- Par Laurent Saboureau
Allaitement artificiel : toujours rentable
En élevage ovin, l’allaitement artificiel est une technique permettant d’élever les agneaux surnuméraires ou ceux nés d’une mère n’ayant pas ou insuffisamment de lait, ou n’ayant pas survécu à la mise-bas.
Elle est une alternative à l’adoption pas toujours évidente à réussir dans cette espèce. Sur le terrain, deux objections sont cependant souvent opposées à cette technique : sa rentabilité et le taux de mortalité des agneaux qui y sont élevés.
Sur le plan économique, il est vrai que depuis quelques années les cours des matières premières entrant dans la composition des aliments d’allaitement sont élevés, entraînant des tarifs significativement hauts pour ces aliments. Le début de l’année 2014 connaît d’ailleurs des cours de la poudre de lait écrémé et des protéines de sérum laitiers en hausse. Et la volatilité des cours sur ce marché sensible rend difficile toute prévision pour l’avenir. La fameuse théorie de l’incidence «du simple battement d’aile d’un papillon» vaut ici aussi : la consommation humaine mondiale en produits laitiers, la météorologie en divers points du globe (le typhon indonésien de 2013 a ainsi fait monter les cours des huiles végétales), la production de lait de vache européenne.... Autant de facteurs de variation à la hausse ou à la baisse des cours et donc des tarifs des aliments d’allaitement.
Premier point rassurant :
Certains spécialistes de ce secteur tablent sur un sommet atteint actuellement par ces tarifs, et donc sur des baisses pour les mois à venir. Second motif de réflexion pour ne pas écarter «à priori» la technique de l’allaitement artificiel : un rapide calcul achats/ventes. C’est à ce calcul que nous nous sommes livrés avec un de nos éleveurs*, adhérent au Programme Sanitaire d’Elevage du Pôle Santé Animale. Les principaux chiffres sont réunis dans le tableau ci-dessous. Sur deux années, sans perte importante et en utilisant un aliment d’allaitement au rapport qualité/prix optimisé (aliment à base de produits laitiers sans poudre de lait écrémé), l’élevage et la vente d’agneaux «biberons » (agneaux ne consommant que du lait et vendus entre 14 et 18 kg) a permis une marge moyenne sur coût alimentaire de près de 1500 € HT. Même déduction faite des autres charges (main d’oeuvre, eau, électricité, matériel d’allaitement) liées à l’allaitement, la rentabilité existe donc bien.
La vente d’agneaux «biberons» nécessite cependant l’existence d’une filière de commercialisation. Lorsque cette filière n’existe pas, il est nécessaire de sevrer les agneaux puis de les engraisser. C’est dans ces conditions, souvent à cause d’un sevrage trop tardif, qu’apparaissent les mortalités qui découragent l’éleveur.
Quelques recommandations pour sevrer précocement et éviter les mortalités :
- Choix des agneaux : mettre à l’allaitement artificiel l’agneau le plus gros de la portée,
- Vérifier la prise suffisante de colostrum maternel ou distribuer un colostrum de remplacement,
- Respecter la concentration de dilution indiquée sur la notice de l’aliment (souvent autour de 180 g de poudre pour 1 l d’eau) ; si utilisation d’une machine d’allaitement, vérifier le réglage de la concentration,
- En cas de distribution manuelle, respecter la température de préparation (eau chaude 55°C) et de distribution (40°C), ainsi que la durée d’agitation pour une bonne dilution (30 secondes),
- Distribuer dès les premiers jours un aliment démarrage (exemple : 0200380) renouvelé régulièrement, du foin de prairie naturelle et de l’eau propre,
- Mélanger 0100370X à l’aliment d’allaitement ou 0111020 à l’aliment concentré pour une meilleure gestion des problèmes digestifs et pulmonaires (aliments complémentaires à base de plantes),
- Nettoyer quotidiennement le matériel de distribution,
- Sevrer précocement (1 mois à 1,5 mois ou 12-13 kg de poids vif).
