- Par Thierry Duclairoir
Utilisation raisonnée des antibiotiques chez les agneaux
Le plan Ecoantibio 1 mis en place en 2012 et pour une période de 5 ans avait pour objectif de diminuer de 25 % l’utilisation des antibiotiques en élevage ; cet objectif a été largement dépassé puisque le chiffre atteint en 2017 est de 37 % de baisse. Le plan Ecoantibio 2 a pris le relais afin de poursuivre les efforts entrepris et de préserver durablement l’efficacité de l’arsenal thérapeutique que sont les antibiotiques.
Naturellement l’élevage ovin est concerné par ces plans et tout particulièrement les agneaux qui sont l’objet de nombreuses pathologies néonatales nécessitant une antibiothérapie qui reste bien sûr indispensable mais doit être maîtrisée.
L’antibiothérapie
Les antibiotiques ciblent uniquement les infections bactériennes et non les infections virales. Ils sont bien sûr indispensables pour limiter les pertes mais leur utilisation doit respecter des règles :
Le diagnostic :
un examen attentif des animaux concernant leurs symptômes et leur comportement donne l’alerte ; la prise de température est primordiale ; puis des examens complémentaires (prises de sang, analyses de fèces…) voire des autopsies, seront réalisés avec le vétérinaire afin d’identifier la ou les bactéries responsables de la maladie et éventuellement un antibiogramme permettra de choisir l’antibiotique le plus efficace.
Ultérieurement une visite complète de l’élevage permettra de repérer les points critiques concernant l’alimentation, les soins, la conduite du troupeau, l’ambiance des bâtiments afin d’apporter des modifications pour prévenir les pathologies rencontrées.
L’ordonnance :
elle peut être ponctuelle lors d’un épisode pathologique ou être établie dans un protocole de soins. Elle mentionne les règles rigoureuses d’utilisation des antibiotiques : dosage, voie d’administration, durée du traitement et délais d’attente.
On ne traite bien sûr que les animaux malades et en suivant les mentions de l’ordonnance on optimisera le traitement en limitant les effets secondaires indésirables ; on respecte la qualité sanitaire des produits d’origine animale en limitant les résidus médicamenteux ; on limite la propagation dans l’environnement de bactéries antibiorésistantes et de résidus médicamenteux.
De même et pour les mêmes raisons on évitera d’utiliser des produits périmés ou des flacons entamés depuis longtemps (un flacon doit être utilisé dans les 28 jours après son ouverture).
Estimation précise du poids des animaux :
comme mentionné sur l’ordonnance la quantité d’antibiotiques à administrer est fonction du poids. Le plus simple bien sûr est la pesée des agneau
Le but est d’éviter un sous-dosage qui rendrait le traitement inefficace car la population des bactéries pathogènes ne serait pas entièrement détruite, et de plus il pourrait être à l’origine de la sélection de souches bactériennes antibiorésistantes qui posent d’énormes problèmes en santé publique.
Le but est aussi d’éviter un surdosage qui peut occasionner des effets secondaires, qui augmente le coût du traitement et surtout qui allonge les délais d’attente (sans que l’on puisse les établir avec précision).
Utilisation d’un matériel adapté :
la posologie étant fonction du poids de l’animal, les jeunes agneaux nécessitent l’utilisation de petites seringues (de 1 à 5 ml) afin d’être le plus précis possible et d’éviter un sous-dosage ou un surdosage. Naturellement ce matériel est propre voire à usage unique.
Si le traitement antibiotique nécessite d’intervenir sur un nombre important d’agneaux il convient de laisser une aiguille dans le flacon pour ponctionner le produit et d’utiliser d’autres aiguilles pour l’injection (les aiguilles à usage unique étant l’idéal), ce afin d’éviter de propager des germes d’un animal à l’autre.
Le choix des aiguilles est important en ce qui concerne le diamètre et la longueur afin de respecter la voie d’administration (sous-cutanée ou intramusculaire) et afin de limiter la douleur à l’injection.
En cas de formes orales (poudres) il convient d’utiliser une balance de ménage pour plus de précision sur la quantité utilisée.
Identification des animaux traités :
les animaux traités seront identifiés (bombe à marquer, crayon, colliers…) afin de les repérer plus facilement dans le troupeau et de mieux les surveiller.
Les traitements antibiotiques nécessitent un enregistrement dans le carnet sanitaire où seront mentionnés l’identification de l’agneau, le nom du médicament, la date et la durée du traitement, et les délais d’attente. Cela permet une bonne gestion des pathologies, des traitements entrepris et de leur efficacité, et cela facilite le respect des temps d’attente, donc une bonne traçabilité. De plus s’il y a plusieurs intervenants dans l’élevage l’observance du traitement sera meilleure.
