Parasitisme de bergerie : connaître et prévenir

La présence de parasites en bergerie est permise par les mères qui servent de réservoir aux parasites et les excrètent dans le milieu extérieur. Ce sont le plus souvent les jeunes animaux qui sont pénalisés car ils n’ont pas encore développé une immunité suffisante face à ces parasites. Ils peuvent être malades ou avoir une croissance ralentie. Les pertes économiques par mortalités, traitements, allongement de la durée de finition ou des agnelles de petit gabarit peuvent être importantes.


Parasitisme  de bergerie : connaître  et prévenir

Les parasites rencontrés chez les ruminants sont classiquement les cryptosporidies, les coccidies, les giardias et les strongyloïdes.

La cryptosporidiose

La cryptosporidiose est due au développement dans la bordure des cellules de l’intestin grêle d’un protozoaire, Cryptosporidium parvum. Ce parasite se retrouve également chez les bovins et les caprins.

La contamination se fait par voie orale. La multiplication dans le tube digestif est très rapide (4/5 jours). Les formes de résistances excrétées n’ont pas besoin de transformation dans le milieu, elles sont directement infectantes.

Les adultes sont porteurs sains et excrètent dans le milieu extérieur (litière) en particulier autour du part. L’infestation des agneaux se fait donc dès la naissance lors de la tétée ou par léchage de la paille. 

L’eau, les bottes et les vêtements peuvent également être vecteurs.

Les jeunes vont amplifier la pression parasitaire (peu d’immunité) et développer la maladie quand les conditions environnementales sont favorables : humidité au sol, hygiène des cases d’agnelage non assurée, forte densité d’animaux dans la bergerie, mélange d’agneaux de classes d’âge différentes.

La cryptosporidiose touche les agneaux de 4 à 20 jours. Ils présentent une perte d’appétit, une diarrhée jaune pâle épaisse avec plus ou moins de déshydratation. La maladie présente un aspect contagieux (souvent plus de 30 % des agneaux). Son évolution se fait sur environ 10 jours avec un amaigrissement. En l’absence de complications infectieuses (colibacilles surtout, rota- et coronavirus sur les veaux), il n’y a pas de mortalité. Ces complications sont malheureusement fréquentes.

Cette diarrhée est à différencier des diarrhées alimentaires et infectieuses. La confirmation du diagnostic se fera par recours au laboratoire : kit de diagnostic rapide ou coproscopie (après coloration ou flottaison sur lame). Les examens coproscopiques sont positifs dès 6/8 jours d’âge. 


Traitement

Le traitement est d’abord symptomatique : pansement avec argile ou charbon, réhydratation. Il est souvent nécessaire d’assurer une couverture antibiotique. Un antibiotique particulier, la paromomycine est souvent utilisé hors AMM (indication chez le veau contre Escherichia coli).


Prévention

La prévention se fera d’abord par une bonne hygiène du bâtiment et de la litière en particulier (nettoyage eau chaude haute pression, « désinfection » avec un produit approprié à la concentration adaptée, faible concentration d’animaux, pas de mélange d’agneaux d’âges différents). Ensuite, une bonne hygiène digestive des jeunes agneaux peut être favorisée par l’utilisation des préparations à bases de plantes (PHYT’AP COLIX, PHYT’AP KEFIR DEMARRAGE, PHYT’AP JEUNES ANIMAUX). Enfin, il existe un traitement préventif avec une AMM pour les veaux dont le principe actif est l’halofuginone. L’administration se fait dès 24 à 48 h puis tous les jours pendant sept jours. Un protocole simplifié a été testé pour les agneaux et les chevreaux avec une administration à dose augmentée (trois fois à 48 h d’intervalle).

La coccidiose

La coccidiose est une parasitose de bergerie fréquente et qui pénalise fortement la croissance des agneaux 

La coccidiose est due à des parasites de l’intestin genre Eimeria (différentes espèces plus ou moins pathogènes) spécifiques d’espèce (les coccidies rencontrées chez les agneaux, les chevreaux et les veaux ne sont pas les mêmes ; les coccidies des oiseaux sont aussi différentes de celles des ruminants). L’immunité de ces agneaux par rapport à ce parasite n’est pas encore développée. Les adultes sont devenus résistants mais restent porteurs sains.

La contamination se fait par voie orale dès les premières heures de vie à partir des trayons des mères puis par ingestion d’éléments souillés (paille, eau, matériel, bas des murs).

