- Par Saïd Tahenni
Le programme lumineux en filière ovine Témoignage d’un éleveur
La gestion de la saisonnalité est un enjeu prioritaire en filière ovine pour assurer le marché en viande. Diverses pratiques de gestion de la reproduction sont mises en œuvre selon les modes de production :
1- En agriculture conventionnelle avec des hormones (les éponges et Melovine) ou sans l’utilisation des hormones (traitement lumineux et effet bélier qui a presque disparu des élevages ovins).
2- En agriculture biologique on peut utiliser le traitement lumineux ou l’effet de bélier.
Des méthodes pour induire et synchroniser les ovulations hors saison sexuelle en alternative à l’utilisation d’hormones se développent de plus en plus dans des élevages caprins (c’est l’exemple du traitement lumineux). En élevage ovin son utilisation demeure faible. A l’avenir, le programme lumineux et l’effet de bélier doivent être une alternative pour la filière ovine pour faire face d’un éventuel manque de disponibilité des hormones PMSG.
Rappel sur la reproduction des ovins
Chez les races ovines, l’activité œstrale et ovarienne débute à la fin de l’été (fin Juillet / début Août), pour se terminer en hiver (Janvier, Février). Cette période sexuelle naturelle est appelée saison sexuelle. La saisonnalité est liée à la photopériode, c’est-à-dire le rapport entre la durée du jour et la durée de la nuit.
Quand les jours rallongent, la reproduction est inhibée. Elle est activée quand les jours raccourcissent en agissant sur la sécrétion de la mélatonine qui agit sur l’hypothalamus pour secréter l’hormone GNRH qui stimule la sécrétion des hormones sexuelles LH et FH.
Le cycle sexuel des brebis est de 17 jours en moyenne, avec une phase lutéale qui dure 14 jours et phase folliculaire qui dure 48 à 72 heures. Chez certaines races la période sexuelle dure plus longtemps dans l’année, ce sont des races prolifiques ou qui proviennent des régions proches de l’Equateur.
9 ans d’expérience
Dans cet article, un éleveur du nord des Deux Sèvres témoigne de ces 9 années d’expérience sur la pratique de traitement lumineux sur ses brebis.
Actuellement, cet éleveur est en GAEC avec son neveu avec 540 brebis race Rouge de l’Ouest sur une exploitation de 117 hectares de terres, 3 bâtiments d’élevage (un bâtiment pour l’engraissement ; 2 autres pour la reproduction dont un nouveau bâtiment avec des translucides).
Il pratique 2 programmes lumineux différents :
- un lot qui débute en novembre
et
- un deuxième qui débute à la fin janvier.
Comment utiliser le programme lumineux ?
La moitié du cheptel est placé en programme lumineux en 2 lots :
Lot 1
- Le premier lot débute le 8 Novembre jusqu’au 27 Janvier, soit 80 jours longs d’une durée d’éclairage de 17 heures par jour.
La lumière artificielle est mise de 5 heures à 9 heures le matin, puis de 17 heures à 23 heures. La lumière naturelle du jour prend donc le relais de 9 heures à 17 heures, avec une intensité lumineuse de 140 luxes près des yeux des brebis. Ces jours longs se réalisent dans la nouvelle bergerie très éclairée avec les translucides.
Les jours courts débutent le 27 Janvier jusqu’au 15 Avril avec 74 jours de jours courts d’une durée d’éclairage de 11 heures qui se fait en lumière naturelle. Les brebis sont dans l’ancienne bergerie qui est un peu sombre.
La lutte se fait de fin Mars à début Mai. Dans ce lot, la moyenne de fertilité est de 80 à 85 %.
Lot 2
- Pour le deuxième lot, les éleveurs sont seulement sur leur deuxième année d’expérience. Le protocole lumineux est utilisé sur les brebis qui agnellent en général en Février et en Mars.
Les jours longs commencent de fin Janvier jusqu’au 15 Avril avec un éclairage de 17 heures par jour. Les jours courts débutent de 15 Avril jusqu’au 15 Juin avec éclairage naturel.
La fertilité dans ce lot est faible par rapport au premier lot. Elle est d’une moyenne de 40 % car ils n’arrivent pas à bien maitriser les jours courts, les brebis sortant dans les pâtures à cette période de l’année.
Quel sont les intérêts et les inconvénients ?
Les intérêts du programme lumineux
1- Moins de stress et de soucis sanitaires sur le protocole lumineux, car il n’y a pas de manipulation sur les brebis.
2- Le coût de travail est moindre par rapport à l’utilisation des hormones.
3- Les agnelages sont groupés sur une période de 3 semaines à 1 mois en moyenne.
4- Le taux de fertilité est stable. Il est en moyenne de 80 %.
5- Moins de béliers pour la mise en lutte sur les brebis par apport aux éponges qui en nécessitent davantage.
Les inconvénients du programme lumineux
1- Il faut plus d’espace et des aménagements dans la bergerie pour pratiquer le programme lumineux (dans l’idéal, c’est mieux d’avoir deux bergeries : une pour pratiquer des jours longs et une seconde pour les jours courts).
2- Le programme lumineux n’est pas pratique pour faire des petits lots et du rattrapage sur les brebis infertiles.
3- Une prolificité plus faible par rapport aux brebis épongées.
4- On ne peut pas faire des I.A. ou lutte en main avec le traitement lumineux.
En conclusion...
D’après le témoignage de notre éleveur, on peut conclure que le programme lumineux est facile à mettre en place. Il faut toutefois avoir une bergerie bien aménagée et adaptable pour faire les jours longs et courts. L’idéal est d’avoir une bergerie pour assurer les jours longs et une autre pour les jours courts.
Les taux de fertilité sont presque similaires à ceux obtenus en saison sexuelle.
Le taux de prolificité est généralement stable.
On ne peut pas pratiquer des inséminations artificielles sur des brebis dessaisonnées avec le programme lumineux.
L’utilisation de la photopériode est une alternative très intéressante afin d’induire l’activité sexuelle des ovins en contre-saison sans recourir aux hormones. Elle peut être appliquée dans des élevages en agriculture biologique, la réglementation interdisant l’utilisation de mélatonine (Melovine) et des éponges. Concernant les traitements lumineux, aucune mention d’interdiction n’est faite pour les petits ruminants dans descharges de l’agriculture biologique.