Les maladies néonatales : pourquoi et comment ?
Les maladies infectieuses apparaissant dès les premiers jours de vie d’un jeune ruminant ont pour origine soit une contamination «in-utéro», dans le cas de maladies transmissibles, soit une contamination après
mise-bas. Dans ce dernier cas, qui est de loin le plus fréquent, le nouveau-né, qu’il soit veau, agneau ou chevreau, naît stérile et se contamine dans les minutes ou les heures qui suivent sa naissance au contact de son environnement immédiat : mère, litière, air ambiant...
La contamination se fait par voie orale (léchage d’une mamelle souillée), ombilicale (assèchement insuffisamment rapide du cordon) ou cutanée à la faveur d’une plaie accidentelle ou induite par la pose d’une boucle auriculaire, d’une coupe de queue ou d’un écornage. Les infections qui peuvent en découler sont nombreuses et les symptômes variés. Citons pêle-mêle pour fixer les esprits : omphalo-phlébite, entérite, diarrhée, septicémie, arthrite, déshydratation, méningo-myélite, tétanos, abcès...
Ces infections sont d’autant plus aigües et fatales qu’elles atteignent des animaux nouveau-nés sans défense immunitaire acquise ou passive, la structure du placenta des ruminants ne laissant pas passer les anti-corps maternels contrairement à la placentation humaine.
Dans ces conditions, la prévention de ces maladies passe par :
La limitation des sources de contamination :
- Confort et l’hygiène de la zone de mise-bas : respect des normes de surface de litière, d’aération et de renouvellement d’air, de température ambiante...
Hygiène de la litière :
- Paillage régulier en quantité et en qualité, recours à des produits d’hygiène des litières réellement asséchants et désinfectants et pas seulement «absorbants», abandon des produits à base de chaux alcalinisant les litières et les sols et favorisant le développement des collibacilles...
La limitation des contaminations :
- Séchage rapide des nouveau-nés pour éviter que se forme à la surface de la peau un biofilm de germes pathogènes,
- Désinfection du cordon et des boucles,
- Implantation d’une flore digestive favorable empêchant le développement digestif de germes pathogènes ingérés,
Le renforcement des défenses du nouveau-né :
- Prise en quantité suffisante d’un colostrum de qualité, éventuellement favorisée par la vaccination des mères en fin de gestation,
- Administration d’un sérum antitétanique en cas de caudectomie ou d’écornage sans vaccination des mères contre les affections clostridiennes en fin de gestation,
- Stimulation vitaminique de l’immunité naturelle.
Troubles digestifs des nouveau-nés : penser aux fonctions vitales
Les maladies néonatales, qu’elles soient d’origine infectieuse (collibacillose par exemple), parasitaire (cryptosporidiose par exemple) ou alimentaire, entraînent plusieurs types de symptômes :
- diarrhée,
- déshydratation et dénutrition consécutives à cette diarrhée,
- déséquilibre de la flore digestive,
- élévation de la température corporelle consécutive à l’inflammation puis baisse de cette température quand les fonctions vitales «lâchent»,
- troubles nerveux, etc...
Si le recours aux antibiotiques ou aux anti-parasitaires après identification du germe ou du parasite responsable peut être indiqué pour traiter l’origine de la maladie, le soutien des fonctions vitales compromises
par ces symptômes ne doit jamais être oublié.
Sous peine de compromettre l’efficacité du traitement causal, il faut donc toujours penser :
- A réchauffer : réveil-agneau, lampe infra-rouge, manteau
Point particulièrement important car si la température corporelle tombe en dessous de 35°C, un jeune animal n’a pratiquement aucune chance de «remonter la pente» et de survivre,
- A limiter les signes de diarrhée : argile, charbon activé, pectines (0106020, 0106012, 0104178...),
- A réhydrater et réalimenter : électrolytes, sources d’énergie, minéraux et vitamines (0108256 ...)
Attention : un animal peut mourir débarrassé de ses germes mais déshydraté !