Les coccidies vont se multiplier dans les cellules de l’intestin grêle puis du gros intestin, détruisant ainsi les cellules de la muqueuse intestinale. Elles sont rejetées dans le milieu extérieur dans les matières fécales sous forme d’ookystes et vont se transformer pour donner des formes infestantes, les ookystes sporulés. Au bout de 2 à 3 semaines de multiplication, des millions de nouveaux ookystes sont libérés dans le milieu extérieur. Ceci va augmenter progressivement le risque d’infestation. Ces ookystes sont très résistants, au froid, aux désinfectants. Ils peuvent survivre pendant plusieurs mois dans le milieu, en bergerie comme sur les prairies.

La maladie se rencontre principalement sous deux formes chez les agneaux de 4 à 8 semaines d’âge avec un pic à 6 semaines : une forme clinique avec ballonnements, coliques, diarrhée sanguinolente ou noire (saignements de l’intestin), amaigrissement pouvant aller jusqu’à la mort, et une forme subclinique avec retard de croissance, laine piquée. Cette deuxième forme parfois sous-estimée peut avoir un impact économique lourd. Les symptômes commencent à apparaître environ 3 semaines après l’ingestion des coccidies.

La gravité de la maladie dépend beaucoup de facteurs environnementaux : pression d’infestation, stress (sevrage, changement de régime alimentaire, transport), infestation par des strongyloïdes.

Les facteurs aggravants en bâtiment sont la chaleur, l’humidité, la forte densité d’animaux.

La confirmation du diagnostic peut être faite à l’aide d’examens coproscopiques. Ceux-ci vont mesurer l’excrétion des ookystes par les agneaux. Il est également possible de typer les coccidies pour en déterminer l’espèce. Cela permet de savoir s’il s’agit de coccidies pathogènes ou non. Lors d’une autopsie, des nodules sont visibles sur la paroi intestinale. 


Traitement

Le traitement de la forme diarrhéique se fera préférentiellement avec des antibiotiques de la famille des sulfamides, par voie orale. Pour les formes subcliniques, on utilisera plutôt le toltrazuril ou le diclazuril. Ces deux molécules pouvaient également être utilisées en prévention des formes cliniques et subcliniques avec une administration systématique aux jeunes agneaux avant l’âge d’apparition des symptômes. La nouvelle réglementation l’interdit désormais.


Prévention

La prévention passera par l’hygiène du bâtiment : 

  • Maîtrise de l’humidité : éviter les fuites, surveiller les remontées d’eau par le sol, soigner la ventilation
  • Paillage en quantité suffisante en particulier dans les cases d’agnelage et les cases des jeunes agneaux
  • Maintenir les abreuvoirs propres
  • En cas de pression forte dans le bâtiment, prévoir après curage un nettoyage à l’eau chaude haute pression puis l’utilisation d’un « désinfectant » actif aussi sur les ookystes de coccidies. 

Il faut limiter la densité des animaux dans les cases et ne pas mélanger des agneaux d’âges différents.

Il est possible de favoriser la résistance des agneaux par une bonne prise alimentaire avec quantité suffisante de lait.

On peut également défavoriser l’installation des coccidies dans le tube digestif par l’utilisation de compléments alimentaires avec des extraits de plantes ou des huiles essentielles dès le plus jeune âge. Ces aliments peuvent également préparer agneaux au stress du sevrage pour qu’ils n’expriment pas une coccidiose clinique après quand leur régime alimentaire sera exclusivement ruminant. 

D’autre part la présence d’un autre parasite, Strongyloïdes papillosus interfère avec l’acquisition de l’immunité contre les coccidies. Il peut donc être nécessaire d’envisager un traitement contre ce parasite. Dans certains élevages, la coccidiose a été limitée par la prévention systématique contre ce parasite. 





La giardiose

La giardiose est due à un parasite flagellé qui se localise en surface des cellules intestinales, Giardia duodenalis. Ce parasite se rencontre chez de nombreux mammifères (dont l’homme). Il semblerait toutefois que le sous type infestant le bétail soit différent de celui infestant l’homme. Cette parasitose concerne de jeunes animaux en bâtiment. Ce parasite serait présent dans beaucoup d’élevages de certaines régions. Tous les agneaux de ces élevages ne seraient pas pour autant infestés.

La contamination des jeunes se fait par ingestion de kystes directement infestants présents dans l’environnement (litière, eau). Ces kystes vont libérer dans l’intestin des formes de multiplication qui seront rejetés sous forme de kystes dans les fèces. Cette excrétion, maximale entre un et deux mois d’âge, est discontinue mais peut durer plusieurs mois. Les kystes sont très résistants (au moins deux mois à 8°C) dans l’environnement et face aux « désinfectants ».

