effet sur la clinique !

Diagnostic

Symptômes :

La présence d’un érythème migrant est une signature de la maladie de Lyme. 

Pour les autres signes cliniques, la borréliose fera partie du diagnostic différentiel.

Diagnostic direct :

Mise en évidence de la bactérie par culture, ou de son matériel génétique par PCR (Polymerase Chain Reaction : amplification de fragments d’ADN spécifique à l’espèce dans un échantillon).

Le développement en culture demande plusieurs semaines et est parfois décevant. La PCR est dépendante de la présence de bactérie, et ne marche donc pas dans les cas chroniques 

Diagnostic indirect :

Mise en évidence des anticorps produits par le corps en réaction à la présence de borrélies.

Attention, apparition des anticorps entre 2 et 4 semaines pour les IgM et 6 à 8 semaines pour les IgG : il faut donc un délai de 6 semaines entre une morsure de tique porteuse et un diagnostic fiable par immunologie !

Les anticorps liés à la présence de borrélies persistent des mois voire des années : un test positif ne signifie pas toujours que les symptômes sont dus à une maladie de Lyme active !

Comment s’en protéger ?

LE PLUS SIMPLE ?  

NE PAS SE FAIRE MORDRE PAR LES TIQUES !

Les populations humaines les plus à risque sont celles qui travaillent, vivent ou ont des activités de loisir dans les zones de vie des tiques :

- Forestiers, bûcherons, garde-chasse, éleveurs

- Promeneurs, sportifs, chasseurs, pêcheurs, campeurs

MEME SI CELA SEMBLE FASTIDIEUX, LES CONSEQUENCES DE LA MALADIE SONT SUFFISAMMENT GRAVES POUR JUSTIFIER UNE INSPECTION SYSTEMATIQUE AU RETOUR D’ACTIVITE A RISQUE !

EN CAS D’APPARITION D’UNE ZONE CUTANEE ROUGE EVOLUANT EN ANNEAU (ERYTHEME MIGRANT) CONSULTEZ VOTRE MEDECIN 

EN CAS DE SYPTÔMES EVOCATEURS D’UNE LYME, INDIQUEZ AU MEDECIN VOTRE PRATIQUE A RISQUE