- Par Maya Diehl
Toxoplasmose et éléveur : autre exemple de zoonose
Le protozoaire à l’origine de cette maladie est un parasite obligatoire des cellules de son hôte, que ce dernier soit définitif ou intermédiaire. Il a été découvert en laboratoire en 1908 chez des rongeurs et lagomorphes simultanément à Tunis (rongeur appelé Gondi, auteurs Nicolle et Manceaux), et à Sao Paulo (lapin, auteur Splendore). Son nom provient de sa forme arquée : en grec toxon = arc, plasma = forme. Il fait partie de la classe des Coccidea, ordre des Eimeriida, famille des Sarcocystidae.
La toxoplasmose
Le cycle se compose de 3 phases.
Cycle
Une phase chez l’hôte définitif (félidés, notamment chat domestique)
Le félin se contamine par ingestion de proies (oiseaux, petits mammifères) dont les muscles sont contaminés par des kystes contenant la forme de durée du parasite, le bradyzoite, ou par ingestion d’oocystes contenant les sporozoites, excrétés dans l’environnement par un congénère.
Bradyzoites et sporozoites vont infester les cellules de l’épithélium intestinal du félin et se multiplier de une à 9 TOXOPLASMOSE et ÉLEVEUR : autre exemple de zoonose plusieurs fois de manière asexuée. Par la suite, une reproduction sexuée a lieu, la gamogonie, toujours dans les cellules intestinales, aboutissant à la formation d’une forme de durée dans l’environnement, l’oocyste, qui va être excrété à l’extérieur dans les fèces du félin : l’excrétion est transitoire, de l’ordre de quelques millions d’oocystes, pendant les 7 à 15 jours suivant la contamination (mise en place de l’immunité du félin contre le parasite).
Pour l’ANSES (Fiche de description de danger biologique transmissible par les aliments, avril 2011), environ 1% des chats seront excréteurs une fois dans leur vie.
La maturation des oocystes prend jusqu’à 5 jours selon température et humidité du milieu extérieur. Elle aboutit à la formation de quatre sporozoites restant dans l’oocyste en attente d’ingestion par l’hôte intermédiaire.
Deux phases chez l’hôte intermédiaire (oiseaux, mammifères, également possible chez l’hôte définitif)
- L’hôte se contamine en ingérant soit des oocystes présents dans des aliments souillés de terre contaminée, soit des kystes présents dans les muscles de sa proie. Le parasite va être libéré du kyste ou de l’oocyste, pénétrer dans l’organisme de l’hôte et attaquer ses macrophages sous la forme appelée tachyzoite : cela lui permet d’une part de se multiplier, et d’autre part d’atteindre l’ensemble de l’organisme par la circulation sanguine ou lymphatique.
- Si le système immunitaire de l’hôte est compétent, il va réagir et pousser le parasite à s’enkyster dans les tissus comme les muscles ou le système nerveux (cerveau notamment) et l’œil : les kystes contiennent la forme bradyzoite qui se multiplie très lentement, et vont perdurer toute la vie de l’hôte. La voie immunitaire protectrice est la voie cellulaire (lymphocytes T), la voie humorale (lymphocytes B producteurs d’anticorps) n’a pas d’intérêt protecteur mais sera utilisée pour le diagnostic.
Prévalence
(pourcentage de la population à être porteur du parasite)
Hôtes intermédiaires
- Dans le cycle normal de la toxoplasmose : petits rongeurs, gibier, oiseaux.
- En impasse du cycle : Mammifères domestiques : ovins ; caprins ; porcs plein-air ; bovin ; volaille ; cheval. Être humain
La prévalence chez l’humain dépend du mode de contamination
En Europe et Amérique du Nord, le nombre de cas dépend de l’habitude de cuisson des viandes : plus la viande est consommée cuite, moins il y a de personnes contaminées.
Sur les autres continents, la pré- valence semble dépendre plus du climat car la contamination se fait plus via la terre souillée : plus le climat est sec, moins le nombre de cas sera élevé.
En France, la séroprévalence (part de la population porteuse d’anticorps contre le toxoplasme) diminue depuis 30 ans dans la population, et varie selon les régions, avec par exemple une forte prévalence en Ile de France et en Aquitaine.
Contamination
Par la voie alimentaire chez l’animal :
Par ingestion d’aliment souillé par les crottes de chat, possible en bâtiment comme au pré, ou par ingestion de proie entière ou de viande crue.
Par la voie alimentaire hez l’homme :
- Par ingestion de viande crue ou pas assez cuite (30 à 60% des cas) ainsi que de salaison, d’aliments crus (légumes, fruits, salade) insuffisamment lavés ou ayant été en contact avec un aliment contaminé (viande crue sur la même planche à découper).
- Via les mains ayant été en contact avec un aliment ou de la terre contaminés.
Par contact direct avec un chat excréteur (surtout les chatons)
Par la voie transplacentaire :
Chez la femme enceinte ou la femelle gestante (brebis, chèvre notamment), par la forme tachyzoite.
Par transfusion sanguine ou transplantation d’organe contaminé (rare) :
Les oocystes ont une grande résistance dans l’environnement : ils peuvent persister des mois dans la nature y compris par période de froid (plusieurs mois à +4°C), permettant la contamination des animaux sans observation de chat ou de déjection depuis un moment.