La giardiose est le plus souvent asymptomatique. La forme clinique concerne surtout des animaux entre un et six mois ; il s’agit d’une inflammation intestinale diarrhéique chronique. Les jeunes présentent un mauvais état général et des retards de croissance. La durée d’engraissement peut aussi être allongée. Giardia seul semble ne pas provoquer la mort des animaux infestés.


Un diagnostic de confirmation en laboratoire est possible mais difficile à mettre en œuvre (excrétion discontinue, nécessité d’effectuer des prélèvements deux jours de suite) et encore peu utilisé.

Quand les autres causes de diarrhée ou de retard de croissance ont été éliminées, on peut faire un diagnostic thérapeutique (administrer un traitement et évaluer son efficacité par la disparition des signes cliniques).

Aucun médicament n’a d’AMM pour le traitement de la giardiose bovine ou ovine mais des essais ont montré l’intérêt du febendazole administré plusieurs jours consécutifs à la dose de 10 mg/kg/jour. Il est possible de répéter le traitement un ou deux mois plus tard en cas de ré-infestation.

Il est important d’accompagner ce traitement par des mesures d’hygiène pour éviter une ré-infestation : nettoyage, « désinfection », gestion de l’humidité dans le bâtiment, litières propres, diminution de la densité d’animaux.



La strongyloïdose

La strongyloïdose est due à un vers rond de l’espèce Strongyloïdes papillosus, commune aux différentes espèces de ruminants. Cette parasitose est plus fréquente en bergerie (d’où l’appellation de « strongle de bergerie »), et sous climat chaud et humide. Elle est moins visible au pâturage.

Les adultes sont des vers très fin de quelques millimètres de longueur. Les femelles sont installées dans la muqueuse de l’intestin grêle à l’issue d’un cycle complexe comprenant une phase endogène (dans l’animal avec migrations au travers de différents tissus dont les poumons) et une phase exogène (dans le milieu extérieur). 

Cf article Bulletin AP n° 921 (mai 2021)

La contamination par les larves infestantes peut se faire par différentes voies : 

  • Orale, classique pour les nématodes, par ingestion des larves présentes au sol ou dans la litière
  • Transcutanée lors du couchage à partir des larves présentes au sol ou dans la litière et grâce à la finesse de la peau des agneaux
  • Galactogène lors de la tétée à partir des larves qui ont arrêté leur migration au niveau des tissus adipeux mammaires. Il existe alors un risque plus important d’expression précoce de l’infestation.


Ce sont les femelles adultes qui sont responsables de la maladie : elles creusent des galeries dans la muqueuse de l’intestin grêle ce qui peut aboutir à une diarrhée foncée avec du mucus.

Les adultes sont le plus souvent asymptomatiques mais constituent le réservoir de l’infestation. Les agneaux sont plus sensibles (peau plus fine, immunité efficace après plusieurs mois de contact). L’expression de la parasitose est plus fréquente de 3 semaines à 3 mois d’âge. Les agneaux présentent souvent des taches blanches sur la laine au niveau de l’abdomen (léchage/irritation) : on parle d’agneaux « léopards ». La diarrhée est possible mais inconstante. Des signes respiratoires peuvent être présents. On observe surtout une diminution du GMQ. Un poly-parasitisme est toujours à envisager lors du diagnostic, à l’aide d’examens coproscopiques.

Cette parasitose est à différencier de la gale qui peut aussi amener les agneaux à se lécher et se gratter avec apparition de zones de laine plus blanches.


Traitement

Le traitement se fait avec des avermectines ou des benzimidazoles pour une action sur les larves et les adultes, avec du lévamisole pour une action sur les adultes seuls. 


Prévention

La prévention se fera là encore par l’hygiène du bâtiment (nettoyage à l’eau chaude haute pression), des litières en évitant toute humidité excessive et une trop grande densité d’animaux. Un traitement des brebis contre les nématodes gastro-intestinaux avant l’agnelage évite une contamination de la bergerie.

Il faut également favoriser une bonne santé générale des agneaux ainsi qu’une bonne hygiène digestive.


Comme nous l’avons vu pour chaque parasitose, les mots d’ordre contre le parasitisme en bergerie sont la gestion de la bergerie (propreté, paillage, faible densité d’animaux) et la bonne santé des agneaux (bonne prise colostrale, bon allaitement, hygiène digestive). En cas de difficultés, les traitements sont à mettre en place dès les premiers signes de ralentissement de croissance et d’inconfort digestif. La prévention est toujours plus rentable que les interventions d’urgence.