- Par Delphine Daniel
L’ortie Et si elle envahissait aussi les râteliers ?
Tout le monde la connaît au moins pour s’être fait piqué aux poils urticants qui lui ont donné son nom (Urtica Dioica et Urtica Urens). Sa reconnaissance est assez facile, c’est une plante commune de 60 cm à 1 m de hauteur à feuilles hérissées portant de très petites fleurs vertes en grappes pendantes au sommet.
Elle aime les excès d’azote et d’humus, ce qui lui donne la faveur des zones de couchage et manifeste les « taches » d’urine. Les gravats et autres décombres peuvent également lui convenir. Les brebis consomment spontanément les graines qui sont très résistantes à la digestion, ces consommations créent un terreau fertile à la prolifération des orties. C’est donc une envahisseuse privilégiée des prairies de brebis (les bovins ont les chardons qui se propagent dans des conditions similaires).
Les deux variétés d’orties d’intérêt sont urticantes : elles portent sur et sous la feuille ainsi que sur la tige de petits poils piquants qui libèrent les toxines (histamine) lorsqu’ils sont cassés.
La confusion est possible avec des plantes de la famille des lamiers (lamier blanc, jaune ou pourpre entre autres, tous également appelés orties) mais aucune lamiacée ne pique, leurs feuilles sont souvent moins dentelées, de courbes plus douces et les fleurs clairement colorées.
L’utilisation médicinale de l’ortie est déjà décrite par les romains antiques, elle est considérée par les herboristes médiévaux comme une panacée (un traitement universel). De nombreux livres médiévaux font recettes d’ortie et montrent l’affection que les gens du moyen âge portent à cette plante alors considérée comme un légume à part entière. La diminution de son usage et la perte des faveurs du grand publique datent de la fin du 19ème siècle début du 20ème siècle. La fin de la 2nde guerre mondiale scelle son image : considérée avec le topinambour comme un plat de guerre, elle est alors une plante à éliminer des tables (remplacée par la salade et l’épinard qui n’ont pas ses propriétés) et des prairies (car trop envahissante).
Valeur alimentaire
Le fait le plus notable de sa composition alimentaire est sa richesse en protéine : 17 à 25 % MAT selon le stade et la qualité de récolte. Tout comme la luzerne, il peut y avoir une grande différence entre la plante sur pied et la plante récoltée selon le matériel, le stade de récolte et la technicité de l’agriculteur. Elle est également pauvre en cellulose brute.
Le foin d’ortie contient de 10 à 30 % cellulose brute, selon la part de feuilles ramassée. Les animaux consommant assez peu les tiges, la part réellement consommée est très pauvre en cellulose. C’est donc un intermédiaire entre fourrage et complémentaire azoté (au même titre qu’un foin de luzerne). Les valeurs alimentaires moyennes calculées sont assez variables selon les sources et de l’ordre de 70 UFL et 80 g de PDI.
En complément de leur valeur en macronutriment, elle est extrêmement riche en fer et en calcium ainsi qu’en potassium, vitamine C, K et B.
Qualité médicinale
Les composant actifs de l’ortie sont aujourd’hui assez clairement identifiés, pour certains, les mécanismes d’actions cellulaires sont connus.
La racine est principalement utilisée en andrologie (hyperplasie prostatique) et présente peu d’intérêt chez les animaux de rente.
Concernant les feuilles, leurs propriétés anti inflammatoires sont liées à la présence conjointe d’acides phénoliques (acide caféique et chlorogénique notamment) et de flavonoides (quercetol, kaemferol, rutine). Entre autres molécules présentes dans l’ortie, on trouve des coumarines (scopoletol) et des stérols (sitostérol).
La feuille d’ortie est réputée pour son action sur l’élimination des liquides (via la mamelle et les reins), tonique (régulation de la glycémie) et reminéralisante / antianémiante.
C’est donc un complément très intéressant en démarrage de lactation, en entrée en engraissement ou pour des animaux faibles ou en convalescence notamment après passage de parasitisme anémiant (strongles de caillette, paramphistome, tiques)
Les graines sont moins bien connues. On y retrouve notamment une forte concentration d’acide caféique responsable de l’effet stimulant et anti-inflammatoire. Elles contiennent également une grande quantité d’acides gras essentiels indispensables au bon fonctionnement hormonal. L’utilisation des graines se fait surtout par consommation spontanée par les animaux (notamment les chèvres et les brebis), la récolte reste fastidieuse. Cependant leur utilisation est intéressante en traitement individuel (animaux faibles, convalescents, soutien aux fonctions hormonales d’animaux à haute valeur génétique).
Comment l’utiliser ?
La teneur en calcium et en protéine de l’ortie ainsi que son pouvoir tampon élevé rend sa conservation humide (ensilage ou enrubannage) délicate (risque de pourrissement et d’écoulement de silo). Son utilisation se fait donc uniquement en plante fraîche, en foin ou en plante séchée broyée. Le foin d’ortie est souvent légèrement moins sec que du foin de pré (75 à 85 % MS).
L’utilisation la plus simple, reste de faucher les orties (non traitées, non désherbées) dans la parcelle pâturée et de laisser les animaux manger les orties fraîchement coupées. Bien que facile à réaliser (et couramment pratiqué), cette technique ne permet pas d’en faire bénéficier les animaux qui en ont le plus besoin. Seule, la récolte et la conservation le permettent.