- Par Saïd Tahenni
Ergotisme - Intoxication des ovins par l’ergot
L’ergot est un champignon qui contamine les graminées et qui, lorsqu’il est ingéré en quantités suffisantes, devient dommageable par sa production de mycotoxines.
On l’identifie par la formation de masses rigides et de couleur foncée sur les épis de graminées en début de floraison. Ces masses pourpres ou brunes sont généralement d’une taille égale ou cinq fois plus grande que celle des grains de graminée.
Il peut engendrer des pertes économiques considérables sur la production des cultures ou sur la production animale (surtout la production laitière).
La conséquence d’un empoisonnement à l’ergot dépend surtout de la durée et de la quantité consommée. L’intoxication à l’ergot (Claviceps purpurea) peut survenir chez différentes espèces. Chez l’homme, cette intoxication fait partie du passé. Au moyen-âge elle était connue sous le nom de MAL DES ARDENTS et FEU DE SAINT ANTOINE.
Biologie de l’ergot (Claviceps purpurea)
Le champignon Claviceps purpurea peut contaminer plusieurs types de plantes cultivées : céréales (blé, triticale, orge, avoine, épeautre riz, seigle), et toutes sortes de graminées herbacées de pâturages (le raygrass, le vulpin des prés, le brome, le mil, l’alpiste roseau, les fétuques, les pâturins, les sétaires, le dactyle pelotonné et le chiendent).
C’est le plus fréquent et le plus nocif des espèces de champignon (claviceps).
La contamination des plantes varie d’une année à l’autre selon les conditions climatiques. Le temps frais et humide augmente le risque de contamination en favorisant la germination des sclérotes et la production des spores. Le sclérote, masse mycélienne noire violacée cassante, blanchâtre à l’intérieur, remplace le grain, puis tombe sur le sol où elle se conserve durant l’hiver.
Au début du printemps le sclérote germe produisant plusieurs sphères pédicellées (qui sont des stromas) renfermant des périthèces. C’est la forme téléomorphe. Claviceps purpurea est homothallique, mais le sclérote peut être formé de mycélium issu de plusieurs spores et dans ce cas la reproduction sexuée peut se réaliser avec l’interaction de deux thalles différents.
Les asques renferment 8 ascospores filiformes qui vont contaminer les stigmates d’un hôte puis l’ovaire, où le mycélium forme un capuchon blanc. C’est la forme conidienne. Les conidies produites dans un mélia sont disséminées par les insectes ou par le vent. Lorsque la production de conidies cesse, la forme sphacélienne évolue en sclérote.
La carence des sols en cuivre augmente aussi le risque des contamination; tandis que l’obscurité, les temps secs et sombres sont défavorables au développement de l’ergot.
Symptômatologie de l’intoxication chez les ovins
L’intoxication à l’ergot est une maladie connue depuis longtemps par les différentes espèces bovine, ovine, caprine, volaille, porcine, carnivore et équine ; ainsi que chez l’homme.
Les symptômes communs sont la perte d’appétit et l’affaiblissement. Chez les ovins, les symptômes sont des difficultés respiratoires, une hyper-salivation, des diarrhées, voire des saignements digestifs, des douleurs abdominales, une température élevée (syndrome hyperthermique). Le taux de gestation est également diminué ainsi qu’une chute de production laitière.
En cas d’empoisonnement sérieux, on distingue deux formes de symptômes : nerveuse et gangreneuse.
Forme nerveuse
La dépression et l’affaiblissement sont évidents. On observe des tremblements musculaires, des convulsions, des contractions des pattes et du délire. L’animal souffre de catarrhe gastro-intestinal, refuse de manger et son état de chair se détériore.
On assiste parfois à une mort rapide précédée de spasmes ou de convulsions.
Forme gangreneuse (ou générale)
L’arrêt sanguin causé par la vasoconstriction causera une nécrose aux extrémités de l’animal, particulièrement aux pieds, à la queue ou au bout des oreilles.
Les parties atteintes sont froides et se dessèchent; une démarcation apparaît qui cerne complètement le membre touché, séparant ainsi le tissu mort du tissu vivant. Il n’y a pas ou peu de perte de sang et on observe parfois la présence de pus. La mort peut
être dû à une invasion bactérienne secondaire autant qu’à la gangrène elle-même.
Les animaux qui survivent à un tel empoisonnement sont souvent handicapés pour la vie. Une troisième forme faite d’avortements est citée par certains auteurs (Loken 1984).
Diagnostic
Le diagnostic repose sur les données épidémiologiques et cliniques : apparition de signes cliniques très évocateurs après un changement dans la ration.
Le dosage de la prolactine sérique, dont le taux s’effondre, peut être un élément du diagnostic (Burfening, 1973 ; Schneider et al., 1996 ; Naudè et al., 2005).
L’examen visuel de la ration permet parfois de repérer facilement la présence de sclérotes et ainsi d’identifier l’aliment contaminé responsable de l’intoxication (Burfening,1973 ; Hogg, 1991). Ceci n’est toutefois pas possible lorsque les grains ont été transformés par l’industriel d’aliment. Une analyse toxicologique, par une technique ELISA, des aliments contaminés, permet d’identifier et de doser les alcaloïdes (Hogg, 1991 ; Schneider et al., 1996).
Traitement et prophylaxie
Une fois l’aliment infesté identifié, il faut le retirer rapidement de la ration. Dans le cas du syndrome hyperthermique d’été, l’installation de brumisateurs d’eau fraîche dans le bâtiment, ou un bain permettent un soulagement des animaux pendant plusieurs
heures (Schneider et al., 1996).
Des mesures préventives agronomiques peuvent limiter la contamination des plantes par Claviceps.
Exemple : un labour profond, enterrant les sclérotes, réduirait l’infestation des plantes à la saison suivante; utiliser des semences non-contaminées, stocker les semences pendant deux ans,assurer une rotation des pâturages et doser le cuivre dans le sol et supplémenter si nécessaire (5 à 30 kg CuSO4/ha/an) si le sol est pauvre en cuivre.
Adoption de pratiques culturales permettant de limiter les contaminations :
- Privilégier le labour après une épidémie ;
- Eviter les rotations uniquement àbase de céréales à pailles ;
- Employer des semences certifiées;
- Contrôler le développement des graminées adventices ;
- Faucher les graminées sauvages avant floraison (sauf avis contraire par arrêté préfectoral en raison de la préservation de la faune sauvage) ;
- Autocontrôle possible à la ferme ;
- Tri admis ;
- Elimination des déchets (sclérotes).
L’intoxication à l’ergot n’appartient pas au passé et est toujours bien d’actualité.
Dans le cas ou la contamination des grains est visible, le diagnostic est assez facile à poser, ce qui n’est pas le cas si les grains sont transformés.
En cas de suspicion, une analyse de laboratoire est indispensable.