Les kystes musculaires ne résistent pas à la congélation à -20°C pendant au moins 24 h, ou 3 jours à -12°C. Ils sont tués par une cuisson à 67°C (ou au minimum 56°C pendant 15 minutes).
La toxoplasmose humaine
Pathologie
La maladie est en général bénigne lorsqu’elle intervient en dehors d’une grossesse.
Les symptômes apparaissent après 10 à 23 jours d’incubation, et divergent en fonction du statut immunitaire de la personne :
Immunocompétent
Souvent, la toxoplasmose sera asymptomatique ou uniquement révélée par une augmentation de volume des ganglions du cou. Forme ganglionnaire : dans 10 à 20 % des cas, des symptômes plus importants sont présents : asthénie (fatigue) fièvre, douleurs musculaires, adénopathie (gonflement des ganglions lymphatiques), rash cutané.
Les enfants et adolescents peuvent développer une méningite. Une atteinte des poumons peut survenir, tout comme une atteinte du cœur allant d’un défaut du rythme cardiaque (arythmie) jusqu’à la péricardite chronique ou à l’insuffisance cardiaque.
Immunodéficient
Chez les personnes immunodéprimées comme par exemple les patients greffés ou ceux atteints du VIH, par réactivation de kystes : les parasites détruisent alors localement les tissus (inflammation, œdème et nécrose), ce qui peut provoquer des atteintes graves du cerveau :
Toxoplasmose cérébrale, deux formes cliniques principales :
- Forme encéphalitique : troubles de la vigilance, fièvre, maux de tête, autres symptômes possibles selon les atteintes de nerfs crâniens.
- Forme pseudotumorale à type d’abcès cérébral : hémiplégie ou hémiparésie (paralysie unilatérale), aphasie (perte de la parole), syndrome cérébelleux (atteinte du cervelet avec ataxie et / ou troubles de la motricité fine), atteinte de nerfs crâniens. L’ensemble des symptômes possibles est souvent accompagné de fièvre.
Système immunitaire non mature : toxoplasmose congénitale
L’infection a lieu lors de la grossesse : le risque de passage à travers le placenta est d’autant plus important que la grossesse est avancée. Par contre, la gravité de la toxoplasmose sera la plus importante en début de grossesse, diminuant au fil du déroulement de la grossesse. En cas de séroconversion de la femme enceinte pendant la grossesse (apparition d’anticorps contre le toxoplasme dans le sang maternel), le risque d’un passage du parasite chez le fœtus est de l’ordre de 30%.
Les symptômes seront :
- Avortement
- Mort fœtale
- Naissance prématurée
- Atteintes possible selon les tissus en cas de naissance à terme :
- Yeux : anomalie de la rétine (choriorétinite toxoplasmique) pouvant aller jusqu’à la cécité, dès la naissance ou dans les années qui suivent.
- Système neurologique (devenu très rare) : convulsions, hypotonie, méningoencéphalite, hydrocéphalie, retard psychomoteur avec graves séquelles. Les calcifications intracrâniennes sont typiques.
- Toxoplamose viscérale : atteinte du foie avec ictère (jaunisse) néonatale, hépatosplénomégalie.
Formes inapparentes (absence de symptôme à la naissance, seule la sérologie est positive chez le nouveau-né) : les plus fréquentes depuis l’obligation de suivi des femmes enceintes, elles consistent en un risque d’apparition de choriorétinite n’importe quand dans la vie de l’individu.
Diagnostic
- Imagerie médicale : dans le cas de toxoplasmose congénitale, elle permet d’évaluer les dégâts causés par le parasite pendant la grossesse et après la naissance, permettant une éventuelle prise de décision quant à la suite de la grossesse.
- Direct : recherche du parasite dans des biopsies ou dans le liquide céphalorachidien par exemple (coloration Giemsa lent), ou par PCR qui est peu efficace dans le cas de la toxoplasmose cérébrale.
- Indirect : via essentiellement deux classes d’anticorps :
- IgG : persistance en faible quantité tant qu’il y a présence de kyste dans l’organisme.
- IgM : apparition rapide après la contamination maternelle, persistance jusqu’à un an après infestation.
Prévention
Elle est avant tout essentielle chez la femme enceinte séronégative :
- Eviter le contact direct avec les chats ou leurs excréments (hygiène de la litière).
- Cuire les aliments à cœur (viande, lait cru, œuf). Laver les crudités avant consommation. Eviter les salaisons.
- Se laver systématiquement les mains après tout contact avec des matières «à risque» (aliments, terre ou éléments souillés de terre), voire porter des gants.
- Suivre par sérologie l’évolution du statut immunitaire de la future mère au moins jusqu’à la naissance.
Un chat ne sortant pas à l’extérieur du domicile et nourri uniquement par des croquettes ou des conserves n’est pas exposé à un risque de contamination. Seuls les chats sortant à l’extérieur ou ayant accès à de la viande crue sont porteurs-excréteurs potentiels.
Traitement
En général il n’est pas nécessaire de traiter une toxoplasmose classique.
Par contre, une antibiothérapie sera mise en place avec spiramycine, pyriméthamine - sulfadoxine ou pyriméthamine - sulfadiazine, dans les cas de toxoplasmose congénitale ou toxoplasmose chez les immunodéprimés notamment.