Surveillance des animaux traités :
comportement, suivi de température et symptômes des agneaux permettent d’apprécier l’évolution de la maladie. Si l’on ne constate pas d’amélioration dans les 24 à 48 heures après le début du traitement et ce malgré le respect strict des indications de l’ordonnance, il faut contacter le vétérinaire afin de réévaluer la situation et d’envisager éventuellement d’autres examens.
Donc, les antibiotiques seront utilisés comme il faut et quand il faut ; le but ultime est de lutter contre l’antibiorésistance qui reste un enjeu mondial majeur en matière de santé publique.
Pour limiter l’apparition de toutes ces pathologies néo-natales et donc le recours aux antibiotiques on mettra en œuvre des mesures sanitaires préventives : prise de colostrum le plus tôt possible, hygiène et soins aux agneaux (désinfection du nombril, de la plaie des boucles auriculaires, de la plaie de caudectomie), alimentation équilibrée, maîtrise des conditions d’ambiance de la bergerie, surveillance attentive des animaux.
Application dans les principales pathologies des agneaux
L’arthrite
L’arthrite est une infection des articulations qui peut affecter les agneaux dès quelques jours d’âge ; elle est due à des bactéries dont le bacille du Rouget. Elle provoque des boiteries, les articulations sont chaudes et douloureuses. Les arthrites sont souvent secondaires à une plaie : ombilic, pose de boucles auriculaires, pose d’anneau de caudectomie …
Le traitement repose sur une antibiothérapie entreprise le plus tôt possible et poursuivie pendant 8 à 10 jours ; en début de traitement des anti-inflammatoires soulageront la douleur. Mais malgré cela, cette pathologie est à l’origine de fréquentes saisies à l’abattoir.
Une prophylaxie médicale peut être réalisée en vaccinant les brebis avant la mise-bas contre le Rouget, si celui-ci est en cause.
La prévention reste avant tout sanitaire : désinfection du cordon ombilical dès la naissance, respect des règles d’hygiène et utilisation d’antiseptiques lors des interventions sur les agneaux (boucles auriculaires, anneau de caudectomie), paillage important voire épandage d’asséchants de litière dans les cases d’agnelage. Au besoin on reportera la pose des boucles d’identification dans le temps.
Les Pasteurelloses
Ce sont des infections de l’appareil respiratoire dues à Pasteurella trehalosi ou à Mannheimia hemolytica ; elles évoluent soit de manière suraiguë en septicémie avec mortalité très rapide des agneaux, soit sous forme respiratoire en broncho-pneumonies avec température, toux, difficultés respiratoires, écoulement nasal.
Un traitement antibiotique doit être mis en place rapidement afin de limiter les pertes.
La prévention médicale peut être réalisée en vaccinant les brebis avant l’agnelage ou les agneaux dès 3 semaines d’âge.
La prévention est cependant avant tout sanitaire car ces pathologies sont très souvent liées aux conditions de logement. On veillera donc à limiter la densité, à éviter le mélange de différentes classes d’âge d’agneaux, à maîtriser la température, l’hygrométrie, la ventilation et l’hygiène de la litière dans la bergerie. On ne négligera pas non plus la qualité de l’alimentation et l’apport de minéraux et de vitamines.
Les colibacilloses
Dues à des colibacilles, elles se manifestent soit sous forme de septicémie avec mort très rapide des agneaux souvent sans symptômes, soit sous forme de diarrhée très liquide avec déshydratation sévère, soit encore sous la forme dite de “l’agneau baveur” avec faiblesse générale, refus de téter, babines humides de salive et froides, puis mort rapide.
Le traitement est à entreprendre le plus rapidement possible à l’aide d’antibiotiques par voie injectable et par voie orale.
La prévention peut être médicale en vaccinant les brebis avant la mise-bas afin d’enrichir le colostrum en anticorps contre les colibacilles ; il faudra bien-sûr veiller à une prise de ce colostrum dès la naissance.
Mais la prévention sanitaire est là aussi primordiale. En effet sachant que les agneaux se contaminent par voie orale et par voie ombilicale au moment de la mise-bas, la maîtrise des conditions d’ambiance dans la bergerie est très importante, notamment en ce qui concerne la litière avec un paillage important et l’utilisation d’asséchants de litière surtout dans les cases d’agnelage.