- Par Saïd Tahenni
Intoxication au cuivre chez les ovins
Les ovins sont les ruminants domestiques les plus prédisposés au risque d’intoxication au cuivre (Cu), vu leur métabolisme hépatique différent des autres ruminants (bovin, caprin). L’organisme de l’animal absorbe le cuivre du régime en fonction de la quantité de cuivre offerte dans l’alimentation et non en fonction des besoins du corps comme c’est le cas dans l’absorption d’autres minéraux. Tout cuivre supplémentaire absorbé est entreposé dans les cellules du foie, atteignant parfois des niveaux toxiques. Cet entreposage dans le foie peut prendre des mois ou même des années avant d’atteindre un niveau toxique. L’élimination du cuivre du corps par les reins est lente.
La sensibilité de l’animal à l’intoxication au Cu diffère d’un individu à l’autre et d’une race à une autre. Par exemple, les races Anglo-saxonnes (Hampshire, Suffolk et Cheviot) et la race Texel sont plus vulnérables que les autres races ovines. L’âge intervient également, les jeunes animaux sont plus fragiles comparés aux adultes.
Les circonstances d’apparition
Les circonstances d’apparition sont en général soit accidentelles par absorption ou léchage de contenu de pédiluve à base de sulfate de cuivre, soit liées à la quantité de cuivre dépassant le seuil tolérable (15 ppm / kg de MS ) que contient un complément alimentaire ou minéral, ou des pâturages près de vignes ou de vergers traités avec de la bouillie bordelaise ou encore de fourrages amendés par des lisiers de volaille ou de porcs (et notamment lorsque ces animaux sont nourris avec des aliments enrichis en cuivre qui dépassent le seuil préconisé) et parfois lié à une carence de molybdène dans les sols.
Quel sont les signes cliniques ?
Forme aiguë :
Les symptômes apparaissent en 12 à 24 heures, après avoir absorbé de grandes quantités de sulfate de cuivre : Solution du pédiluve ou consommation de végétaux traités à la bouillie bordelaise (1 à 5 % de sulfate de cuivre) ou alimentation riche en cuivre. On observe :
- Salivation, diarrhée aqueuse gris vert, parfois hémorragique.
- Convulsions puis paralysie.
- Parfois pas d’ictère.
La mort survient de 2 à 48 heures après les premiers symptômes.
Forme chronique :
Les surplus de cuivre ingérés en trop grandes quantités sur plusieurs jours sont stockés dans le foie, ils sont libérés dans la circulation sanguine suite à un stress quelconque. Cette libération entraîne la destruction des globules rouges et des signes cliniques sont observés :
- Abattement de l’animal, anorexie et polydipsie
- Douleur abdominale
- Diarrhée
- Ictère, l’œil devient jaune
- Urine rouge (présence de sang dans l’urine)
- Mort de l’animal
Diagnostic
Une fois que les signes cliniques d’intoxication en cuivre sont suspectés, il faut se demander comment cela a pu se produire et chercher l’origine de l’intoxication qui est souvent accidentelle par une complémentation minérale ou alimentaire qui contient de cuivre à un seuil qui dépasse le 15 ppm / kg de matière sèche.
Le diagnostic clinique est confirmé en général par une autopsie ou par une analyse biochimique.
A l‘autopsie on voit :
1 - Des lésions de la forme aiguë : Congestion du tube digestif, du foie, des reins et de la rate
2 - Des lésions de la forme chronique : Ictère très marqué, généralisé avec une dégénérescence du foie. Les reins sont de couleur bronze foncé à noir. Parfois des épanchements séro-hémorragiques dans la cage thoracique.
Un diagnostic différentiel doit être réalisé avec des pathologies qui présentent des signes d’ictère comme par exemple la LEPTOSPIROSE, la PIROPLASMOSE, la photosensibilisation et l’intoxication par des plantes hépatotoxiques.
Quel traitement ?
Un traitement d’urgence de la forme chronique est conseillé avec EDTA calcique par voie veineuse à raison de 40 à 50 mg/kg PV. Une à deux fois à trois jours d’intervalle si nécessaire avec un hépato-protecteur pendant 5 jours.
Sur le reste du lot à risque, on prescrit du thiosulfate de sodium 6 à 20 mg / kg PV / jour pendant trois semaines par voie orale, ou une association de 13 mg de molybdène (sous forme de molybdate d’ammonium).
Si l’ictère est installé, le pronostic est généralement réservé.
Le traitement de la forme aiguë est plus symptomatique et le pronostic est réservé.
Prévention
Les précautions à prendre :
- Ne pas utiliser une tuyauterie en cuivre pour les circuits d’eau de boisson.
- Faire attention aux aliments et aux compléments minéraux vitaminés trop riches en cuivre (le seuil est limité à 15 ppm / kg de MS).
- Éviter d’épandre du lisier de porc ou de volaille dans des pâtures destinées aux ovins.
- Ne jamais donner aux moutons d’aliments destinés à d’autres ruminants.
- Faire boire les animaux avant leurs passages dans un pédiluve contenant une solution à base de sulfate de cuivre et les surveiller lors de leur passage pour qu’ils ne puissent pas boire dans le pédiluve ou le lécher.
En conclusion
Bien que l’intoxication au cuivre soit peu fréquente, il faut toujours être vigilant et s’assurer que les aliments et les compléments minéraux que l’on incorpore sont adaptés pour les ovins et qu’ils contiennent un niveau adéquat de cuivre. En cas de doute, il est préférable d’analyser le taux de cuivre dans l’aliment.
NB : Le cuivre est un élément essentiel à la santé des ovins. Il est indispensable dans le métabolisme du fer, dans la synthèse de l’élastine et du collagène, dans la production de la mélatonine et la reproduction. C’est également un élément important dans la synthèse de la laine. Il assure le bon fonctionnement immunitaire.
La carence en Cu se manifeste par des signes d’anémies, os fragiles, une mauvaise laine qui se détache facilement et des signes d’incoordination.
Il faut donc s’assurer que la complémentation en cuivre des ovins est suffisante mais pas en excès.